AC Cars, les sept vies d’un constructeur

Les 24, 25 et 26 juin 2021, a eu lieu le London Cobra Show et sa tombola, un évènement parrainé par l’Ohio Cobra Club, une organisation à but non lucratif. L’objet de cette manifestation est de rassembler les passionnés de décibels tout en collectant des fonds au bénéfice de la Cystic Fibrosis Foundation (CFF), organisme luttant contre la mucoviscidose. Bien que de l’autre côté de l’Atlantique, ABSOLUTELY CARS soutient cet évènement avec cet article qui vous permettra de redécouvrir les AC Cars et les AC Cobra. En effet, si les AC Cobra sont mythiques, il n’en demeure pas moins que les voitures AC sont exceptionnelles ! Et le lien entre ces deux univers est bien plus ténu que nous pouvons le croire. Ainsi, le sigle de la marque AC n’aurait pas dû être un « AC » baroque implanté dans un cercle ou un Cobra dressé, mais un chat qui est réputé pour bénéficier de sept vies. Alors n’attendez plus et revivez cette magnifique Histoire automobile !

La première vie de la marque AC : Weller Brothers Ltd

Il y a 120 ans, tout commença dans un atelier situé à West Norwood, un quartier londonien sous la dénomination Weller Brothers Limited. La principale activité de cette société était la fourniture et le montage d’un moteur de 1,75ch ou 2,25ch sur des cadres de bicyclettes. John Weller (1877-1966) voulut produire une automobile de 30ch et chercha un investisseur. Ce fut John Portwine (1867-1958) qui apporta le financement. Il était boucher et dirigeait plusieurs établissements commerciaux. En 1903, la première Weller fut présentée au Salon de l’automobile Crystal Palace : une Weller 20hp équipée d’un 4 cylindres OISE, d’une boîte à vitesse 4 rapports, qui exploitait une quantité phénoménale d’aluminium pour réduire son poids. John Portwine n’arrivait pas à trouver un point d’équilibre entre les coûts de revient et le prix de vente ajusté sur les offres de la concurrence. Il demanda à John Weller d’ajourner son projet et d’étudier un véhicule beaucoup plus pragmatique : un utilitaire équipé d’un monocylindre refroidi par air implanté centralement, muni de soupapes latérales, accouplé à une boîte à vitesses 2 rapports.

La seconde vie de la marque AC : Auto-Carrier Ltd

Pour effacer l’échec de ne pas avoir fabriqué en série la Weller 20hp, la société fut renommée Autocars and Accessories Limited et produisit l’utilitaire Auto-Carrier entre 1904 et 1914. Il connut un véritable succès commercial. En 1907, fut ajoutée une version de tourisme, la caisse de chargement implantée à l’avant était remplacée par une banquette.

Les véhicules proposés par Autocars and Accessories Limited étaient finalement dénommés par le public Auto-Carrier. John Weller et John Portwine décidèrent de rebaptiser, en 1907, la société Auto Carriers Limited. La même année, l’usine fut déplacée à Thames Ditton dans le Surrey, le siège social étant enregistré au 42 Martell Road, Dulwich, Londres. Le véhicule de tourisme fut lancé sur le marché sous la dénomination Auto Carrier Sociable et fut assemblé entre 1907 et 1914 à 1800 exemplaires. En 1910, la boîte à vitesses 3 rapports devint disponible. Entre 1913 et 1928, furent enfin construites des automobiles équipées de 4 roues, de moteurs 4 cylindres refroidis par eau, d’une boîte à vitesses 3 rapports accolée à l’essieu arrière, de type transaxle. Pendant la Première Guerre mondiale, la société fabriqua des obus et des munitions.

AC Ten de 1913 vendue par Bonhams
AC Ten de 1913 vendue par Bonhams

En 1919, Selwyn Francis Edge (1868-1940), ancien coureur cycliste, ancien importateur d’automobiles françaises De Dion-Bouton, ancien pilote de voitures et de bateaux, prit des parts sociales dans la société. De son côté, John Weller reprit les études d’un moteur réutilisant abondamment les solutions envisagées pour la Weller 20hp. Le résultat fut phénoménal : 6 cylindres en ligne, bloc moteur en aluminium chemisé, arbre à cames en tête. Ainsi, en 1922, fut introduite sur le marché l’AC Sixteen. Son 6 cylindres de 1991cm³ développait 35ch à 2200tr/mn, sa boîte à vitesses 3 rapports étant de type transaxle. Ce moteur fut exploité pendant 40 ans. Il délivrait 106ch DIN à 4750tr/mn dans sa dernière configuration. Toujours en 1922, Selwyn Francis Edge prit le contrôle de la société et la rebaptisa AC Cars Limited. John Weller devint un ingénieur indépendant et déposa de nombreux brevets au cours de sa nouvelle carrière. John Portwine finança l’usine Hamilton Joinery Works implantée à West Norwood pour fabriquer en série des portes et des fenêtres et de nombreuses œuvres caritatives. Son nom est toujours associé à une vie bonne et charitable. En 1926, Victor Austin Bruce (1897-1978) gagna le rallye de Monte-Carlo au volant d’un AC Six 2 litre. En 1927, l’AC Six 2 litre adopta les freins sur les 4 roues en série. Ils étaient proposés en option depuis 1925. La même année, Selwyn Francis Edge acheta la société qui fut renommée AC (Acedes) Ltd, rattrapée par le krach de 1929 et mise en liquidation volontaire. Selwyn Francis Edge prit alors sa retraite.

La troisième vie de la marque AC : AC (Acedes) Ltd

Les frères Hurlock, William (1887-1964) et Charles Frederick (1901-1989), à la tête d’une entreprise de transport prospère, s’intéressèrent à AC (Acedes) Ltd et relancèrent la production en 1930. Les voitures furent équipées de freins hydrauliques uniquement sur les roues avants. En 1932, la boîte à vitesses reçut un 4ème rapport et fut accolée au moteur 6 cylindres. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’entreprise mit son expertise au service de l’effort de guerre en fabriquant, entre autres, des pièces pour les bombardiers Fairey Swordfish et les planeurs Hamilcar. Le fils de Willliam, Derek Hurlock (1920-1992), après avoir servi dans la Royal Navy, rejoignit l’entreprise familiale.

Après la Seconde Guerre mondiale, la production reprit au travers de deux séries :

  • l’AC 2 Litre, une version revisitée des modèles précédents, d’un empattement de 2,97m, produite à 1284 exemplaires entre 1947 et 1955, toujours munie de deux essieux rigides et de freins hydrauliques uniquement sur les roues avants,
  • une microcar dénommée Invacar, destinée aux invalides, sous contrat gouvernemental jusqu’en 1976 en matière de production et de maintenance.

Une troisième ligne de produit fut disponible de 1952 à 1958 : la trois roues AC Petite. Elle était équipée d’un monocylindre 2 temps Villiers implanté à l’arrière, d’une boîte à vitesses 3 rapports, de roues indépendantes, de freins à tambours arrières, d’un châssis en acier d’un empattement de 1,82m, d’une carrosserie en aluminium. Elle connut un succès fort honorable avec 4000 exemplaires réalisés en 6 ans.

Au début des années 1950, le renouvellement du haut de gamme devint problématique. La solution vit en la personne de John Tojeiro (1923-2005).

La quatrième vie de la marque AC : l’ère de John Tojeiro

John Tojeiro, ingénieur dans le Fleet Air Arm pendant la Seconde Guerre mondiale, fabriqua une longue lignée de voitures de course qui connurent le succès, notamment en collaborant avec l’Ecurie Ecosse. Il mit au point un châssis tubulaire équipé de 4 roues indépendantes, les suspensions étant assurées par des lames transversales, la carrosserie étant constituée par de nombreux éléments en aluminium. Les frères Hurlock furent intéressés par le concept et le roadster AC Ace fut lancé sur le marché en 1953. Entre 1954 et 1962, il fut complété par un coupé 2 places dénommé AC Aceca. En 1956, un 6 cylindres en ligne Bristol-BMW muni de soupapes en tête devint disponible. En 1961, un 6 cylindres en ligne Ford Zephyr revisité, muni de soupapes en tête, rejoignit l’offre. Le roadster fut fabriqué à 689 exemplaires en 10 ans, le coupé à 357 exemplaires en 8 ans.

L’offre fut complétée à partir de 1959 par le coupé 2+2 AC Greyhound qui fut assemblé à 83 exemplaires entre 1959 et 1963. Il était équipé d’une suspension arrière De Dion, d’un empattement porté de 2,29m à 2,54m, de freins à disques à l’avant, cette dernière solution technique étant généralisée à l’ensemble de la production en 1960.

Cependant, en une décennie, les ventes s’essoufflèrent. La solution vint en la personne de Monsieur Carroll Hall Shelby (1923-2012) et de ses mythiques Shelby Cobra. Le grand carrossier Pietro Frua (1913-1983) en extrapola un cabriolet, l’AC 427/428, et un coupé 2 places, l’AC 428. Ils furent fabriqués respectivement à 49 exemplaires entre 1965 et 1973 et à 29 exemplaires entre 1966 et 1973. Ils étaient équipés de 4 roues indépendantes (ressorts hélicoïdaux), de 4 freins à disques, d’un châssis tubulaire d’un empattement porté de 2,29m à 2,44m et de tubes renforcés de 4 pouces.

tableau ac modeles 1960

La cinquième vie de la marque AC : Shelby Cobra

Monsieur Carroll Hall Shelby s’essaya dans plusieurs activités : le transport routier, l’exploitation pétrolière, l’élevage de poulets… sans succès. A partir de 1952, il se consacra au sport automobile. Avec Roy Salvadori (1922-2012), il gagna les 24 Heures du Mans sur Aston Martin DBR1, le 21 juin 1959. Il voulait une voiture constituée par un gros moteur et un châssis léger. Il obtint des frères Hurlock des châssis AC Ace. La face avant et les passages de roues furent modifiés. En 1962, un V8 Ford de 4267cm³ développant 260ch à 5800tr/mn accouplé à une boîte à vitesses 4 rapports et 4 freins à disques furent installés. Après une production de 75 exemplaires, la barquette fut modifiée : direction à vis et secteur remplacée par celle à crémaillère d’une MGB, V8 de 4727cm³ délivrant 271ch à 5800tr/mn (380ch en compétition). 51 exemplaires complémentaires furent réalisés.

La génération suivante fut désignée en tant que Shelby Cobra Mk II. Elle reçut les ouïes latérales contre les ailes avants et fut produite à 528 exemplaires grâce à la vente directe par AC Cars en Europe sous la dénomination AC Cobra 289 Mk III. La Shelby Cobra 289 domina les courses en USRRC aux Etats-Unis avec seulement une défaite en trois ans. En adoptant le V8 de 427Ci, la Shelby Cobra devint la Shelby Cobra Mk III. Le châssis tubulaire d’un empattement conservé de 2,29m reçut des tubes dont leur diamètre fut porté de 3 à 4 pouces. Les voies furent élargies, les ailes gonflées pour accueillir des pneus plus larges. Les suspensions furent profondément modifiées, bras superposés et combinés ressorts/amortisseurs. La Shelby Cobra 427Ci fut rapidement remplacée par la Shelby Cobra 428Ci, beaucoup moins onéreuse à fabriquer. Carroll Hall Shelby s’intéressa à partir de 1965 à la Ford Mustang. Seulement 306 exemplaires Shelby Cobra Mk III 427/428 furent assemblés.

Le coupé Shelby Cobra Daytona, équipé du V8 de 4727cm³, fut réalisé à seulement 6 exemplaires, toutes survivantes et en pleine forme. En classe GT, en 1964, ils gagnèrent les 12 Heures de Sebring, les 24 Heures du Mans, le Tourist Trophy du RAC ; en 1965, les 12 Heures de Sebring, les 1000km de Monza, les 1000km du Nürburgring, les 12 Heures de Reims…

La sixième vie de la marque AC : l’ère Brian Angliss

L’AC Cobra 289Ci Mk III et l’AC 428 Frua furent retirées du marché respectivement en 1968 et 1973. Le contrat gouvernemental pour la microcar Invacar se termina en 1976. La mise au point de l’AC 3000ME équipée d’un moteur central transversal arrière, d’une carrosserie en fibre de verre reposant sur un châssis de 2,3m d’empattement, fut calamiteuse. Elle dura de 1973 à 1979. Cette voiture fut fabriquée à moins de 110 exemplaires entre 1979 et 1985, en incluant celles assemblées à Hillington en Ecosse. Les finances de l’entreprise étaient au plus mal. Par ailleurs, beaucoup d’artisans fabriquèrent des répliques de l’AC Cobra, les plus belles étant équipées de 4 roues indépendantes, les autres exploitant un pont arrière rigide… En 1986, la famille Hurlock se sépara de l’affaire.

Brian Angliss qui dirigeait Autokraft, un atelier de restauration Cobra, fournisseur de pièces et fabricant de répliques, acquit les droits de marque AC. Il créa une co-entreprise avec Ford. Cette association fut de courte durée, Ford se retirant en 1992. Entre temps, entre 1986 et 1988, quelques exemplaires d’un targa conçu par Ford, dénommé AC Ace, furent assemblés par Autokraft. Leurs particularités résidaient dans la transmission de type intégrale et dans la carrosserie de type monocoque en acier inoxydable d’un empattement de 2,48m. En 1988, AC Cars débuta sa production à Brooklands. Par la suite, deux gammes de produits devinrent disponibles : les voitures ayant une plastique extrêmement moderne – le cabriolet AC Ace (empattement de 2,47m) et le coupé 4 places 3 portes AC Aceca (empattement de 2,72m) construits néanmoins au compte-gouttes – et la gamme traditionnelle AC Cobra (empattement de 2,29m). En décembre 1996, l’entreprise changea de propriétaires et devient AC Car Group Ltd ainsi qu’en 2002, devenant AC Motor Holdings Ltd.

AC Cobra Mk IV de 1987 vendue par Artcurial (fabriquée à 480 exemplaires toutes versions confondues)
AC Cobra Mk IV de 1987 vendue par Artcurial (fabriquée à 480 exemplaires toutes versions confondues)

La septième vie de la marque AC : Acedes Holding LLC

En 2009, AC (Acedes) Limited, devenue successivement AC Car Group Limited (1996), AC Motor Holdings Limited (2002) et Acedes Holdings LLC (2008), délocalisa sa production hors du Royaume-Uni, à Heyda en Allemagne. Les V8 Ford furent, par la même occasion, remplacés par des V8 General Motors. La vénérable et mythique AC Cobra fut fabriquée régulièrement jusqu’en 2015. Par ailleurs, l’usine sud-africaine Hi-tech Automotive alimenta les marchés britannique et états-unien. Elle assembla également, en quelques exemplaires entre 2012 et 2014, le coupé AC 378 GT Zagato. Sa carrosserie était en composite de carbone, son empattement était de 2,54m.

Aujourd’hui, il est toujours possible d’acheter une véritable AC Cobra NEUVE, avec un V8 GM muni ou non d’un compresseur. En Europe, la réglementation CAFE impose, depuis 2020, un quota de CO2 sur les voitures vendues. La future norme Euro 7 devrait quasiment mettre fin aux blocs thermiques purs. AC propose, depuis 2020, une AC Cobra hybride équipée d’un 4 cylindres turbocompressé de 2,3 litres et une AC Cobra 100% électrique...

Pour le plaisir des yeux et des oreilles : une SHELBY Daytona Coupe !

Article co-écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’archives

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