
Rétromobile est le rendez-vous international de référence de la voiture de collection qui fait de Paris la capitale de l’automobile. La voiture de l’affiche de Rétromobile 2021 n’est autre que la sublime Jaguar E-Type, dévoilée au public le 15 mars 1961 à l’hôtel-restaurant du Parc des Eaux-Vives, le long du lac Léman, la veille du Salon de l’automobile de Genève, il y a 60 ans. La réunion de deux incontournables de l’Histoire automobile ! En effet, sur le site Internet de cet événement, nous sommes accueillis en ces termes : « Véritable témoin de l’Histoire automobile, Rétromobile est une déclaration d’amour aux anciennes et aux véhicules roulants en tous genres : automobiles, motos, chars et tanks, camions, tracteurs, teuf teuf… et tous ces vestiges du passé qui ont façonné notre patrimoine roulant. Répartis sur 3 pavillons soit plus de 72 000m², ce sont plus de 600 exposants réunis qui exposent chaque année près de 1 000 modèles, pour le plus grand bonheur des visiteurs ». Hélas, Rétromobile 2021 a été annulé… Il ne reste plus qu’une affiche et un anniversaire qui aurait dû être fêté comme il se le doit… Chez ABSOLUTELY CARS, nous avons décidé qu’il en serait autrement avec une incroyable trilogie sur Jaguar, remontant sur les traces de la fameuse Jaguar Type-E ! Ainsi, découvrez, avec le premier volet de cette extraordinaire aventure, les Jaguar produites en série et conçues avant l’apparition des coupé et roadster JAGUAR E-Type !
Les débuts de Jaguar commence avec William Lyons
Fort d’un apprentissage d’ingénieur chez Crossley à Manchester et travaillant chez un concessionnaire Sunbeam à Blackpool, William Lyons (1901-1985) s’associa, en 1922, à William Walmsley (1892-1961) pour produire des side-cars accouplés à des motocyclettes du surplus militaire ou des motocyclettes neuves, l’atelier se dénommant alors Swallow Sidecar Company.

Entre 1927 et 1932, sous l’appellation Swallow Coachbuilding Company, l’entreprise exerça une activité complémentaire : réaliser des carrosseries valorisantes à partir de châssis équipés de motorisations fiables et économiques, destinées aux classes aisées et jeunes sans pour cela qu’elles fussent fortunées, nos deux compères ayant décelé un important marché de niche. Le modèle le plus diffusé, qui couvrit l’intégralité de cette période, fut l’Austin Seven Swallow, produite en 3 500 exemplaires. Pour faire face à une demande croissante, l’entreprise fut déménagée, en 1928, dans une usine de munitions partiellement désaffectée de la Première Guerre mondiale, à Coventry.
En 1929, furent ajoutés de nouvelles propositions commerciales basées sur des châssis Standard, Swift et Fiat. En 1930, l’entreprise devint une société anonyme sous la dénomination Swallow Coachbuilding Company Limited. Entre 1931 et 1932, furent également exploités des châssis Wolseley munis de moteurs 6 cylindres.

En 1931, William Lyons demanda à Standard de lui livrer des châssis surbaissés spécifiques, équipés d’un 6 cylindres muni de soupapes latérales et d’une boîte à vitesses 4 rapports. Il les gratifia de somptueuses carrosseries et les freins reçurent une assistance Bendix Duo Servo. Cette première série fut vendue sous la dénomination SS I jusqu’en 1936 en 4 200 exemplaires. En 1932, apparut une voiture plus populaire exploitant un châssis Standard équipé d’un 4 cylindres muni de soupapes latérales et d’une boîte à vitesses 3 rapports. Cette seconde série fut vendue sous la dénomination SS II jusqu’en 1936 en 1 790 exemplaires. Le 2 septembre 1933, la société prit comme nom S.S. Cars Limited, S.S. signifiant selon les sources Standard Swallow ou Swallow Sport. En 1934, la boîte à vitesses 4 rapports fut généralisée. En 1935, un roadster fut vendu pendant quelques mois en 23 exemplaires. Dénommé SS 90, il était équipé du châssis de la SS II, néanmoins surbaissé, et du moteur de la SS I ; sa vitesse maximale était de 145km/h…
En avril 1935, William Heynes dit « Bill » (1903-1989) fut embauché par la S.S. Cars Limited en tant que premier ingénieur en chef, responsable de toute l’ingénierie et du développement des voitures. Auparavant, après avoir fait ses études de 1914 à 1921 dans la Warwick School, il travailla pendant 14 ans dans le service technique de Humber. Grâce à ses efforts, une nouvelle série fut introduite : la gamme SS Jaguar. En matière de carrosserie, les berlines 4 portes dénommées Saloon furent enfin proposées. En matière de motorisations, le roadster SS 90 adopta une culasse munie de soupapes en tête et se dénomma SS Jaguar 100, la puissance de 100ch étant alors atteinte. Une nouvelle automobile fut lancée, la SS Jaguar 2 1/2 Litre équipée du même moteur que le roadster. En 1937, la culasse du 4 cylindres de la SS Jaguar 1 1/2 Litre reçut les soupapes en tête et une nouvelle voiture fut présentée, la somptueuse SS Jaguar 3 1/2 Litre équipée d’un 6 cylindres de 3485cm³ muni de soupapes en tête développant 125ch. Les carrosseries « tout acier » furent adoptées en 1937, le roadster conservant la sienne en aluminium.



La version 3 1/2 Litre atteignait 100km/h en 10,7s.




Entre temps, devant tant de changements, William Walmsley quitta la société en 1935 pour devenir designer de caravanes. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la firme fabriqua des composants aéronautiques, des side-cars et des remorques. Le 23 mars 1945, elle changea de nom au profit de Jaguar Cars Limited et la branche dédiée aux side-cars fut vendue à la firme de maintenance aéronautique Helliwell Group. En 1948, un ancien roadster SS Jaguar 100 gagna la Coupe des Alpes. Son pilote Ernest Ian Appleyard (1923-1998) avait pour copilote, Patricia Appleyard (1927-….), son épouse, la fille de William Lyons.

Les Jaguar construites entre 1945 et 1961
William Lyons relança la production dès 1945. Le roadster Jaguar 100 fut assemblé uniquement en 1945 pour atteindre une production totale de 314 exemplaires. Le trio Jaguar 1 1/2 Litre – Jaguar 2 1/2 Litre – Jaguar 3 1/2 Litre fut produit jusqu’en 1948, les deux dernières adoptant les mêmes carrosseries. Rétrospectivement, celles réalisées à partir de 1945 furent dénommées Jaguar Mark IV. Le volume de vente en incluant les voitures assemblées avant la Seconde Guerre mondiale fut de 20 423 exemplaires avec 54% en 4 cylindres et 46% en 6 cylindres.



William Lyons dut faire face à plusieurs problématiques :
- se plier aux directives du gouvernement britannique. En effet, si le gouvernement français mit en place le plan Pons pour attribuer de l’acier aux constructeurs généralistes, cette mesure ne fut pas reprise au Royaume-Uni, car son outil industriel demeurait étoffé. L’obligation des sociétés était d’obtenir des devises étrangères afin de rembourser la dette étatique contractée pendant le conflit : une voiture ne pouvait être acquise sur le sol britannique que si une autre avait été vendue à l’étranger. Jaguar développa alors son exportation sur les marchés nord-américains, son réseau de distribution et de SAV aux Etats-Unis.
- maintenir des tarifs agressifs tout en maintenant un haut niveau de fiabilité, de performances, de finition grâce à la présence de boiserie intérieure et de sellerie en cuir, ceci pour conserver sa clientèle et développer sa pénétration sur les marchés occidentaux.
- conserver une avance technologique sur son fournisseur de blocs moteurs et de boîtes à vitesses, STANDARD qui adopta les soupapes en tête dès la fin de la Seconde Guerre mondiale.
William Heynes apporta une réponse à la dernière problématique en développant deux moteurs intégrant une culasse en aluminium munie d’un double arbre à cames en tête entrainé par chaînes : un 4 cylindres et un 6 cylindres. Pour présenter ces moteurs en octobre 1948, il fallait un écrin et le lancement de la limousine Jaguar Mark VII prenait du retard. En deux mois, furent étudiés et réalisés des roadsters munis de carrosseries identiques en aluminium sur ossature en bois : les magnifiques Jaguar XK 100 et Jaguar XK 120 munis de roues avant indépendantes. L’engouement fut tel pour le 6 cylindres que la version 4 cylindres XK 100 fut retirée du marché en 1949, la version 6 cylindres XK 120 adoptant une carrosserie tout acier en 1950 afin d’augmenter les cadences de production.

Le 4 cylindres DOHC de 2 litres du roadster Jaguar XK 100 était équipé de 2 carburateurs SU et était proposé avec 2 taux de compression, 7 et 8. Il en fut de même pour le 6 cylindres DOHC de 3,4 litres offrant ainsi 150ch et 160/180ch. Ce moteur fut accouplé à de nombreux ponts donnant des rapports bien différents ce qui entraîna une large gamme de vitesses maximales. En 1950, fut ajouté le coupé 2 portes et en 1953, le cabriolet. La Jaguar XK 120 Ghia de 1952 se présenta sous la forme d’un coupé équipé d’une carrosserie ponton. Son 3,4 litres délivrait 200ch grâce à un taux de compression de 9 et la présence de 3 carburateurs SU.
Ernest Ian Appleyard (1923-1998) et son copilote, Patricia Appleyard, remportèrent la première Coupe d’Or (trois victoires consécutives) de la Coupe des Alpes en 1952 sur une Jaguar XK120.


En 1954, la Jaguar XK 120 devint Jaguar XK 140. Trois propositions en termes de carrosserie furent reconduites, avec des pare-chocs beaucoup plus enveloppants. L’overdrive fut disponible sur le roadster, l’overdrive et la boîte à vitesses automatique 3 rapports Borg Warner furent disponibles sur le coupé et le cabriolet. Le 3,4 litres développant 190ch ou 210ch, avait un taux de compression de 8 et 2 carburateurs SU.
En 1957, la Jaguar XK 140 devint la Jaguar XK 150. Les trois propositions en termes de carrosserie furent maintenues, avec une carrosserie de style beaucoup plus “ponton”, en adoptant le pare-brise monobloc panoramique et les freins à disques sur les 4 roues. La boîte à vitesses automatique 3 rapports Borg Warner devint disponible sur le roadster. De 1958 à 1961, le roadster Jaguar XK 150 bénéficia d’une variante dénommée « S », le 3,4 litres développait alors 250ch grâce à son taux de compression de 9 et à l’ajout d’un 3ème carburateur SU. Il était accouplé à une boîte à vitesses manuelle 4 rapports + overdrive. En 1959, le 3,8 litres vint compléter l’offre de la variante « S ». Il développait 265ch grâce à son taux de compression de 9 et ses 3 carburateurs SU. Un 3,8 litres développant 220ch muni d’un taux de compression de 8 et de 2 carburateurs SU, fut disponible avec les trois carrosseries entre 1959 et 1961. La production totale de la gamme Jaguar XK représenta 30 390 exemplaires. En mars 1961, elle fut remplacée par la sublime Jaguar E-Type.



L’ambassadrice française des modèles sportifs Jaguar fut Françoise Sagan (1935-2004), grande femme de lettres, écrivaine et dramaturge. Elle connut rapidement le succès avec le roman Bonjour tristesse (1954), puis Un certain sourire (1956). Elle acheta entre autres, tout d’abord un roadster Jaguar XK 120, puis un cabriolet Jaguar XK 150 et enfin un roadster Jaguar E-Type.






Le cœur de la gamme Jaguar était représenté par les limousines. Tout en conservant une silhouette et des motorisations proches de ses devancières, la Jaguar V adopta les roues avants indépendantes. Disponible en cabriolet, elle fut fabriquée en 10 499 exemplaires entre 1948 et 1951.
Sa remplaçante fut la Jaguar Mark VII. Les grands changements résidèrent dans l’adoption d’une carrosserie de style beaucoup plus “ponton” et du 6 cylindres DOHC de 3,4 litres. En 1953, l’overdrive et la boîte à vitesses automatique 3 rapports Borg Warner devinrent disponibles. Cette limousine de 1750kg gagna l’épreuve de 1956 du Rallye de Monte-Carlo. En 1956, son évolution fut la Jaguar Mark VIII qui adopta le pare-brise monobloc et les baguettes latérales permettant une peinture bicolore. En 1959, son évolution fut la Jaguar Mark IX qui adopta les freins à disques sur les 4 roues, la direction assistée et le 6 cylindres DOHC de 3,8 litres. La production totale de ces trois séries représenta 47 205 exemplaires. En octobre 1961, elles furent remplacées par l’exceptionnelle Jaguar Mark X.
En France, ces limousines furent très peu diffusées. Le public découvrit la limousine Jaguar Mark VIII, en 1958, au travers du film Sueurs froides (titre original Vertigo) d’Alfred Hichcock (1899-1980), le rôle de l’inspecteur acrophobe, John Ferguson, étant joué par James Stewart (1908-1997), le double rôle de Madeleine Elster / Judy Barton (Lucie Barton dans la version française) étant joué par Kim Novak (1933-….).




L’autoroutière de JAGUAR
En 1955, fut présentée une autoroutière totalement nouvelle : la Jaguar 2.4 Litre Saloon équipée d’un 6 cylindres DOHC de 2,4 litres et d’une caisse autoporteuse d’un empattement de 2,73m et d’une longueur de 4,59m. Cette berline permit à Jaguar de traverser la Crise de Suez de 1956 sans rencontrer de difficultés financières. En 1957, une variante apparut munie du 3,4 litres et sa version nord-américaine fut équipée, à partir de 1958, des freins à disques sur les 4 roues. En 1959, elles furent dénommées Jaguar Mk 2. Sa surface vitrée fut agrandie de 18%, les 4 freins à disques furent définitivement adoptés, une variante munie du 3,8 litres fut ajoutée. Elle fut dénommée Jaguar 340 Saloon et Jaguar 240 Saloon respectivement entre 1967 et 1968, entre 1967 et 1969, le 6 cylindres DOHC de 3,8 litres ayant été retiré.
Cette autoroutière fut vendue en 128 607 exemplaires et se distingua, notamment dans la compétition Tour de France automobile, catégorie Tourisme, gagnant de 1959 à 1963. Elle fut complétée par la Jaguar S-Type, équipée de 4 roues indépendantes, disponible de 1963 à 1968, dénommée également “Jaguar 420” de 1966 à 1968.



Article co-écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’archives
Cet article vous a plu ? Retrouvez un autre article à lire ici : La Jaguar XJS ou le rugissement du félin