Stutz Motor Compagny, la marque reine d’Indianapolis

En 2021, la prestigieuse marque américaine Stutz fête ses 110 ans. Une occasion en or pour se replonger dans la fascinante histoire de ce monument de l’industrie automobile américaine. En effet, son fondateur, Harry Clayton Stutz (1876-1930), autodidacte, fut à l’origine de trois autres marques et fit un parcours initiatique. Il travailla pour Davis Sewing Machine, un fabricant de machines à coudre, puis pour National Cash Register, un constructeur de caisses enregistreuses. Enfin, épris de solutions techniques originales, il créa avec des associés la Marion Motor Car Company, puis l’American Motor Car Company dénommée communément aujourd’hui « American Underslung », puis la Stutz Motor Company et enfin la H.C.S. Motor Car Company. ABSOLUTELY CARS vous invite à redécouvrir ces quatre marques, mais également l’Imperial Automobile Company, la Mutual Motors Company avec les Marion-Handley, les Handley-Knight, les Handley, la filiale de Stutz dénommée Blackhawk et le constructeur français Ariès. Bref, un vaste programme…

Harry Clayton Stutz ou le « self-made-man » aux quatre marques

Harry Clayton Stutz et la Marion Motor Car Company

En janvier 1904, fut fondée à Indianapolis dans l’Indiana, la Marion Motor Car Compagny qui eut, au fil des années, des dirigeants ô combien célèbres : Robert H. Hassler, Harry C. Stutz, Fred I. Tone, John N. Willys (qui acheta Overland en 1908) et J.I. Handley. La première voiture, la Marion Four 16hp, proposée entre 1904 et 1905, était totalement originale : 4 cylindres de 3,3 litres provenant du constructeur Reeves, refroidi par air, monté transversalement, entrainant les roues arrières à l’aide d’une double chaîne, équipé d’une boîte à vitesses 2 rapports. Dès 1906, des solutions classiques furent adoptées dont le 4 cylindres longitudinal refroidi par eau. Harry C. Stutz et Fred I. Tone partirent pour créer l’American Motor Car Company.

A la fin de la décennie, les automobiles Marion furent équipées d’une boîte à vitesses 3 rapports. En 1916, la fusion entre la Marion Motor Car Company et l’Imperial Automobile Company de Jackson donna la Mutual Motors Company. Le site de production retenu fut celui de Jackson, les modèles, ceux de Marion. La marque commerciale devient Marion-Handley. Robert H. Hassler fabriqua alors sous son nom des automobiles à Indianapolis, pendant seulement un an, en 1917. De 1920 à 1922, John N. Willys fournit des 4 cylindres sans soupape de la Willys-Knight 88-4 et les voitures fabriquées maintenant à Kalamazoo furent vendues sous la marque Handley-Knight. Le succès commercial n’étant toujours pas au rendez-vous, John North Willys jeta l’éponge et J.I. Handley se retrouva bien seul. En 1923, les voitures furent vendues sous la marque commerciale Handley, celles-ci étaient équipées d’un 6 cylindres OHV Falls ou d’un 6 cylindres OHV Midwest. La même année, Handley fut absorbée par Checker et J.I. Handley crut un temps que la production des voitures de tourisme allait se poursuivre. Constatant que seuls des taxis étaient construits, il mit un terme à sa vie.

Quant à Imperial ou plus exactement Imperial Automobile Company, elle fut fondée à Jackson par les frères Champbell. Les voitures proposées entre 1908 et 1915 étaient équipées principalement de boîtes à vitesses 3 rapports.

Harry Clayton Stutz et l’American Motor Car Company

En 1906 à Indianapolis, Harry C. Stutz et Fred I. Tone créèrent l’American Motor Car Company. Le premier modèle proposé était somme toute ordinaire. Dès 1907, devint disponible le châssis surbaissé dit « underslung ». L’objectif était de baisser sensiblement le centre de gravité afin d’améliorer la tenue de route notamment dans les virages, les roues ayant néanmoins un diamètre plus conséquent afin d’emprunter les mauvais chemins. Ces voitures ne brillèrent pas en compétition, car la plage disponible en matière de régime moteur était trop faible.

La conséquence de cette solution technique originale fut de créer un design stupéfiant. Les ailes avant étaient alignées sur la surface supérieure du capot. Le résultat ne se fit pas attendre : American vendit ainsi 45 000 automobiles en seulement 8 ans. En 1913, le démarreur et l’éclairage électriques devinrent disponibles. La disparition de cette marque en 1914 a été attribuée à une mauvaise gestion de la société.

Ces voitures sont extrêmement recherchées par les passionnés et les collectionneurs, car elles sont tout simplement magnifiques et reconnaissables.

Harry Clayton Stutz et la Stutz Motor Company

Harry C. Stutz travailla épisodiquement pour la Marion Motor Car Company et l’American Motor Car Company. Cependant, son rêve était de devenir constructeur. Il fonda la Stutz Auto Parts Company en 1910 et l’Ideal Motor Car Company en 1911 pour fabriquer ses premières voitures. Celles-ci étaient équipées d’un 4 cylindres Wisconsin de 6,4 litres muni de soupapes latérales disposées de part et d’autre des cylindres, en T, actionnées par deux arbres à cames latéraux. En 1911, le pilote Gil Anderson (1879-1936) termina onzième sur le circuit d’Indianapolis. Ce fut suffisant pour que ces voitures fussent connues. En 1912, elles remportèrent 25 courses sur les 30 dans lesquelles elles étaient engagées. En 1913, Harry C. Stutz fusionna ses deux sociétés pour devenir la Stutz Motor Company.

Entre 1912 et 1915, fut fabriquée une gamme complémentaire équipée de 6 cylindres munis de soupapes latérales. Le démarreur et l’éclairage électriques furent montés en série à partir de 1913. En 1915, une Stutz rallia San Diego à New-York en 11 jours, 7 heures et 15 minutes !

Entre 1918 et 1924, les modèles 4 cylindres furent équipés d’un moteur maison muni de 4 soupapes et de 2 bougies par cylindre. Il délivrait 80ch à 2400tr/mn. En juillet 1919, Harry C. Stutz quitta la société avec son ami Henry F. Campbell afin d’échapper au poids décisionnaire des actionnaires. Ils fondèrent la H.C.S. Motor Car Company, H.C.S. pour Harry C. Stutz.

Entre 1923 et 1925, la nouvelle gamme 6 cylindres fut équipée d’un arbre à cames en tête. En 1925, le système de freinage passa directement de 2 freins à tambours arrières mécaniques à 4 freins à tambours hydrauliques. En 1926, apparut une nouvelle série équipée d’un 8 cylindres muni d’un arbre à cames en tête, dénommée successivement Stutz AA Series, Stutz BB Series, Stutz M Series, Stutz MA/MB Series et Stutz SV16 Series.

Le 18 avril 1928, le duel entre Hispano-Suiza et Stutz mit un terme au lustre de la firme d’Indianapolis. Cette dernière réinvestit rapidement des moyens humains et financiers dans la compétition et obtint à nouveau des résultats : 2ème place aux 24 Heures du Mans en juin 1928, 3ème place au Grand Prix automobile de France, 10 victoires entre 1926 et 1937 au Pikes Peak International Hill Climb.

Entre 1929 et 1931, Stutz fournit une gamme plus accessible vendue sous la marque Blackhawk : le modèle Blackhawk L Series. Il était équipé d’un 6 cylindres OHV Stutz ou d’un 8 cylindres SV Continental. Devant le succès tout relatif de cette nouvelle voiture, Stutz la proposa sous sa marque entre 1931 et 1933 et uniquement en version 6 cylindres.

Fin 1930, la firme Stutz avait vendu 35 645 automobiles, soit en moyenne, 1 876 voitures par an. En 1931, le modèle équipé d’un 8 cylindres OHC muni de 16 soupapes fut dénommé Stutz SV16, ceci pour le distinguer du nouveau modèle équipé d’un 8 cylindres DOHC muni de 32 soupapes baptisé Stutz DV32. Ce moteur était une pure merveille technique ! La puissance grimpait de 113ch à 3300tr/mn à 156ch à 3900tr/mn. La publicité clamait que ce 8 cylindres était équivalent à un 16 cylindres.

Cependant, la clientèle huppée, totalement maître de ses choix, préférait acquérir une automobile équipée d’un V12 ou d’un V16 de la concurrence. En 1931, les ventes ne représentèrent que 310 unités, puis en 1932 que 206, puis en 1933 que 80 et en 1934 que 6. Ce fut le chant du cygne pour les automobiles Stutz. Les deux derniers exemplaires furent déstockés en 1935.

Une marque magique venait de disparaître…

Harry Clayton Stutz et la H.C.S. Motor Car Company

Fin 1919, Harry C. Stutz, Henry F. Campbell et Samuel T. Murdock fondèrent la H.C.S. Motor Car Company à Indianapolis. Entre 1920 et 1925, 3000 automobiles furent construites.

Le constructeur français Ariès : son baroud d’honneur exploita un 8 cylindres Stutz

La marque française Ariès ( de « bélier » en latin) fut fondée en 1903 à Villeneuve-la-Garenne par le baron Charles Petiet (1879-1958), membre de la chambre syndicale des constructeurs d’automobiles, du conseil de l’union des industries métallurgiques et minières, du conseil des industries métallurgiques mécaniques de la région parisienne et président du comité du Salon de l’automobile de Paris de 1921 à 1958.

Dès 1903, furent vendus un camion et une voiture munis d’un bicylindre Aster. En 1904, fut introduit une 4 cylindres toujours munie d’un moteur Aster. En 1906, un luxueux modèle de 12 litres (50cv) fut commercialisé. En 1907, fut lancée l’Ariès Type P, une 20/30cv qui constitua l’épine dorsale du constructeur jusqu’en 1914, adoptant le système Knight sans soupape en 1912. En 1908, une 6 cylindres et une V4 (1131cm³ – 60×100) furent introduites. Pendant la Première Guerre mondiale, la firme fabriqua 3 000 camions et des moteurs d’avions sous licence Hispano-Suiza. Après le conflit, les ateliers furent déménagés à Courbevoie.

L’intéressante Ariès type S fut lancée en 1909. La version disponible de 1913 à 1916 était équipée d’un 4 cylindres de 2475cm³ (75×140) délivrant 25ch à 2300tr/mn, accouplé à une boîte à vitesses 4 rapports, reposant sur un châssis de 2,95m d’empattement, permettant une vitesse maximale de 78km/h. Elle fut réquisitionnable par l’armée française. Seule la version disponible de 1916 à 1919, équipée d’un moteur de 2815cm³ (80×140), pouvait être acquise par l’armée française et figurait dans le catalogue du ministère de la Guerre. Cependant, l’aéronautique française nota, en tant que retour d’expérience, en mai 1918, le commentaire suivant : « construction très médiocre, mauvaises matières premières ». Cette voiture eut, comme descendance, les Ariès 12/15cv et Ariès 15/20cv disponibles jusqu’en 1928. La surprise vint en 1923 avec l’adoption de l’arbre à cames en tête sur l’ensemble de la production. A partir de 1929, les freins sur les 4 roues et les moteurs 4 cylindres semi-culbutés furent employés. Pendant l’entre-deux-guerres, environ 3 600 Ariès furent assemblées.

Ariès pourrait tomber dans l’oubli. Cependant, entre 1929 et 1934, elle proposa le modèle Ariès M8 équipé du 8 cylindres en ligne Stutz de 5,3 litres, muni d’un arbre à cames en tête, de 16 soupapes, de 16 bougies, délivrant 113ch à 3300tr/mn, permettant une vitesse maximale et de croisière de 120km/h.

Le revival de Stutz

En août 1968, le banquier new-yorkais James D. O’Donnell (1914-1997) relança Stutz à Indianapolis sous la dénomination Stutz Motor Car of America. Le designer Virgil Exner (1909-1973) retravailla sur son prototype néo-rétro Duesenberg Model D de 1966 pour lui offrir une filiation esthétique avec les modèles Stutz de l’entre-deux-guerres. Le 20 janvier 1970 devant l’Hôtel Waldorf Astoria à New York, fut présenté le prototype Stutz Blackhawk. Il s’agissait d’un coupé reposant sur une plate-forme de Pontiac Grand Prix munie de roues avants indépendantes. Sa carrosserie était réalisée et assemblée chez le carrossier Officine Padane SpA à Modène, puis à partir de 1973, chez la Carrozzeria Saturn à Cavallermaggiore.

Les équipements standards étaient constitués par la transmission automatique, la direction assistée, les freins à disques avants, les tuyaux d’échappement latéraux non fonctionnels, le système de sonorisation quadriphonique à huit voies Lear Jet AM / FM, les vitres électriques, la climatisation, le verrouillage centralisé, les sièges électriques, la sellerie en cuir, la plaque intérieure désignant le nom du premier propriétaire, les garnitures métalliques plaquées en or 14 carats :

  • les trois branches du volant, les allume-cigares et les commandes,
  • l’entourage des panneaux de boiserie et des bouches d’aération,
  • les deux clés de contact.

Réalisées à la main, quatre types de carrosseries furent proposées tout en offrant des possibilités de personnalisation selon les demandes des clients :

  • de 1970 à 1987, le coupé Stutz Blackhawk,
  • de 1972 à 1986, la 4 portes Stutz dénommée successivement Stutz Limousine, Stutz Duplex, Stutz IV-Porte et Stutz Victoria,
  • en 1976, le cabriolet Stutz D’Italia, et de 1987 à 1992, le cabriolet Stutz Bearcat réalisé en 12 exemplaires avec une carrosserie en « Diamond Fiber Components », une sorte de fibre de carbone,
  • de 1979 à 1987, le targa Stutz Bearcat.

Les premiers exemplaires dénommés Stutz Blackhawk, disponibles en Europe, étaient équipés d’un V8 OHV de 7474cm³. La puissance était de 200ch SAE net à 3500tr/mn. La boîte à vitesses automatique offrait 3 rapports. La vitesse maximale était de 200km/h. L’empattement était de 2,95m, la longueur de 5,77m. Par la suite, le client pouvait choisir n’importe quel moteur V8 du groupe General Motors. Les plates-formes empruntées successivement furent celles de la Pontiac Grand Prix de 1970 à 1979, de la Pontiac Bonneville de 1980 à 1987, de la Pontiac Firebird de 1987 à 1992.

Ces voitures furent achetées par de nombreuses personnes célèbres, notamment Dean Martin, Jerry Lewis, Muhammad Ali, George Foreman, Elton John, Paul McCartney, Al Pacino, Barry White, Elvis Presley et le Shah de Perse Mohammed Reza Pahlavi. Légèrement plus de 600 exemplaires furent assemblés.

Article co-écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’archives

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