Focus sur : La Renault 4, la légende devenue mythe

Certaines voitures sont devenues légendaires, mais peu sont muées en mythe. C’est le cas de la Renault 4, une voiture populaire française qui a su conquérir les cœurs de plus de 8 millions de personnes, dans près de 28 pays, grâce à sa version de luxe, la célèbre Renault 4L ! 60 ans plus tard, elle a toujours une place particulière dans le coeur de passionnés, marquant à jamais l’histoire de l’automobile ! ABSOLUTELY CARS vous propose de revenir à la source de cette incroyable aventure, en août 1961, où furent présentées à la presse les premières Renault 3, Renault 4 et Renault 4L. Révolutionnaires pour leur époque, elles sont anticonformistes, devenant « bien plus que des fauteuils et une malle » comme le souhaite Pierre Dreyfus, l’homme à l’origine du projet 112. C’est alors que naquit une voiture polyvalente qui répondra à tous les besoins du grand public ! La saga de la Renault 4 et de ses quelques modèles dérivés était née !

Retour sur la génèse du projet 112

Pierre Dreyfus (1907-1994) prit les rênes de la régie en 1955. Il succédait à Pierre Lefaucheux (1898-1955). En 1956, il mit en chantier les études de la remplaçante de la Renault 4CV. L’objectif était de mettre un terme au succès insolant de la Citroën 2CV. En parallèle, était développé un utilitaire qui devait être équipé de la transmission aux roues avant. En octobre 1959, la Renault Estafette était mise sur le marché, le premier véhicule de la marque muni de la traction. Pendant ce temps, les prototypes de la future voiture populaire parcouraient des milliers de kilomètres. Le cahier des charges était fort simple, fabriquer une 2CV en améliorant toutes ses caractéristiques.

Les acquéreurs de la Renault 4CV étaient à la fois urbains et plutôt des employés. Les acheteurs de la Citroën 2CV étaient ruraux et plutôt des ouvriers. La régie voulait conserver ses clients tout en happant ceux de Citroën. 1961 fut une année extraordinaire en matière de proposition de voitures populaires. Citroën montait en gamme avec la Citroën Ami 6 surnommée la Citroën 3CV. Simca sortit sa Simca 1000 pour absorber la clientèle des Renault 4CV et Renault Dauphine en retenant les mêmes solutions techniques que ces modèles, en adoptant des formes plus carrées et plus modernes.

Les caractéristiques communes entre les nouvelles Renault et la Citroën 2CV étaient nombreuses : traction, moteur longitudinal, carrosserie reposant sur une plate-forme, 4 roues indépendantes, freins à tambours efficaces, glaces fixes aux portières arrière, sièges de type hamac. La suspension arrière à barres de torsion était originale. En effet, les dernières venues avaient un empattement de 2,4m à gauche pour 2,44m à droite. Cela engendrait une distance plus ou moins importante entre le rebord de la portière arrière et le passage de roue.

Les Renault 3, Renault 4 et Renault 4L, étaient-elles parvenues à barrer la route à la Citroën 2CV ?

Les arguments ne manquaient pas du côté des nouvelles venues : cylindrées plus généreuses (la Renault 3 était une 3cv ; les Renault 4 et Renault 4L, des 4cv), carrosserie ponton, toit souple disponible, présence du hayon. A l’instar de la Renault 4CV Service qui ne fut produite que pendant 8 mois, les Renault 3 et Renault 4 connurent un succès tout relatif. La pimpante Citroën 2CV avait des arguments également : une fiabilité reconnue, une tenue de route remarquable dans la neige, un confort de conduite réel grâce à sa boîte à vitesses 4 rapports et à son embrayage centrifuge. La Renault 3 fut retirée du marché en août 1962 et la Renault 4 en septembre 1965. A cause de leurs extrêmes dépouillements, elles furent dédaignées par les potentiels acquéreurs. Aujourd’hui, elles sont très recherchées par les passionnées et les collectionneurs. En 1962, la boîte à vitesses 3 rapports devint totalement synchronisée.

Le succès fut au rendez-vous avec la Renault 4L, L pour luxe, tant et si bien que cette voiture fut surnommée la « Quatrelle ». La présence des chromes extérieurs et des vitres de custode s’entrebâillant ravissaient les yeux. Un constructeur généraliste faisait et fait des bénéfices grâce aux véhicules utilitaires. Présentée en octobre 1961, la Renault 4 Fourgonnette était équipée d’un plancher plat, d’une unique porte arrière et du célèbre « giraphon », une ouverture complémentaire implantée au-dessus de ladite porte offrant un accès aisé et appréciable. Sa cylindrée généreuse et les relations entretenues entre la régie et les établissements publics ne laissèrent aucune chance à la Citroën 2CV Fourgonnette.

Tous modèles confondus, les Renault 4 furent fabriquées dans 28 pays à 8 135 424 exemplaires en 31 ans ! Un véritable best seller !

Vidéo de présentation des RENAULT 3, 4 et 4L aux concessionnaires en mars 1961 – Opération Soraya

Les évolutions de la Renault 4

Les Renault 3 et Renault 4 étaient esthétiquement identiques. Leur longueur était de 3,61m, porté à 3,65m en 1963 pour la survivante de ce duo. La longueur de la Renault 4L était de 3,66m, portée à 3,67m en 1967. Elle n’évolua plus par la suite. Le premier grand changement esthétique intervint en 1963 : les glaces des portières arrière devinrent coulissantes et les vitres de custode devinrent fixes.

En 1962, furent ajoutées les versions Renault 4 Export et Renault 4L Export. Elles se distinguaient des voitures vendues en France par leur cylindrée plus généreuse, 845cm³ au lieu de 747cm³. De 1964 à 1965, une version Renault 4L Export distribuée en France exista, avec un moteur de 747cm³. De même, de 1965 à 1975, une version Renault 4 Export fut vendue en France, 747cm³ entre 1965 et 1971, 782cm³ entre 1971 et 1975.

Pour la France, le 845cm³ fut monté épisodiquement :

  • de septembre 1962 à septembre 1963, sur la Renault 4 Super munie d’un couvercle de coffre s’ouvrant vers le bas avec une lunette se glissant dans celui-ci, caractéristique plus esthétique que pratique provenant de la version précédente portant la même dénomination, équipée du 747cm³, disponible de mars 1962 à août 1962. La version de 845cm³ était munie de pare-chocs double tubes ce qui engendrait une longueur de 3,73m.
  • de septembre 1963 à septembre 1964, sur la Renault 4L Super munie du hayon, d’une longueur de 3,66m.
  • de septembre 1964 à septembre 1965,sur la Renault 4L Super Export munie du hayon, d’une longueur de 3,66m.
  • de 1982 à 1986, sur les Renault 4 et Renault 4 TL.

Les Renault 4 furent les voitures les plus vendues en France de 1962 à 1965 et de 1967 à 1968. En 1966, ce fut la Citroën Ami 6, très appréciée en ville par les dames depuis son lancement et très prisée dans sa version break à la campagne. La régie voulut séduire ces dames et monta une opération avec l’aimable participation du magasine féminin Elle, démarche dénommée Elle prend le volant. Du 8 mars au 15 juillet 1963, 4200 lectrices essayèrent des Renault 4 Super noires revêtues d’un motif écossais rouge ou d’un cannage paille, un prêt d’une durée de 48 heures. Devant le succès de cet évènement, entre décembre 1963 et septembre 1964, fut proposée à la vente une série spéciale, la Renault 4L Super La Parisienne équipée du 845cm³, d’un hayon, d’une couleur noire revêtue d’un motif écossais rouge ou vert ou d’un cannage paille. Une nouvelle série dénommée Renault 4 Parisienne fut proposée de décembre 1965 à septembre 1967, le fond de peinture bleu marine assorti au motif écossais bleu devenant disponible. Une troisième série portant la même appellation fut proposée de décembre 1967 à mai 1968. Les fonds de peinture vert ou bordeaux devinrent disponibles. Ces voitures sont aujourd’hui très recherchées.

Au cours des décennies, les Renault 4 furent constamment améliorées :

  • septembre 1964 : distribution du 4 cylindres (muni de soupapes en tête) par chaîne en remplacement de celle entraînée par pignons et voies élargies de 4cm.
  • septembre 1967 : nouvelle calandre ravissante en aluminium et adoption d’une boîte à vitesses 4 rapports.
  • septembre 1969 : généralisation de la banquette arrière rabattable.
  • avril 1970 : adoption des ceintures de sécurité avant fixes et de la batterie 12V.
  • septembre 1970 : sièges avant à dossiers inclinables disponibles.
  • septembre 1972 : sigle Renault Vasarely et planche de bord en polypropylène avec partie centrale grainée.
  • septembre 1973 : planche de bord et volant de couleur noire.
  • septembre 1974 : calandre en plastique de couleur noire.
  • septembre 1975 : alternateur et lunette chauffante disponible en option.
  • septembre 1976 : double circuit de freinage, ceintures de sécurité avant à enrouleurs de série et combinés avant veilleuses / clignotants rectangulaires.
  • janvier 1978 : lancement de la version GTL (Grand Tourisme Luxe) équipée d’un 1108cm³, d’une calandre et de grandes protections latérales grises.
  • juillet 1978 : ceintures de sécurité arrière.
  • juillet 1980 : chauffage à deux vitesses.
  • mai 1981 : charnières des portières avant invisibles depuis l’extérieur.
  • juillet 1982 : freins à disques avant pour la version GTL et nouveau tableau de bord.
  • juillet 1983 : pare-brise feuilleté.
  • mai 1986 : freins à disques avant généralisés et calandre en plastique de couleur grise.
  • juillet 1989 : appuis-tête avant de série.
  • mars 1992 : arrêt de la production en France, fermeture de l’usine de Boulogne-Billancourt.
  • décembre 1992 : fin de la vente en France, les derniers modèles étant importés de l’usine de Novo Mesto située en Slovénie qui assembla des Renault 4 de 1972 à 1992.
  • janvier 1994 : arrêt définitif de la production au Maroc.
RENAULT 4 Sixties réalisée à 2200 exemplaires en 1985 avec ses deux skydomes entrebâillant munis de vitres athermiques
RENAULT 4 Sixties réalisée à 2200 exemplaires en 1985 avec ses deux skydomes entrebâillant munis de vitres athermiques

Aujourd’hui, ces petites merveilles extrêmement fiables, augmentent toujours leur aura en termes de sympathie grâce au Raid 4L Trophy créé par Jean-Jacques Rey en 1997, organisé par l’entreprise Desertours en partenariat avec l’École supérieure de commerce de Rennes. Son but : apporter des fournitures scolaires aux enfants du Maroc. Ses conditions : être âgé de 18 à 28 ans et disposer d’une Renault 4.

La « Quatrelle » ne fut jamais remplacée et elle conserve une place à part dans le cœur des Français et des passionnés du monde entier.

Les dérivés de la Renault 4

Lors du Salon de l’automobile de Paris d’octobre 1968, fut présentée la Renault 6 en remplacement des Renault 4 Super / 4L Super / 4L Super Export / 4L Super La Parisienne / 4 Parisienne. Cette voiture exploitait les mêmes solutions techniques : carrosserie 5 portes reposant sur une plate-forme équipée de barres de torsion longitudinales à l’avant, de barres de torsion transversales à l’arrière (empattements identiques à ceux de la Renault 4), ouverture du capot vers l’avant, freins à tambours hydrauliques, boîte à vitesses 4 rapports devant le moteur 4 cylindres OHV longitudinal refroidi par eau, levier de vitesses au tableau de bord. Elle arborait une carrosserie aux lignes tendues d’une longueur de 3,85m,puis de 3,86m entre 1973 et 1980. Ses glaces latérales descendaient dans les portières. Son prix était élevé au regard de ses performances. Son succès commercial fut impressionnant : 1 743 314 exemplaires. Elles furent continuellement améliorées :

  • septembre 1970 : introduction du 1108cm³ Cléon-Fonte OHV 5 paliers associé aux freins à disques à l’avant.
  • septembre 1973 : calandre en plastique de couleur grise.
  • septembre 1976 : calandre en plastique de couleur noire.
  • mai 1980 : fin de la vente en France.
  • mars 1986 : arrêt définitif de la production en Espagne.

En janvier 1972, la citadine 3 portes Renault 5 fut lancée. Son empattement à gauche était de 2,43m, à droite de 2,4m. En juillet 1979, la variante 5 portes fut introduite sur le marché pour remplacer la Renault 6.

En mai 1968, Citroën lança sur le marché un véhicule de loisir, la Citroën Méhari, équipée d’une carrosserie en plastique ABS teintée dans la masse. Au même moment, la régie sortit la Renault 4 Plein Air réalisée par la société SINPAR. Les prix étaient fortement différents. Cette dernière fut retirée du marché après une production de 563 exemplaires en mars 1970. En avril 1970, la régie lança la Renault Rodéo, conçue par les Ateliers de Construction du Livradois (ACL) situés à Arlanc dans le Puy-de-Dôme et dirigés par Raoul Teilhol (1922-2008). La plate-forme utilisée était celle de la Renault 4 et la carrosserie était en fibre de verre. Elle fut renommée Renault Rodéo 4 en septembre 1971 et la Renault Rodéo 6, similaire, devint disponible à la vente en janvier 1973. En septembre 1981, elles furent remplacées par la Renault Rodéo 5 vendue à un prix élevé. En 1984, la production ralentit fortement et cette dernière fut construite au compte-goutte jusqu’en octobre 1986, les derniers exemplaires bénéficiant des freins à disques à l’avant.

L’entreprise Car Système, implantée à Redon dans l’Ille-et-Vilaine, créée par Gérald Maillard et Patrick Faucher, réalisa un véhicule ludique en utilisant des Renault 4 d’occasion, en raccourcissant l’empattement de 27cm, dénommé JP4. Entre 1986 et 1989, elle exploita une plate-forme neuve, celle de la Renault 4 TL Savane.

En 1983, deux modèles furent ajoutés. La JP5 Baja exploitait une plate-forme neuve, celle de la Renault 4 GTL. La JP6 reprenait comme base, des Renault 6 d’occasion, l’empattement étant également raccourci.

Sous la gérance d’Yves Rousteau depuis 1984, l’entreprise étant alors dénommée Car Système Style. Les réalisations devinrent connues par un plus large public à partir de 1985 par l’obtention d’une homologation européenne et furent diffusées par Renault Italia. La publicité devint plus séduisante.

Au cours du second semestre 1989, le modèle Renault Supercinq cabriolet, dénommé Renault Supercinq Belle-Ile fut homologuée. Lorsque le résultat de cette démarche administrative arriva, les finances de l’entreprise étaient trop exsangues pour poursuivre sa fabrication qui se limita à 90 exemplaires. Ce concept fut vendu à l’entreprise Gruau et la production fut transférée à Laval dans la Mayenne. 500 exemplaires complémentaires furent assemblés jusqu’en 1991.

L’hommage rendu à la Renault 4

De septembre 1975 à décembre 1977, la Renault 4 TL Export fut vendue au Japon. Suzuki voulut rendre hommage à la Renault 4 et commercialisa, en janvier 2002, une kei-car dénommée Suzuki Alto Lapin. Trois modèles se succédèrent, dénommés Suzuki Alto Lapin HE21S (2002-2008), Suzuki Alto Lapin HE22S (2008-2015) et Suzuki Alto Lapin HE33S depuis 2015. Leurs caractéristiques communes sont :

  • un moteur 3 cylindres transversal muni d’un double arbre à cames en tête, de 12 soupapes, d’une injection,
  • la traction, les roues avant indépendantes et les freins à disques à l’avant,
  • les 4 roues motrices disponibles quel que soit la version ou la motorisation,
  • une longueur limitée légèrement inférieure à 3,4m et la présence de 5 portes.

Le modèle Suzuki Alto Lapin HE21S se distinguait principalement par son empattement de 2,36m et sa boîte à vitesses automatique 4 rapports. La variante Suzuki Alto Lapin HE21S SS turbo, disponible entre 2003 et 2008, pouvait être équipée d’une boîte manuelle 5 rapports. Le modèle Suzuki Alto Lapin HE22S se distinguait principalement par son empattement de 2,4m, sa boîte à vitesses automatique 4 rapports disponible sur la version atmosphérique (la transmission à variation continue constituant l’offre principale) et le retrait des vitres de custode. Le modèle Suzuki Alto Lapin HE33S se distinguait principalement par son empattement de 2,46m, ses formes rondes et sa boîte à vitesses automatique 5 rapports disponible entre 2015 et 2016 (la transmission à variation continue constituant l’offre principale).

La Suzuki Alto Lapin HE21S fut également vendue sous la dénomination Mazda Spiano. Suzuki vend les modèles Alto Lapin depuis 19 ans, quel succès !

Cependant, les fans japonais désirèrent une version encore plus proche de leur star : la Renault 4, la voiture française la plus vendue au monde. DAMD (Dream Automobile and Marketing Development), un important fournisseur japonais d’accessoires pour automobiles, proposa un kit spécifique dénommé Ancel. Quand la passion s’exprime…

Article co-écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’archives

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