Daimler UK ou l’histoire du premier constructeur automobile britannique

La Daimler-Motoren-Gesellschaft (DMG) fête cette année ses 130 ans ! Un anniversaire qui méritait d’être fêté et une occasion unique de revenir sur l’histoire de cette marque iconique ! En 1926, la fusion avec Benz transcenda cette société qui allait conquérir le monde sous le nom de Daimler-Benz, les véhicules étant vendus sous la dénomination commerciale Mercedes-Benz. Les moteurs de la Daimler-Motoren-Gesellschaft permirent la naissance de quatre marques importantes : Daimler UK, Panhard & Levassor, Austro-Daimler et Mercedes-Benz. Avec ce premier volet, ABSOLUTELY CARS vous invite à découvrir son représentant britannique, Daimler UK, qui s’émancipa rapidement de la DMG tout en exploitant le nom de Daimler de 1891 à 2007. Et au début de cette histoire que nous allons vous conter aujourd’hui, nous retrouvons Gottlieb Daimler (1934-1900) qui travailla avec un précieux collaborateur, Wilhelm Maybach (1846-1929), tous deux ayant quitté en 1882 la Gasmotoren-Fabrik Deutz AG et Nikolaus August Otto (1832-1891). Ensemble, ils étudièrent, conçurent et firent fabriquer des moteurs thermiques “stationnaires”. Ils motorisèrent une motocyclette en 1885, un quadricycle et un bateau en 1886, un ballon dirigeable en 1888. En 1890 à Cannstatt, à proximité de Stuttgart, Gottlieb Daimler créa la Daimler-Motoren-Gesellschaft pour mieux vendre ses produits, mais également céder des licences et développer son entreprise ! C’était le début d’une grande épopée automobile !

La naissance difficile de Daimler UK

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Frederick Richard Simms

L’acquéreur de licences Daimler pour le Royaume-Uni et son empire s’appelait Frederick Richard Simms (1863-1944). Un accord fut signé le 18 février 1891 et ainsi furent vendus des moteurs thermiques stationnaires allemands et des automobiles françaises Panhard & Levassor qui exploitaient également des moteurs Daimler. Quelque peu modifiées, ces dernières furent distribuées sous la marque Simms.

Le 7 juin 1895, Frederick Richard Simms dit au conseil d’administration de la Daimler Motor Syndicate Limited, créée en 1893, qu’il avait l’intention de former la Daimler Motor Company Limited pour réaliser des moteurs et des véhicules Daimler en Angleterre. Avec le temps, la production se différencia de plus en plus de la fabrication allemande.

Si les hommes audacieux et les investisseurs existaient au Royaume-Uni, les hommes politiques britanniques firent obstacle à l’industrie automobile au travers d’une loi dénommée “Locomotives on Highways Act 1861“. Pour les véhicules autopropulsés, cette loi imposa deux limitations de vitesse, 8km/h en ville et 16km/h sur route ouverte, et une limite en termes de poids maximal de 12 tonnes. En 1865, cette loi régressa : 3,2km/h en ville et 6,4km/h sur route ouverte, trois personnes par véhicule, un conducteur, un chauffeur et un piéton muni d’un drapeau rouge ou d’une lanterne marchant à 55m devant ledit véhicule. En 1878, la loi évolua, le drapeau disparaissant et le piéton ne précédant le véhicule que de 18m. L’existence de cette loi rendait absurde toute idée de création d’entreprises dans le domaine de l’automobile.

Pour créer la Daimler Motor Company Limited en 1896, Frederick Richard Simms s’associa à l’investisseur Henry John Lawson connu également sous le nom d’Harry John Lawson (1852-1925). Cet homme, connu et reconnu de part et d’autre de la Manche, était l’inventeur, en 1879, de la bicyclette moderne, similaire à celle que nous connaissons aujourd’hui, avec un pédalier et une transmission par chaîne, le changement de vitesses se faisant en retournant la roue arrière.

Henry John Lawson avait une parfaite connaissance du marché de l’automobile :

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Henry John Lawson
  • les exportations vers les Etats-Unis et la Russie étaient possibles en fournissant des produits excellents et en appliquant des tarifs élevés pour y intégrer les frais de transport et de douanes.
  • les exportations vers l’Allemagne et l’Autriche seraient marginales, car leurs aristocrates n’adhéraient pas à ce moyen de transport et préféraient les chevaux, les calèches, les berlines. Quand aux moteurs stationnaires, plusieurs constructeurs locaux les fabriquaient et les distribuaient.
  • l’exportation vers la France était impossible, car de nombreux constructeurs existaient et maîtrisaient parfaitement le ratio performances/coûts. Cela s’avéra exact car, en 1900, malgré l’imputation de l’Alsace-Lorraine, les automobiles françaises représentèrent 48% de la production mondiale, les états-uniennes 42%, les allemandes 8%, les britanniques moins de 2%.
  • l’exploitation du marché britannique et de son empire était impossible par l’existence de la loi dénommée Locomotives on Highways Act.

Pendant de nombreuses années, Henry John Lawson s’investit pour rendre caduque cette loi. En 1896, il obtint néanmoins son allègement. Renforcé par cet acquis et fortuné, dans le but d’avoir le monopole sur l’industrie britannique de l’automobile, il investit massivement la même année dans :

  • l’achat partiel du constructeur français de bicyclettes Gladiator pour produire également des motocyclettes et des voitures, entreprise détenue par Paul Aucoq et Pierre Alexandre Darracq, futur fondateur d’Alfa Romeo, avec l’aide de Gustave Adolphe Clément (1855-1928), de William Harvey du Cros (1846–1918), directeur de Dunlop, et Charles Chetwynd-Talbot, futur fondateur de Talbot-London,
  • l’achat du constructeur britannique de bicyclettes Humber et de ses usines de Beeston (à proximité de Nottingham), Wolverhampton et Coventry, pour produire également des motocyclettes et des automobiles,
  • l’achat de brevets.

De son côté, Frederick Richard Simms créa diverses activités événementielles et industrielles : le Royal Automobile-Club de Grande-Bretagne en 1897, la Simms Manufacturing Company Ltd en 1900, la Society of Motor Manufacturers and Traders en 1902, le Salon de Londres en 1903, la Magneto Simms Company Ltd en 1907 après qu’il eut obtenu les droits de fabrication des allumages pour la Grande-Bretagne de Robert Bosch, la Simms Motor Parts Ltd en 1913. La Simms Manufacturing Company Ltd fabriqua en série à Willesden, à proximité de Londres, des automobiles de 1903 à 1907 vendues sous les marques Simms et Simms-Welbeck.

Les voitures Daimler, produites en 1896 et 1913, étaient équipées de moteurs munis de soupapes latérales et principalement de boîtes à vitesses 4 rapports. Le Prince de Galles, futur Edward VII, acheta une Daimler en 1900 et, grâce au Royal Automobile-Club, la firme devint le fournisseur officiel de la Couronne. Mais cette marque n’ayant pas été créée par un homme ou une équipe de passionnés, n’avait pas d’âme. Les produits étaient de qualité, ce qui n’était déjà pas si mal. La répartition en matière de production mondiale, en 1907, fut la suivante : les Etats-Unis avec 45 000 exemplaires (51%), la France avec 25 000 (28%), le Royaume-Uni avec 12 000 (14%), l’Allemagne avec 4 000 (5%) et l’Italie : 2 500 (3%).

Les Daimler équipées de moteurs sans soupape

Pour pérenniser ses acquis, Daimler avait besoin de deux nouvelles impulsions. Tout d’abord, la société acheta les droits du brevet Knight pour construire en série, à partir de 1909, des moteurs sans soupape offrant silence, souplesse d’utilisation et absence de vibrations. Ensuite, en 1910, la firme fut achetée par BSA (Birmingham Small Arms company limited), spécialisée dans la fabrication des armes à feu militaires et sportives, des bicyclettes, des motocyclettes, des automobiles, des pièces coulées en métal, de l’outillage à main et électrique, des machines-outils…

La nouvelle gamme fut naturellement équipée d’une boîte à vitesses 4 rapports. En 1927, Daimler lança sa première Daimler Double Six sans soupape, une automobile équipée d’un V12. En 1928, la firme testa l’embrayage hydraulique Fluidrive. En octobre 1930, fut disponible en option sur les Daimler V12, l’embrayage hydraulique accouplé à une boîte à vitesses à présélecteur Wilson semi-automatique 4 rapports. En novembre 1933, cette nouvelle boîte à vitesses fut montée sur toute la gamme en série, et ce jusqu’en 1956. Pour beaucoup de passionnés et collectionneurs, les meilleures voitures britanniques de l’entre-deux-guerres furent les Daimler Double Six munies d’une boîte à vitesses semi-automatique 4 rapports offrant un niveau de silence incroyable tout en assurant de belles performances. Le rôle suprême de la marque dans les affaires de l’État fut démontré le 12 mai 1937, le jour du couronnement de George VI : 150 Daimler furent affrétées pour le transport des dignitaires étrangers, plus d’un millier furent utilisées.

BSA, le propriétaire de Daimler entre 1910 et 1960

BSA, une entreprise automobile étroitement liée à Daimler

BSA fabriqua épisodiquement des voitures : de 1907 à 1915, de 1921 à 1926, de 1929 à 1939. Celles qui étaient équipées d’un moteur sans soupapes ou d’un 6 cylindres OHV, furent produites dans l’usine Daimler de Coventry. Les 3 roues, disponibles de 1929 à 1936, étaient des tractions à 3 roues indépendantes munies d’une boîte à vitesses 3 rapports. En exploitant le 4 cylindres des trois roues et son train avant, cela donna l’efficace 4 roues BSA Nine FWD, particulièrement bien accueillie par la presse en févier 1933. Elle devint Scout FWD 9hp, puis Scout FWD 10hp. La version la plus recherchée par les passionnés et les collectionneurs est celle équipée de 2 carburateurs et de freins sur les 4 roues disponible entre 1937 et 1939. Les BSA Ten, BSA Ten Saloon De Luxe et BSA Light Six étaient équipées de la boîte à vitesses semi-automatique 4 rapports Daimler.

Lanchester, l’acquisition faite par BSA au profit de Daimler

BSA acheta, en 1931, Lanchester pour constituer une nouvelle offre insérée entre BSA et Daimler. La Lanchester Motor Company Limited fut créée à Birmingham, en 1899, par les frères Lanchester, Frederick (1868–1946), Francis dit « Frank » (1870-1960) et George (1874-1970) qui construisirent des prototypes à partir de 1895. En 1900, commença la production en série. Les bicylindres étaient équipées de boîtes à vitesses 2 rapports. Mais, ces voitures avaient des particularités : moteur central jusqu’en 1914 hormis la 40hp, freins à disques à l’avant dès 1902, incroyable…

Les Lanchester à moteur avant 40hp et 23hp étaient équipées d’une boîte à vitesses 3 rapports, les Lanchester à moteur avant 21hp et 30hp, d’une boîte à vitesses 4 rapports. Les automobiles de l’entre-deux-guerres furent équipées 4 freins à tambours.

Lors du rachat de Lanchester, la production fut transférée dans l’usine de Coventry : les Daimler héritèrent du 8 cylindres en ligne, les Lanchester adoptèrent la boîte à vitesses semi-automatique 4 rapports Daimler. Les roues avants indépendantes furent adoptées sur le nouveau modèle Lanchester Fourteen Roadrider De Luxe. Le modèle Lanchester Sprite, disponible de 1954 à 1956, reçut une boîte à vitesses automatique 4 rapports Hobbs.

Les Daimler équipées de moteurs munis de soupapes en tête d’avant la Seconde Guerre mondiale

La contribution de Lanchester à Daimler fut l’introduction de moteurs munis de soupapes en tête. La Daimler 24hp, disponible de 1936 à 1940, et la Daimler 15hp, introduite en 1937, furent équipées de roues avant indépendantes. Ce dispositif fut généralisé sur les modèles d’après guerre.

Les Daimler d’après la Seconde Guerre mondiale

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Sir Bernard Docker (1896-1978) devint le directeur général de BSA au début de la Seconde Guerre mondiale. Bien entendu, il managea Lanchester et Daimler, mais également la Midland Bank, les agences de voyage Thomas Cook, la Anglo-Argentine Tramways Company. En 1949, il épousa Norah Turner (1906-1983), une ancienne hôtesse de club qui fut veuve de richissimes dirigeants d’entreprises. Mondaine, jet-setteuse, surnommée Lady Docker, elle défraya la chronique avec son troisième mari. Directrice chez le carrossier Hooper, elle fut à l’origine du design de somptueuses réalisations, la Gold Car (1951), la Blue Clover (1952), la Silver Flash (1953), la Star Dust (1954), la Golden Zebra (1955). La publicité autour du couple Docker fit la renommée des Daimler produites après la Seconde Guerre mondiale, mais mit à mal les finances de la marque. Fin mai 1956, le couple fut démis de leurs fonctions.

Les Daimler DB18, construites de 1939 à 1953, connut un immense succès : 9 238 exemplaires. Les Daimler DE27 / DC27 (ambulance) / DH27 (limousine spécifique) / DE36 furent réalisées à environ 1 000 exemplaires et beaucoup étaient équipées de la climatisation. Le trio Daimler Empress / Daimler Regency / Daimler One-O-Four représenta un volume d’environ 600 voitures. La Daimler Conquest connut également un gros succès : 9 739 exemplaires. Le duo Daimler Regina / Daimler DK400 fut vendu à 132 exemplaires. La Daimler Majestic adopta les freins à disques sur les 4 roues et fut diffusée à 3 534 unités. Si les boîtes à vitesses manuelles continuaient à offrir 4 rapports, les boîtes automatiques proposaient 3 rapports. Le magnifique roadster Daimler SP250 muni d’une carrosserie en fibres de verre et de 4 freins à disques fut vendu en 2 645 exemplaires

En mai 1960, BSA, propriétaire de Daimler depuis 50 ans, vendit sa filiale à Jaguar. La première combinaison proposée fut de monter le moteur V8 du roadster Daimler SP250 dans la carrosserie de la Jaguar Mark 2. La Daimler 2.5 litre V8 Saloon fut disponible de 1962 à 1969 et vendue à 17 620 exemplaires. La version overdrive était équipée d’une boîte à vitesses 5 rapports, 4 rapports plus overdrive. La seconde combinaison proposée fut de transformer la Jaguar 420G en limousine opulente, la Daimler DS420, équipée de 4 roues indépendantes, vendue à 4 141 exemplaires, entre 1968 et 1992, pendant 24 ans. 903 châssis complémentaires furent exploités par des carrossiers.

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Les Daimler, clones luxueux des limousines Jaguar

Jaguar ajouta à la gamme Daimler ses limousines avec une finition encore plus luxueuse. Ces voitures étaient équipées d’une carrosserie monocoque comme le duo Jaguar Mark 2 / Daimler 2.5 litre V8 Saloon, des 4 roues indépendantes et des 4 freins à disques. La calandre cannelée fut bien entendue reconduite. La première fut la Daimler Sovereign 420 disponible de 1966 à 1969, équipée de deux réservoirs d’une contenance totale de 64 litres. Elle fut remplacée par la Daimler Sovereign XJ équipée de deux réservoirs d’une contenance totale de 105 litres, lui autorisant une autonomie de 750km. Les séries I, II et III étaient facilement reconnaissables : clignotants avants implantés sur le pare-choc, puis sous le pare-choc et enfin dans le pare-choc. En 1972, apparut la variante Daimler Double Six équipée d’un V12 munie de deux arbres à cames en tête. Elle devint ainsi la plus désirable des limousines. En 1975, le châssis court se mua en un élégant et superbe coupé, disponible malheureusement jusqu’en 1978 en 6 cylindres et V12. La limousine Daimler Double Six fut disponible pendant 20 ans.

En 1986, apparut une nouvelle limousine dite « XJ40 » munie de vitres custodes, ses lignes s’étant tendues. La variante Daimler Double Six équipée du V12 fut lancée en 1993. En 1994, les lignes de la carrosserie furent adoucies. En 1997, le 6 cylindres et le V12 furent remplacés par un V8. De 2005 à 2007, la dernière limousine Daimler arborait les lignes intemporelles de la Daimler Sovereign XJ, mais munie d’une carrosserie autoporteuse en aluminium. Un petit chef d’œuvre d’esthétique et de technologie !

Ainsi, après 111 ans de production d’automobiles, la marque Daimler UK fut retirée du marché, mais les marques Daimler, BSA et Lanchester ravissent toujours les passionnés et les collectionneurs. Ces automobiles ne furent jamais proposées avec une motorisation diesel ou turbo diesel…

Article co-écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’archives

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