Les 24 Heures du Mans et Jaguar, c’est avant tout une histoire d’amour avec à son sommet un quadruplé mémorable lors des 24 Heures du Mans 1957 avec l’inimitable Jaguar D-Type ! A cette époque, la marque au félin règne en maître sur le circuit sarthois, ouvrant une nouvelle ère britannique en terre française, 20 ans après Bentley. Elle égalera son homologue anglais avec pas moins de cinq victoires, en 1951, en 1953, en 1955, en 1956 et 1957 ! Seuls Ferrari, Porsche et Audi feront aussi bien que la légendaire marque Jaguar. Ainsi, Jaguar a écrit quelques uns de ses plus beaux chapitres sur le tracé du Mans, mais également les premières lignes de l’histoire d’une star, la Jaguar E-Type. A l’occasion des 060 ans de la Jaguar Type-E, ABSOLUTELY CARS vous propose de revenir sur les prémisses de cette naissance. Après un premier volet consacré aux Jaguar produites en série et conçues avant l’apparition des coupé et roadster JAGUAR E-Type, découvrez, avec ce 2ème volet, les Jaguar de compétition et la fabuleuse Jaguar XK SS des années 1950.
La Jaguar XK 120 C-Type, la première qui gagna les 24 Heures du Mans
William Heynes dit « Bill » (1903-1989) œuvrait depuis avril 1935 auprès de William Lyons (1901-1985) en tant que premier ingénieur en chef, responsable de toute l’ingénierie et du développement des voitures. Il conçut deux moteurs XK, un 4 cylindres et un 6 cylindres, intégrant une culasse en aluminium munie d’un double arbre à cames en tête entrainé par chaînes. En octobre 1948, les écrins de présentation furent les roadsters Jaguar XK 100 et Jaguar XK 120 munis de carrosseries identiques en aluminium sur ossature en bois. L’engouement fut tel pour le 6 cylindres que la version 4 cylindres Jaguar XK 100 fut retirée du marché en 1949. L’ensemble de la production devait représenter 200 exemplaires. Lorsque le seuil de 242 exemplaires fut franchi, Jaguar équipa son roadster d’une carrosserie tout acier en 1950 afin d’augmenter les cadences de livraison.
Que ce soit pendant l’entre-deux-guerres ou après la Seconde Guerre mondiale, des pilotes privés britanniques engagèrent tout véhicule qui était équipé de 3 ou 4 roues, même faiblement motorisé et très légèrement modifié, dans des rallyes, des courses de côtes et sur des circuits. Les Jaguar remportèrent leur lot de succès sans pour cela engendrer une certaine visibilité au niveau international. William Lyons choisit alors la course la plus en vue, les 24 Heures du Mans. En 1950, il engagea 3 Jaguar XK 120. Deux Talbot prirent les deux premières places du podium, avec une vitesse moyenne de 144,38km/h et 143,34km/h tandis que la troisième était une Allard avec 141,21km/h. Deux Jaguar XK 120 finirent la course, à la 12ème place (130,55km/h) et à la 15ème place (126,49km/h), la 3ème abandonnant la course pendant la 23ème heure.


Il fallait améliorer la Jaguar XK 120. William Lyons et William Heynes embauchèrent alors Malcolm Sayer (1916-1970), un ingénieur en aéronautique qui avait travaillé pendant la Seconde Guerre mondiale dans la Bristol Aeroplane Company, et qui revenait d’Irak où il avait enseigné dans l’université de Bagdad. Ce dernier dessina une carrosserie aérodynamique réalisée en aluminium et un châssis tubulaire équipé de 4 roues indépendantes assurées par des barres de torsion. Trois Jaguar XK 120 C-Type, terminées juste à temps, furent engagées, en 1951, aux 24 Heures du Mans et une seule termina la course, celle de Peter Walker et Peter Whitehead, mais à la première place (150,47km/h de moyenne) ! La seconde fut une Talbot (145,25km/h) et la troisième, une Aston Martin (144,87km/h). Les freins à disques Dunlop montés sur les 4 roues, en tant qu’innovation majeure, furent essayés durant toute l’année 1952. Pour autant, les 24 Heures du Mans 1952 furent catastrophiques pour la marque Jaguar. Les 24 Heures du Mans 1953 furent extraordinaires : une Jaguar XK 120 C-Type obtint la première place (170,34km/h), une autre fut à la seconde (168,38kmh) et une dernière arriva à la quatrième (166,7km/h), la troisième place étant gagnée par une Cunningham (167,51km/h). Après avoir été construite en 53 exemplaires, la Jaguar XK 120 C-Type tira sa révérence. Toutes les carrosseries furent construites par la société spécialisée britannique, l’Abbey Panel & Sheet Metal Company.

La Jaguar XK 120 D-Type, la course dans le sang
La Jaguar XK 120 D-Type, triple gagnante au Mans

Malcolm Sayer étudia une nouvelle voiture : la Jaguar D-Type. Côté mécanique, les solutions éprouvées furent reconduites, train avant et moteur muni de 3 carburateurs de la Jaguar XK 120 C-Type, boîte à vitesses 4 rapports, freins à disques Dunlop sur les 4 roues. La nouveauté résidait dans le châssis : pour la partie arrière, une carrosserie autoporteuse en aluminium et un essieu rigide ; pour la partie avant, un châssis tubulaire soudé contre la coque, qui devint boulonné par la suite.
Les Jaguar XK 120 D-Type s’élancèrent pour la première fois sur le circuit sarthois lors des 24 Heures du Mans 1954. Lors de cette édition, la 1ère place sera attribuée à une Ferrari 375 Plus (169,22km/h), la 2ème place à une Jaguar D-Type (169km/h), la 3ème place à une Cunningham C4 R (158,75km/h), la 4ème place à une Jaguar XK 120 C-Type (155,21km/h).
Les 24 Heures du Mans 1955 fut plus prometteur puisque la 1ère place fut gagnée par une Jaguar D-Type (172,31km/h), la 2ème place par une Aston Martin DB3S (169,71km/h) et la 3ème place par une Jaguar D-Type (166,12km/h). Toutefois, cette victoire conserva un goût amer. William Lyons perdit son fils unique âgé de 25 ans, John-Michael, dans un accident de la route en se rendant au Mans pour le rejoindre. Puis, il y eut ce terrible accident, la Mercedes 300 SLR de Pierre Levegh (1905-1955) percutant le mur des tribunes… 84 morts, 120 blessés…

L’aventure Jaguar aux 24 Heures du Mans continua en 1956 où une Jaguar D-Type (168,12km/h) arriva à la 1ère place, suivie à la 2ème place par une Aston Martin DB3S (167,44km/h), à la 3ème place par une Ferrari 625 LM Touring (164,07km/h) et à la 4ème place par une Jaguar D-Type (159,03km/h). Les deux Jaguar D-Type qui finirent la course, appartenaient à des écuries privées. William Lyons fut anobli par la reine Elisabeth II. La firme se retira officiellement de la compétition.
La Jaguar D-Type poursuivit sur sa lancée avec les 24 Heures du Mans 1957 où elle réalisera un quadruplé à la suite mémorable ! En effet, la 1ère place fut attribuée à une Jaguar D-Type (183,21km/h), mais aussi la 2ème place (178,73km/h), la 3ème place (177,3km/h) et la 4ème place (173,72km/h), la 5ème place étant décrochée par une Ferrari 315S (167,98km/h) et la 6ème place par une Jaguar D-Type (167,38km/h). Grâce aux écuries privées, l’année 1957 fut un véritable festival pour Jaguar aux 24 Heures du Mans avec cinq JAGUAR D-type aux 6 premières places et un 5ème titre (1951, 1953, 1955, 1956, 1957) !
Pour les 24 Heures du Mans 1958, le règlement avait changé. Il ne fallait pas dépasser les 3 litres de cylindrée. Des Jaguar D-Type furent modifiées et connurent peu de succès en compétition.
A noter que la Jaguar D-Type fut disponible en deux longueurs, la « short nose », 3,91m et la « long nose », 4,1m. Le choix en matière de carrosseries était directement lié à son usage : maniabilité ou vitesse de pointe. Elle fut fabriquée en 71 exemplaires entre 1954 et 1957. Toutes les carrosseries standards furent construites par la société spécialisée britannique, l’Abbey Panel & Sheet Metal Company.


La Jaguar XK SS, la magnifique voiture de Steve McQueen

En 1957, Jaguar voulut fabriquer 25 Jaguar D-Type short nose en version route dénommée Jaguar XK SS. Le soir du 12 février 1957, un incendie se déclara à l’usine de Browns Lane (Coventry) et seulement 16 en rescapèrent et partirent pour les Etats-Unis.
Fan de motocyclisme et de course automobile, Steve McQueen (1930-1980), lorsqu’il joua le rôle de Josh Randall dans la série télévisée Au nom de la loi, acheta une Jaguar XK SS d’occasion blanche cuir rouge. Il la fit repeindre en vert et l’intérieur fut regarni en noir. Il adorait conduire son roadster à des vitesses inavouables. Au début des années 1970, il le vendit considérant que ce dernier était trop rare et trop précieux pour être utilisé dans des courses. Mais, il le racheta rapidement et le conserva jusqu’à son décès en 1980. C’était son bolide préféré… Les 9 exemplaires manquants furent assemblés en 2017.



Les prototypes aux prémisses de la Jaguar Type-E
Les prototypes JAGUAR E1A et E2A
En 1957, un prototype fut réalisé. Il reprenait la majorité des solutions éprouvées de la Jaguar D-Type. Son design fut confié à Malcolm Sayer qui ne voulait pas être qualifié sous les termes de designer, mais d’aérodynamicien. En matière de suspensions, elle devait être l’héritière de la Jaguar XK 120 C-Type et renouer avec les 4 roues indépendantes. Robert Joseph Knight (1919-2000) s’en chargea. Le moteur retenu fut le 6 cylindres DOHC 2,5 litres de l’autoroutière Jaguar Mk1 accouplé à une boîte à vitesses 4 rapports. Sa désignation fut Jaguar E1A (E pour Expérimental Type 1 A pour Aluminium ou Alliage). Il fut exploité pendant plusieurs mois pour mettre au point une cage isolante arrière afin d’éviter toute remontée de vibrations, contenant 4 ressorts hélicoïdaux, 4 amortisseurs, un différentiel, 2 freins à disques.

En 1960, un second prototype fut réalisé dénommé Jaguar E2A. La principale évolution concerna le moteur dont sa cylindrée fut portée à 3 litres et équipé d’une injection Lucas. En juin 1960, il fut engagé aux 24 Heures du Mans avec un abandon pendant la 10ème heure. Le 28 août 1960, il gagna une course à Bridgehampton aux Etats-Unis, son unique victoire ! Son développement absorba des ressources financières et humaines. L’idée qui s’avéra géniale, fut de le transformer en une voiture destinée à la route, en adoptant une carrosserie en acier restylisée par Malcolm Sayer… Cette voiture n’est d’autre que l’incroyable Jaguar E-Type…


Le prototype JAGUAR XJ13
En 1965, malgré tous les efforts, sur les 8 constructeurs britanniques principaux, Jaguar se situait à la 6ème place.

Le 14 décembre 1966, Jaguar fut intégrée dans la British Motor Corporation, donnant naissance à la British Motor Holdings (BMH). Le 17 janvier 1968, BMH fusionna avec la Leyland Motor Corporation, le groupement prenant comme dénomination British Leyland Motor Corporation (BLMC). Sir William Lyons trouva ainsi une issue pour son entreprise. Il prit sa retraite en 1972.
En 1966, le prototype Jaguar XJ13 fut assemblé. Son V12 central longitudinal arrière était constitué par deux 6 cylindres en ligne et offrait ainsi deux double arbres à cames en tête. Il était accouplé à une boîte à vitesses 5 rapports ZF. Le bloc-moteur était en aluminium et sa carrosserie fut dessinée par Malcolm Sayer. Hélas, il ne fut jamais exploité. Cependant, son moteur, dans une version simplifiée, deux simples arbres à cames en tête, fut utilisé, entre autres, dans la Jaguar E-Type.


Article co-écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’archives
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