Designers : Flaminio Bertoni, le « styliste » d’une seule marque

A la sortie de chacune d’elles, on crie au génie ! Révolutionnaires, elles sont toutes devenues des incontournables de l’automobile ! Elles ont toutes un point commun : ce sont des Citroën ! Mais qui sont-elles et qui les dessina ? La réponse à cette question commence lors du krack de 1929. En pleine crise économique, le client doit être séduit pour déclencher l’acte d’achat. C’est ainsi que naquit une nouvelle profession : le designer automobile. Un des premiers fut l’Italien, Flaminio Bertoni (1903-1964), né à Masnago près de Varèse, en Lombardie. A la mort de son père, âgé de 15 ans, il entra comme apprenti à la Carrozzeria Macchi de Varese, passant tour à tour par l’atelier de menuiserie et de ferblanterie (travail de la tôle). Ses loisirs, il les exploita pour se perfectionner au dessin artistique et à la sculpture à l’École des beaux-arts de Varèse sous la direction de son maître Giuseppe Talamoni. A l’automne 1922, une délégation française de techniciens lui offrit un voyage d’étude à Paris. Il travailla pour la carrosserie Felbert, puis pour la carrosserie Manessius et enfin chez Rothschild où il rencontrât Lucien Rosengart, un grand ami d’André Citroën. Le début d’une grande aventure ! En effet, en 1932, le célèbre constructeur français lui confia la direction du service du « Style », qu’il gardera jusqu’à sa mort en 1964. Cette association légendaire, entre innovation et modernité, donna des voitures extraordinaires !

La Citroën Traction Avant, une voiture révolutionnaire

A son arrivée dans le service carrosserie dirigé par l’ingénieur Raoul Cuinet, les axes directeurs techniques du projet « V » étaient parfaitement définis : la future Citroën sera une monocoque tout acier sans châssis, tractée par ses roues avant, équipée de freins hydrauliques et d’un 4 cylindres muni de soupapes en tête. Trois dessins de l’équipe carrosserie furent présentés à André Citroën qui les refusa.

Flaminio Bertoni sculpta une maquette munie d’une carrosserie surbaissée. Sa création enthousiasma André Citroën et son épouse qui lui donnait toujours son avis. La mise au point difficile et l’endettement dû aux lourds investissements pour produire cette voiture révolutionnaire engendra la mise en liquidation de la société. L’usine du Quai de Javel fut reprise par Michelin, fin 1934. Ulcéré, André Citroën disparut quelques mois plus tard. Pierre-Jules Boulanger mit en place un plan drastique pour redresser la situation.

La Citroën Traction Avant ne fut pas une simple voiture, mais une gamme complète et étendue. Flaminio Bertoni accompagna le développement de toutes ses variantes.

Les dessous de la Citroën Traction Avant étaient soignés. Il faut savoir, qu’en Europe, avant la Seconde Guerre mondiale, dans le monde de l’automobile, les souffleries pour étudier l’aérodynamisme n’étaient pas utilisées. En fait, le Cx (coefficient de pénétration dans l’air) était de l’ordre de 0,6.

Le design des cabriolets dits « roadster » et des coupés dénommés « faux-cabriolet » est dû à Flaminio Bertoni et Jean Clément Daninos (1906-2001), un collaborateur talentueux qui fera parler de lui par la suite.

Comme le dit le designer franco-américain Raymond Loewy (1893-1986), « la laideur se vend mal ». Et la Citroën Traction Avant est belle ! Très belle ! Et toujours désirable 86 ans après sa naissance. Elle se vendit très bien : 759 111 exemplaires. Elle fut construite dans de nombreuses usines Citroën : Le Quai de Javel, Bruxelles-Forest, Cologne-Poll, Copenhague, Slough (Berkshire), actives respectivement de 1915 à 1975, de 1926 à 1980, de 1927 à 1935, de 1927 à 1966, de 1926 à 1966, cette démarche permettant de contourner les barrières douanières et d’atteindre les marchés coloniaux. Cette voiture permit à Citroën de faire partie des huit plus importants constructeurs mondiaux en 1938. Elle fut vendue au compte-gouttes aux USA de 1938 à 1956.

A l’instar des chevaux, les camions et les automobiles furent réquisitionnés à partir de septembre 1939, alors que la Seconde Guerre mondiale commençait. Pour cela, ils devaient avoir moins de 10 ans. La Citroën Traction Avant fut alors boudée par l’Armée française, mais pas par les Allemands. Elles demeurèrent disponibles en abondance pour les Forces françaises de l’intérieur (FFI).

« La Reine de la Route » devint la voiture officielle du gouvernement français en 1951. Elle atteignait 100km/h en 15 secondes. Dans un autre registre, elle fut également utilisée par Pierre Loutrel (1916-1946), surnommé Pierrot Le Fou, chef du Gang des Traction Avant.

Les utilitaires Citroën ou quand Citroën s’inscrit dans le quotidien des Français

Le premier camion léger Citroën fut le Citroën C6 avec une charge utile de 1800kg, disponible de 1929 à 1933. Il fut suivi par de nombreux modèles et Flaminio Bertoni eut en charge le design des cabines. Ce premier modèle fut remplacé par le Citroën Type 29 (1933-1934), le Citroën Type 32 (1934-1939), les Citroën Type 45 et Citroën Type 46 (1934-1953). Puis, vint le célèbre Citroën Type 23 (1935-1969), sa cabine étant restylisée en 1953, complété par le Citroën Type 55 (1953-1967). La dernière création en la matière de Flaminio Bertoni fut les séries Citroën N et Citroën P (1965-1974) surnommés « Belphégor » en raison de sa ressemblance avec le personnage du feuilleton télévisé Belphégor joué par Juliette Gréco (1927-….) qui tint le rôle de Laurence Borel et sa sœur jumelle Stéphanie Hiquet.

Flaminio Bertoni dessina également les fourgons Citroën : le Citroën TUB/TUC (1939-1941), TUB signifiant « Traction Utilitaire de type B », car il s’agissait une traction avec un châssis surbaissé muni d’une porte latérale coulissante, et le Citroën Type H (1948-1981), produit en 473 289 exemplaires.

La Citroën 2CV, la madeleine de Poust

Flaminio Bertoni ne chômait pas. En 1936, fut lancé le projet TPV pour « Toute Petite Voiture », dont le prototype est exposé au Conservatoire Citroën à Aulnay-sous-Bois. La difficulté : il s’agissait de dessiner une voiture en adéquation avec sa fonction, une automobile économique tant à l’achat qu’en termes de production. Le premier prototype roula début 1937. 250 exemplaires furent construits, équipés d’un 375 cm³ refroidi par eau, pour sa présentation au Salon automobile de 1939 qui n’aura pas lieu. Le 7 octobre 1948, fut présentée la version définitive équipée d’un bicylindre à plat refroidi par air : la Citroën 2CV était née ! Elle fut fabriquée jusqu’en 1990 en 5 114 961 exemplaires. De 1951 à 1978, fut également produite la Citroën 2CV fourgonnette en 640 000 exemplaires. En Belgique, une variante dénommée Citroën 2CV « Week-end » fut disponible de 1955 à 1963, sous la référence Citroën 2CV Azul, puis de 1963 à 1968, sous la référence Citroën 2CV AKL. Il s’agissait tout simplement d’une 2CV ludospace.

citroen 2cv azul 1957 copie
CITROËN 2CV AZUL

L’indétrônable Citroën DS Bertoni : la première version d’une icône

Le 7 octobre 1955, fut présentée la Citroën DS au Salon de l’automobile de Paris, au Grand Palais. Mille personnes la commandèrent en donnant un acompte de 80 000 Francs en 2 heures, 12 000 à la fin de la première journée, 80 0000 à la fermeture du Salon en tenant compte des commandes enregistrées dans les concessions françaises !

Cette voiture était l’œuvre de deux hommes de talent : l’ingénieur André René Lefèbvre et le designer Flaminio Bertoni. Son Cx était de 0,36, ce qui n’était pas si mal ! Néanmoins, le constructeur annonçait 0,31. Sa variante simplifiée, dénommée Citroën ID, fut introduite en 1957, puis le cabriolet Citroën DS Chapron, en 1958, puis le break Citroën ID, en 1959 et pour finir le cabriolet Citroën DS dit « usine », en 1960. 1 455 746 exemplaires furent fabriqués.

Les Citroën ID break et Citroën ID familiale étaient munies d’un hayon, d’un volet inférieur et de 2 plaques d’immatriculation arrière. Les vitres latérales n’étaient également pas équipées de montants supérieurs. Les strapontins en quinconce dans le coffre étaient une option sur le break qui devenait ainsi familiale, la familiale s’en distinguant avec ses 3 strapontins centraux et sa banquette arrière reculée.

La Citroën Ami 6, l’ultime oeuvre de Flaminio Bertoni

Flaminio Bertoni fut connu et reconnu mondialement grâce à la Citroën DS. Pourtant, l’œuvre dont il fut le plus fier fut la Citroën Ami 6, surnommée en son temps « Citroën 3CV« . Elle fut présentée en avril 1961. Elle exploitait la plate-forme de la Citroën 2CV tout en offrant un tout autre confort généré notamment par des sièges épais et la découpe de la portière arrière évitant de trop se baisser pour pénétrer dans le véhicule. La solution pour résoudre ce problème : inverser la lunette arrière.

En 1964, apparut la version break et en 1966, la Citroën Ami 6 fut la voiture la plus vendue en France ! Et hélas, la dernière Citroën qui réalisa une telle performance. Elle fut fabriquée en 1 039 384 exemplaires. En 1967, fut lancée la version Club qui intégra les doubles optiques ronds. En 1969, elle fut remplacée par la Citroën Ami 8.

Le mot de la fin

Flaminio Bertoni fut nommé Chevalier des Arts et des Lettres par André Malraux en 1961. Il décéda d’une hépatite foudroyante, le 7 février 1964. Robert Opron (1932-….), embauché en 1962, eut la lourde tâche de lui succéder. Et une nouvelle aventure du design Citroën commença…

Article écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’Archives

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