Maybach, la marque allemande la plus prestigieuse de l’entre-deux-guerres

Pendant l’entre-deux-guerres, seuls deux constructeurs allemands osèrent construire en série des voitures mues par un V12 : Horch entre 1931 et 1934 avec les modèles Horch 670 et Horch 600 pour une production totale de 81 exemplaires et Maybach entre 1929 et 1939 avec une production totale de 340 exemplaires. Fondée en 1909 et spécialisée dans les dirigeables, la marque Maybach se tournera en 1921 vers l’automobile après la Première Guerre mondiale, sous la dénomination de Maybach Motorenbau. La grande histoire de ce constructeur de prestige était lancée et bientôt les deux M entrelacés figureraient sur les calandres des plus belles voitures allemandes ! Cent ans après, ABSOLUTELY CARS vous propose de redécouvrir la saga Maybach !

Au commencement : Wilhelm Maybach et son fils Karl Maybach

Wilhelm Maybach (1846-1929), orphelin, fut recueilli par une organisation caritative dénommée Reutlinger Bruderhaus à l’âge de 13 ans. Il fut formé pour devenir dessinateur industriel. En 1865, âgé de 19 ans, il rencontra et se lia d’amitié avec le nouveau directeur de l’usine de machines Bruderhaus fondée par Gustav Werner à Reutlingen, Gottlieb Daimler (1834-1900), Polytechnicien de Stuttgart. En 1869, ce dernier prit la direction des ateliers de la société de construction mécanique de Karlsruhe. Wilhelm Maybach le rejoignit rapidement. En 1872, les deux amis s’associèrent à Nikolaus August Otto (1832-1891) pour créer une société dénommée Gasmotoren-Fabrik Deutz AG, implantée à Deutz (ville incorporée à Cologne en 1888). En 1876, le constructeur Deutz produisit le premier moteur à quatre temps sur le principe défini par Nikolaus August Otto, le brevet étant déposé en 1877. En 1882, Gottlieb Daimler quitta Deutz pour fonder un atelier d’essai à Cannstatt. En 1883, il enregistra un moteur à quatre temps monocylindre révolutionnaire développé avec Wilhelm Maybach. En 1890, Gottlieb Daimler fonda la Daimler-Motoren-Gesellschaft (DMG). En 1899, les deux amis créèrent la filiale Austro-Daimler à Wiener-Neustadt près de Vienne. En 1900, Paul Daimler (1869-1945) succéda à son père et acheta en 1905 la marque commerciale Mercedes à Emil Jellinek (1853-1918).

En 1907, Wilhelm Maybach quitta DMG pour s’associer avec Ferdinand von Zeppelin (1838-1917), comte allemand de Wurtemberg, général de la cavalerie. Trois sociétés virent le jour :

  • la Luftschiffbau Zeppelin GmbH en 1908 à Friedrichshafen pour construire des dirigeables rigides,
  • la DELAG (Deutsche Luftschiffahrts-Aktiengesellschaft) fin 1909 à Francfort, première compagnie aérienne au monde,
  • la Luftfahrzeug-Motorenbau GmbH en 1909 à Bietigheim-Bissingen.

Le directeur technique de cette dernière compagnie était Karl Maybach (1879-1960), fils aîné de Wilhelm Maybach, diplômé en génie mécanique, travaillant entre 1904 et 1906 pour DMG à Cannstatt, puis dans un bureau d’études à Paris.

Le succès de ces trois nouvelles sociétés fut tel que les ateliers de Bietigheim-Bissingen furent déménagés à Friedrichshafen en 1912. Pendant la Première Guerre mondiale, 2000 moteurs de forte cylindrée furent construits. Le traité de Versailles, traité de paix signé le 28 juin 1919, interdit à l’Allemagne de posséder une armée de l’air. Cette nation trouva le moyen d’entraîner en secret ses pilotes, pour commencer au travers des écoles de l’aviation civile telle que la Lufthansa. Pour que les pilotes puissent acquérir de l’expérience sur les nouveaux avions de combat, l’Allemagne sollicita l’aide de l’URSS qui accepta en signant une clause secrète lors du Traité de Rapallo en 1922. Un aérodrome secret fut établi à Lipetsk en 1924 et resta opérationnel jusqu’à sa fermeture en 1933. L’école y utilisa des avions d’entraînement néerlandais (Fokker), russes ainsi qu’allemands.

Pendant de ce temps, la Luftfahrzeug-Motorenbau GmbH devint la Maybach-Motorenbau GmbH en 1918 et se reconvertit dans la fabrication de moteurs diesel pour l’industrie, les locomotives, les navires. En parallèle, la firme voulut réaliser des automobiles. Pour assurer sa promotion avant son lancement sur le marché, elle réalisa deux voitures de démonstration exploitant un moteur de dirigeable rigide :

  • en 1919, la Maybach Doktor construite pour le circuit britannique de Brooklands, exploitant un châssis Mercedes 45PS de 1907 et un 6 cylindres OHC de 23093cm³ (165×180) muni de 30 soupapes, délivrant 300ch à 1200tr/mn, accouplé à une boîte à vitesses 4 rapports, permettant d’atteindre 200km/h,
  • en 1920, la Maybach Spezial Rennwagen exploitant le même moteur monté sur un châssis Adler de 1913.

Le prototype Maybach W1 de 1919 et le moteur W2 de 1920 débouchèrent sur le modèle de série Maybach W3 présenté lors du Salon de l’automobile de Berlin en septembre 1921.

Les 6 cylindres Maybach fabriquées entre 1921 et 1954

La Maybach W3, considérée comme la première voiture allemande équipée de freins sur les 4 roues, déçut lors de sa présentation. Son prix était stratosphérique sans pour cela offrir une aura aussi importante que celle de Rolls-Royce ou un contenu technologique aussi conséquent que celui de la Hispano-Suiza H6. Son 6 cylindres ne fut pas équipé d’un arbre à cames en tête, mais de soupapes latérales de type L actionnées par un unique arbre à cames latéral. Sa boîte à vitesses avait deux rapports (franchissement de cols et route). Elle fut complétée, entre 1926 et 1928, par la Maybach W5 équipée d’un 6 cylindres muni de soupapes latérales de type T actionnées par deux arbres à cames latéraux, le freinage recevant un servofrein. La Maybach W5 SG remplaça les deux modèles précédents, SG signifiant Schnellgang, car la boîte à vitesses était équipée d’un 3ème rapport constitué par un overdrive, le présélecteur étant retenu et définitivement adopté.

La Maybach W6, disponible entre 1931 et 1934, ne trouva pas son public : elle était trop proche de sa devancière, l’overdrive constituant le 4ème rapport de sa boîte à vitesses. Ses remplaçantes ne connurent également pas de succès commercial : la Maybach W6 DSG (Doppelschnellgang) adoptant une boîte à vitesses offrant deux rapports surmultipliés pour en mettre à disposition 5 et la Maybach W6 DSH reprenant la même boîte à vitesses et adoptant un 6 cylindres muni de soupapes en tête.

Le brevet ayant trait à la direction assistée fut déposé le 30 août 1932 par l’américain Francis W. Davis. En 1934, la firme proposa cet équipement en option. Une première mondiale ! Cette démarche lui valut une très grande reconnaissance technique sans pour cela engendrer un succès commercial en ces temps difficiles consécutifs à la crise de 1929.

En 1935, la firme lança une nouvelle gamme dénommée Maybach SW, SW signifiant Schwingachswagen, voiture à l’essieu oscillant. Les roues avant étaient également indépendantes, le châssis étant surbaissé. Le 6 cylindres était également un petit bijou de technologie. Il était équipé d’un arbre à cames en tête et développait une puissance de 140ch à 4500tr/mn pour une cylindrée de 3,4 litres. La vitesse maximale était de 140km/h et sa consommation réduite de 30 litres aux 100km pour le modèle Maybach W6 DSH à 18 litres pour le modèle Maybach SW35. Un an après, la voiture se dénomma Maybach SW38. Sa cylindrée fut portée à 3,8 litres. Sa puissance demeura inchangée, mais elle était délivrée à 4000tr/mn. De 1939 à 1941, la voiture fut rebaptisée Maybach SW42. Sa cylindrée fut portée à 4,2 litres et sa puissance resta la même. La boîte à vitesses avait 4 ou 5 rapports selon les versions. La direction assistée était disponible. La Maybach SW42 était équipée de vitres latérales et de sièges à commandes électriques. De 1951 à 1954, elle fut reconstruite avec une carrosserie ponton réalisée par le carrossier Spohn implanté à Ravensbourg. Cette dernière série fut équipée de la direction assistée en série.

Les V12 Maybach fabriquées entre 1929 et 1939

Le traité de Versailles signé le 28 juin 1919, ne fut pas ratifié le 19 mars 1920 par le Sénat états-unien. Par ailleurs, le gouvernement américain commanda un dirigeable rigide Zeppelin en 1922. Il fut livré le 15 octobre 1924 à Lakehurst dans le New Jersey après un vol de 81 heures, en parcourant 7832km. Le commandant de bord n’était autre que Hugo Eckener (1868-1954), le successeur de Ferdinand von Zeppelin, car le dirigeable n’avait pas pu être assuré. Les 5 moteurs V12 étaient de marque Maybach, type VL I, délivrant chacun 420ch à 1400tr/mn. Ces V12 de 33251cm³ (140×180) étaient équipés de soupapes en tête, trois par cylindre, une pour l’admission, deux pour l’échappement. Dès lors, Maybach pouvait produire des moteurs pour les mers, les cieux, la terre. Le dirigeable USS Los Angeles fut démobilisé le 30 juin 1932 et radié le 24 octobre 1939.

Karl Maybach voulut rendre hommage à son père très fatigué et fit monter un moteur V12 sur un châssis W5 SG d’un empattement de 3,66m en 1929. Cette voiture dénommée Maybach Typ 12 eut une très courte carrière. En 1930, elle fut remplacée par les modèles Maybach Zeppelin DS7 et Maybach Zeppelin DS8. Si la boîte à vitesses du modèle Maybach Typ 12 avait 2 rapports avec overdrive, celle du modèle Maybach Zeppelin DS7 avait 3 rapports avec overdrive. Cette automobile fut retirée du marché en 1934 et ne fut pas équipée de direction assistée. La Maybach Zeppelin DS8, avec sa cylindrée plus généreuse, connut une carrière plus longue :

  • de 1930 à 1937 : boîte à vitesses 3 rapports et 2 surmultipliés avec présélecteur,
  • de 1932 à 1936 : carrosserie Stromlinien de type ponton disponible en option,
  • de 1934 à 1937 : direction assistée en option,
  • de 1938 à 1940 : direction assistée en série, boîte à vitesses 5 rapports et 2 surmultipliés avec présélecteur.

Pendant l’entre-deux-guerres, Maybach fabriqua 2115 voitures dont 340 équipées d’un V12.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Maybach fabriqua en quantité industrielle des moteurs destinés aux blindés et aux chars. Le moteur du modèle Maybach SW38 fut exploité sous la référence HL38, celui du modèle Maybach SW42 sous la référence HL42. Ils furent complétés par les HL45, HL50, HL54, HL57, HL62, HL64 et HL66. Le V12 fut également exploité avec des cylindrées plus généreuses, dénommés HL85, HL90, HL98, HL108, HL120, HL 210 et HL230. Ce dernier constitua le fleuron de la marque : 23 litres de cylindrée (130×145), deux arbres à cames en tête, 600ch à 2500tr/mn, 700ch avec le régime maximal de 3000tr/mn. Il fut construit à 9000 exemplaires et utilisés sur les chars Panther, Jagdpanther, Tiger I, Sturmtiger, Tiger II et Jagdtiger. Après le conflit, la firme reprit la production des moteurs diesel, mais également fabriqua le moteur HL230 pour le char français ARL 44, le moteur HL295 pour le char français AMX-50. En 1952, Karl Maybach prit sa retraite à l’âge de 73 ans. En 1960, la firme fut absorbée par Daimler-Benz. Elle fut rebaptisée Maybach Mercedes-Benz Motorenbau GmbH en 1966, puis MTU Friedrichshafen GmbH en 1969.

Le revival de Maybach

A la fin des années 1990, Volkswagen devint propriétaire de Bentley, BMW de Rolls-Royce. Daimler-Benz voulut sa marque de prestige et réintroduisit Maybach. Cette démarche fut très bien accueillie par le public, un bol d’air frais dans un segment de marché relativement traditionnel. Equipées d’un V12 biturbo muni de deux arbres à cames en tête et de 36 soupapes, d’une boîte à vitesses automatique 5 rapports, d’une suspension pneumatique Airmatic à 4 roues indépendantes, les limousines Maybach 57 et Maybach 62 devinrent disponibles sur le marché en 2002. L’empattement du modèle Maybach 57 était de 3,39m pour une longueur de 5,73m. Celui du modèle Maybach 62 était de 3,83m pour une longueur de 6,17m. Ces limousines étaient imposantes, stylées, et offraient un intérieur raffiné.

Pendant les dix ans de production, Maybach ne ménagea pas ses efforts en termes de communication grâce à un éventail plus important en matière de moteurs et de finitions et à la présentation en 2005 du concept-car Maybach Exelero, un coupé équipé d’un V12 de 6 litres de cylindrée développant 700ch à 5000tr/mn. Entre 2002 et 2012, ces superbes limousines furent produites à 3000 exemplaires à Sindelfingen près de Stuttgart. N’ayant pas assez convaincu de clients, la marque au magnifique emblème représentant un double M (pour Maybach-Motorenbau GmbH, constructeur de Moteurs Maybach) fut retirée du marché fin 2012.

Depuis 2015, le nom Maybach est utilisé pour désigner seulement les versions les plus huppées de la gamme Mercedes-Benz (Classe S W222 et A217, Classe G en variante Landaulet, Classe GLS X167). Nous pouvons être interrogatifs sur l’exploitation du nom Maybach au travers de concept-cars ne reprenant en rien les gênes de la marque à l’instar du coupé Mercedes-Maybach Vision 6 présenté au concours d’élégance californien de Pebble Beach en 2016, du cabriolet Mercedes-Maybach Vision 6 montré au même concours en 2017, du SUV Mercedes-Maybach Ultimate Luxury présenté en 2018, ces concept-cars étant équipés de moteurs électriques d’une puissance totale comprise entre 738 et 750ch.

De nombreux passionnés de la marque sont toujours admiratifs devant la splendeur du coupé Maybach 57S Xenatec, réalisé en seulement 8 exemplaires dans les ateliers de Weinsberg. Xenatec, ancienne filiale des aciéries Thyssen-Krupp, mit tout son savoir-faire au service de cette voiture en ne conservant que l’avant de la limousine Maybach 57S, les montants A et C étant beaucoup plus inclinés, le montant B étant reculé de 20cm, les encadrements des portières étant retirés. Les dimensions de ce coupé, hormis sa hauteur, étaient fort proches de celles de la limousine. Les trois compteurs arrière, intégrés au ciel de toit, étaient également bien présents : ils indiquaient la vitesse du véhicule, l’heure et la température extérieure. Ce coupé constitue le dernier hommage crédible rendu à cette marque centenaire.

Article co-écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’archives

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