1986 est une année particulière dans l’histoire de l’automobile, marquant la fin d’une époque pour la marque “haut de gamme” du constructeur turinois Fiat : Autobianchi. En effet, la dernière A112 sortait des chaînes de production de Desio (Italie). Alors qu’une page se tournait, une légende était en train de s’écrire ! Et 50 ans plus tard après sa présentation officielle au Salon de l’Automobile de Turin, un 29 octobre 1969, l’Autobianchi A112 est devenue un mythe avec ses 1 300 000 unités produites. Concurrente directe de la Fiat 500 et de l’Austin Mini, elle représente désormais “le chic à l’italienne”. Pourtant, détrompez-vous, ce n’est pas qu’une sublime voiture, mais une sportive grâce au sorcier Carlo Abarth qui lui permet de rivaliser avec les Mini Cooper et Mini Cooper S dans ses versions les plus performantes avec la 58HP et la 70HP ! Quoi de mieux pour lui rendre honneur que de partir à la rencontre du plus ancien exemplaire recensé en France, reconnu officiellement par le “Registro Autobianchi” appartenant au journaliste et historien automobile François ALLAIN !

Ce dimanche 3 novembre 2019, une atmosphère festive régnait sur la Place Vauban, dans le 7ème arrondissement de Paris tandis que plusieurs Autobianchi A112 se garaient face à l’Hôtel National des Invalides. Parmi ces quelques exemplaires réunis pour fêter le 50ème anniversaire de l’A112, un très spécial : il s’agit de la plus ancienne Autobianchi A112 recensée en France. appartenant au journaliste de RMC Découverte, François ALLAIN. A l’occasion de ce rassemblement incroyable, il nous a accordé une interview exclusive ! Mais reprenons depuis le début. En 1969, à l’occasion de son lancement lors du Salon Automobile de Turin. François ALLAIN, comment a été accueillie l’Autobianchi A112 ?


Véritable succès en Italie et en Europe, c’est une voiture qui a été, tout d’abord, présentée le 29 octobre 1969, lors du Salon de Turin. Elle a connu une belle longévité qui a duré jusqu’en 1986 avec une carrière de quasiment 17 ans et un peu plus d’un million deux cent mille exemplaires produits. Elle peut être fière de son parcours !
Il faut également rappeler que c’est Dante Giacosa qui l’a designé et conçu, à l’image de Sir Alec Isigonis pour l’Austin Mini (Toutes deux répondaient à la même problématique autour de la micromobilité à l’instar de la BMW Isetta présentée le mois dernier, ndlr). Ces deux personnages se considéraient comme des fans absolus de la micro-citadine à traction avant. Dès les années 1940, ils avaient déjà pensé à cette forme de mobilité. D’un côté, l’Autin Mini qui fut une véritable révolution à sa sortie, en 1959. De l’autre, Fiat qui venait de commercialiser la Fiat 500 et la Fiat 600 avec une conception plus ancienne. Giacosa a constaté que son confrère anglais avait réalisé le modèle qu’il avait rêvé. Pour réaliser son rêve, il est arrivé à convaincre le Groupe Fiat, ce qui donna naissance à la marque indépendante Autobianchi. Ils produisirent des modèles distinctifs de la Fiat 500 avec le logo Autobianchi. L’Autobianchi Primula fut la toute première à inaugurer la marque. Mais on peut aller plus loin, en concevant une voiture encore plus courte et c’est ainsi qu’est née l’Autobianchi A112 qui fait moins de 3.30m de long.

Pourquoi Fiat, qui était déjà une marque très importante en Italie, s’est-elle lancée dans cette aventure ?
L’idée de Fiat, à la base, était de rendre la marque Autobianchi “premium” du groupe. Je vais faire une comparaison très osée, mais on peut comparer Autobianchi pour Fiat avec DS pour Citroën. Il s’agit pour la marque de faire du “chic” avec le groupe Fiat.

Du côté de la concurrence, outre l’Austin Mini, quels étaient les modèles les plus représentatifs ?
Je dirais bien évidemment l’Austin Mini, mais la gamme Fiat -propriétaire d’Autobianchi – disposait de la Fiat 850. On distingue aussi, côté français, Peugeot avec la Peugeot 104, dès 1972. Beaucoup de petites voitures – qui sont classées parmi les “micro-citadines – se situaient dans ce créneau, mais, l’Autobianchi A112 avait une face avant attractive. Il s’agit d’un véhicule compact, efficace, court et qui présente deux avantages qui ont fait la différence avec les autres. Le premier concerne le hayon avec la banquette rabattable qui permettait de transporter des objets et petits meubles assez facilement. Le second concerne son gabarit qui fait de ce véhicule une véritable petite voiture. On retrouve des composants de la Fiat 850 comme le moteur – un 4 cylindres de 903cm3 – ou encore les sous-bassements. Les freins sont à tambours à l’arrière et à disques à l’avant, auquel on ajoute un poids plume avec “seulement” 640kg sur la balance.




Pouvez-nous nous dire quelles ont été les évolutions notables de l’Autobianchi A112 au fil des années et des séries ?
Tout d’abord, les moteurs ont augmenté en cylindrée et puissance avec l’apogée des versions Autobianchi A112 Abarth (dotées de boîte à 5 rapports contre 4 pour les versions dites “classiques”). Un premier restyling fut effectué en 1972. Il s’agit toujours de la première génération (1970-1978) qui se distingue par l’absence de “tout plastique” (notamment au niveau des pare-chocs avants et arrières). La seconde génération débute en 1978 et finit en 1986. On reconnait immédiatement ces deux générations. Elle représente la “seconde voiture”, le véhicule de “Madame” et que l’on transmet aux enfants pour se familiariser avec la conduite. Actuellement, désormais voiture de collection, elle plaît, car avec sa “petite bouille”, sa simplicité et sa facilité, elle est représentative des années 1970-1980 !
Puisque vous évoquez la version Abarth de l’Autobianchi A112 et en tant que propriétaire d’un de ces modèles “plus sportifs”, comment la qualifierez-vous en trois mots ?
Il faut d’abord dire que l’Autobianchi A112 Abarth est une réponse de Fiat face à la version Cooper de l’Austin Mini et dans le même temps une opportunité de profiter des talents du “sorcier” Carlo Abarth afin de concevoir des voitures affûtées. Une A112 Abarth, c’est une A112 qu’on modifie en la poussant à 58ch – pour sa version de 1971 appelée “58HP“, puis à 70ch pour sa version de 1975 nommée “70HP“. Cette dernière est une vraie bombinette, car le moteur a été repensé en totalité avec une cylindrée de 1050cm3 !

Y a-t-il des particularités esthétiques qui différencient la version Autobianchi A112 Abarth de celle “classique” ?
Très peu d’éléments les distingue, mis à part l’apposition des symbole Abarth à l’extérieur et à l’intérieur, mais le résultat final est bien là pour un coût de production faible.
En termes de ventes, le bilan est-il le même selon les séries ?
La production de l’Autobianchi A112 Abarth 70HP a duré 10 ans, de 1975 à 1985. Il faut également savoir qu’un restylage important a eu lieu en 1978. Aujourd’hui, les collectionneurs recherchent les versions d’avant 1978, marquées par l’absence totale de plastiques. Malheureusement, il en reste très peu en circulation, car beaucoup ont participé à des rallyes et autres compétitions. On trouve encore des adeptes de l’Autobianchi A112 58HP parce qu’historiquement c’est la première produite. L’Autobianchi A112 70HP est plus amusante, mais tout aussi rare à dénicher. Le fait de posséder une Autobianchi A112 Abarth restylée (1978-1985) reste un moment magique. J’ai la chance d’avoir l’une des dernières produites. L’exemplaire de mon camarade, à côté de nous, montre des différences de quelques mois, puisqu’elle est sortie en mars 1971. On s’amuse à faire l’inventaire de nos détails ! (rires)

Actuellement, combien d’exemplaires restent-ils en circulation ?
On ne peut donner aucun chiffre précis, mais il existe le “Registro Autobianchi” qui enregistre le nombre de véhicules écoulés. Cependant, les propriétaires n’ont pas forcément le réflexe de le faire. Le recensement est plus qu’incomplet, compte tenu que seuls les véritables collectionneurs de l’Autobianchi vont avoir le reflex de faire cette démarche. En France, on peut le savoir grâce aux statistiques réalisées via le contrôle technique. Certains roulent tellement peu que les dates de ce contrôle sont dépassées !


Peux-on dire que l’Autobianchi A112 est la dernière véritable Autobianchi malgré qu’un dernier modèle fut lancé en 1985 sous le nom de Lancia Y10 ?
Dans un sens, oui, car, après celle-ci, il n’y a rien eu. Au lancement de l’Autobianchi A112, l’Autobianchi Primula et l’Autobianchi A111 étaient déjà commercialisées, mais elles n’ont pas eu la même carrière. Parallèlement, beaucoup d’A112 ont été rebadgées Lancia compte tenu de son appartenance au groupe Fiat. Théoriquement, il s’agit de l’avant-dernière et la plus emblématique. Sa petite sœur, la Lancia Y10, est considérée comme une youngtimer contrairement aux Autobianchi A112 qui ont forcément plus de 30 ans.

Malgré sa production importante, l’Autobianchi A112 est devenue une voiture de collection “rare” dans un certain sens, si on veut une voiture dans un bon état de conservation comme la vôtre. Pouvez-vous nous en parler plus amplement ?

J’ai la chance d’acquérir cette voiture, il y a une quinzaine d’années, en sachant ce que j’achetais. C’est un copain qui a trouvé cette Autobianchi A112, en Charentes-Maritimes. Il m’a directement appelé. Il pensait que c’était un des premiers modèles sortis et sans le savoir, il s’agit de la plus vieille recensée de l’hexagone ! Le “Registro Autobianchi” me l’a confirmé. C’est également la 3ème plus ancienne au monde et la seule de l’année 1970 !
Cela reste unique de rouler dans un véhicule partiellement restaurée, sachant que son kilométrage totalise 71 000 kms d’origine. On l’a exposé à Rétromobile à deux reprises, une fois en 2009 et une autre en 2019. J’ai la chance d’avoir les deux extrêmes avec l’une des premières et l’une des dernières ! Elle a le charme des toutes premières alliant simplicité, facilité et son côté originel.

Pus personnellement, que représente la marque Autobianchi pour vous ?
Comme je le disais précédemment, c’est la marque “chic” de Fiat. Elle symbolise la “petite voiture haut de gamme” par rapport à certains modèles équivalents chez Fiat. Je ne peux m’empêcher de reprendre ma comparaison avec Citroën/DS. Plus personnellement, le modèle Autobianchi A112 fait partie de mes coups de coeur. Quand j’étais “môme”, je voyais des A112 dans la rue et il est normal que j’ai une attirance pour ce modèle. Avec le recul, j’en ai eu plusieurs dont une Abarth qui nous a quitté. Je l’ai regretté et quelques années plus tard par l’intermédiaire d’un ami qui travaillait chez Fiat, j’ai réussi à retrouver le même modèle dans la même version et avec le même moteur. J’ai craqué et je l’ai acheté immédiatement.
En 2019, votre Autobianchi A112 était présente sur le stand “Vintage Mecanic” sur Rétromobile. Est-ce que nous pourrons voir, un jour, ce modèle dans votre émission “Vintage Mecanic” diffusée sur RMC Découvert ?
Bien sûr, même si ce n’est pas programmé pour cette saison. Ce ne sera pas forcément une Abarth malgré sa côte très élevée, tellement élevée que s’en est presque injuste envers les autres versions. Mais on verra la version retenue au moment donné.

Remerciements tout particuliers à François ALLAIN pour sa disponibilité et le temps consacré à cette interview autour des 50 ans de l’Autobianchi A112.
Article écrit par : ABSOLUTELY CARS
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS
Parole donnée à : François ALLAIN, journaliste sur RMC Découverte
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