Designers : Giovanni Michelotti, le Michel-Ange de l’automobile (1/2)

Quel est le plus grand peintre italien de la Renaissance : Michel-Ange, Le Titien, Le Caravage, Raphaël, Le Tintoret, Paul Véronèse ? Quel est le plus grand designer automobile italien : Giorgetto Giugiaro, Leonardo Fioravanti, Marcello Gandini, Pietro Frua, Franco Sbarro, Walter de Silva, Nuccio Bertone, Gian-Battista Pinin Farina, Sergio Pininfarina, Giacinto Ghia, Giovanni Michelotti ? Des questions épiques pour ne pas dire philosophiques ! Bien entendu, il n’y a pas de réponse. Alors, pour débuter cette épopée au cœur des designers italiens, l’équipe d’ABSOLUTELY CARS vous propose de commencer avec l’un des plus talentueux d’entre eux, l’homme aux 1200 voitures : Giovanni Michelotti.

Giovanni Michelotti, un autodidacte à qui l’industrie automobile européenne doit beaucoup

Giovanni Michelotti (1921-1980) était avant tout un autodidacte. A 16 ans, il entra dans les établissements Pinin Farina, chez qui il réalisa différentes missions qui lui permit d’observer le travail de grands stylistes et de réaliser ses premières esquisses. Très rapidement, son travail fut apprécié et il gravit les échelons. A 18 ans, il fut dessinateur en chef dans la grande maison Pinin Farina. Durant la Seconde Guerre mondiale, il fut chasseur alpin. Après de conflit, il travailla pour de nombreux carrossiers turinois, ce qui lui permit d’achever son apprentissage. Ainsi il maîtrisait parfaitement l’ensemble de la chaîne de création, depuis l’esquisse en passant par la maquette à l’échelle 1 jusqu’aux essais du prototype.

Son talent fut rapidement reconnu par les industriels du monde de l’automobile. Des propositions lui furent faites pour prendre la direction des centres stylistiques des grands constructeurs. Mais, il les refusa toutes pour rester lui-même. Il demeura fidèle à sa ville natale, Turin, à sa liberté afin de conserver des liens privilégiés avec ses clients et à sa perception de l’automobile. La partie vitrée et le pavillon extrêmement aérien demeura son espace de liberté, la partie inférieure étant soumis aux contraintes de ses clients, c’est-à-dire, l’exploitation d’un châssis déjà conçu et délivrée par la direction technique, un cahier des charges en adéquation avec la cible convoitée et les dimensions de la voiture via la direction marketing et l’exploitation d’un maximum d’organes mécaniques déjà existants exigée par la direction financière. Pour chaque client, Giovanni Michelotti exploita ou créa l’ADN de la marque. Sa pensée était synthétisée par sa célèbre métaphore du chameau : « Le chameau est un cheval dessiné par le designer suite à une réunion avec des directeurs. »

A partir de 1959, grâce à son nouvel atelier implanté via Levanna à Turin, Giovanni Michelotti proposait, à ses clients, la fabrication d’automobiles à l’unité. Des passionnés parvinrent à inventorier son œuvre, plus de 1200 véhicules différents en y incluant les concept-cars, les camions, les autobus !

Giovanni Michelotti et l’Italie : une histoire de coeur

Giovanni Michelotti et Ferrari

Giovanni Michelotti est derrière quelques unes des plus célèbres Ferrari, marque éponyme créée en 1947 par le célèbre Enzo Ferrari (1898-1988), à Maranello ! A cette époque-là, la firme italienne réalisait des châssis qui étaient habillés, par la suite, par des carrossiers, une véritable opportunité pour Giovanni Michelotti. Ainsi, à partir de 1948, il dessina les carrosseries exclusives de la :

  • Ferrari 166 Inter : coupé et cabriolet pour Pinin Farina, coupé pour Ghia, coupé pour Vignale,
  • Ferrari 166 MM : coupé et spider pour Vignale,
  • Ferrari 212 Inter : coupé, spider et cabriolet pour Ghia, coupé, spider et convertible pour Vignale, coupé pour Ghia-Aigle,
  • Ferrari 212 Export : barchetta, spider, convertible et coupé pour Vignale,
  • Ferrari 225 Sport : coupé et spider pour Vignale,
  • Ferrari 225 Export : barchetta, spider et coupé pour Vignale,
  • Ferrari 250 MM : coupé et spider pour Vignale,
  • Ferrari 250 Europa : coupé et spider pour Vignale,
  • Ferrari 340 America : coupé et coupé 2+2 pour Ghia, coupé et spider pour Vignale,
  • Ferrari 340 Mexico : coupé et spider pour Vignale,
  • Ferrari 340 MM : spider pour Vignale,
  • Ferrari 342 America : convertible pour Vignale,
  • Ferrari 375 MM : coupé pour Ghia,
  • Ferrari 375 America : coupé pour Vignale,
  • Ferrari 330 GT Michelotti coupé,
  • Ferrari 365 GTB/4 Michelotti N.A.R.T. spyder,
  • Ferrari 275 P.

Giovanni Michelotti chez le Carrossier Moretti de Turin

Giovanni Moretti débuta, à Turin, son activité de motocyclettes au milieu des années 1920 et celle des automobiles au milieu des années 1930. En 1944, il collabora avec Giovanni Michelotti pour produire un véhicule électrique muni de 5 à 7 places sous le nom de SAMEM (Società Anonima Motocarri Elettrici Moretti). Par la suite, Giovanni Michelotti dessina la Moretti 750 TDM (Tour Du Monde), le coupé Moretti 750 TDM et les coupés Moretti 500.

Giovanni Michelotti chez le Carrossier Vignale de Turin

Alfredo Vignale (1913-1969), ancien salarié de Pinin Farina, commença son activité, à Turin, en 1948, et fit travailler, de nombreuses fois, Giovanni Michelotti. En 1969, Alfredo Vignale qui n’avait pas d’héritiers, céda la Carrozzeria Vignale à Alejandro De Tomaso qui l’incorpora à GHIA, fondée en 1915 à Turin, par Ghiacinto Ghia, entité qu’il détenait depuis 1967. En 1970, Alejandro De Tomaso vendit GHIA à Ford qui dénomma, depuis, les versions supérieures de ses modèles « Ghia ».

Outre les Ferrari, le fruit de la collaboration entre la Carrozzeria Vignale et Giovanni Michelotti fut conséquent, des Lancia aux premières Abarth (modèles 204 et 205) en passant par Maserati !

Giovanni Michelotti chez le Carrossier Allemano de Turin

A Turin, la Carrozzeria Allemano exerça de 1928 à 1965. Elle exerça, à ses débuts, dans le domaine de la réparation. Dès 1935, le fondateur Serafino Allemano réorienta son activité uniquement sur la carrosserie. Le travail conjoint entre la Carrozzeria Allemano et Giovanni Michelotti fut important. Les exemples les plus célèbres qui ont traversé le filtre du temps, sont la Panhard Dyna X86 coupé Allemano, la Panhard Dyna 750 coupé Allemano, la Lancia Aurelia coupé B53 Allemano, la Maserati A6G/54 coupé Allemano et la Maserati 5000GT Allemano.

Avec Maserati, Giovanni Michelotti a signé quelques uns de ses plus beaux chefs d’oeuvre à l’image de cette Maserati A6G/54. La Maserati A6G/54 fut fabriquée en 60 exemplaires de 1954 à 1956 dont 21 coupés réalisés par le Carrossier Allemano, selon un dessin de Giovanni Michelotti. Un autre de ses dessins donna la Maseratti 5000GT, fabriquée en 36 exemplaires de 1959 à 1965, dont 22 réalisés par le Carrossier Allemano, selon un dessin de Giovanni Michelotti

SIATA et Giovanni Michelotti

SIATA, acronyme de Società Italiana Applicazioni Tecniche Auto-Aviatorie, fut créée à Turin, en 1926, par Giorgio Ambrosini. Elle fabriquait des composants et des accessoires pour les constructeurs italiens et notamment pour Fiat. De 1938 à 1940, cette entité construisit quelques coupés et cabriolets Amica, élaborés à partir de la Fiat 500 Topolino avec une carrosserie spécifique et avec un moteur de 636cm³ au lieu de 569cm³. L’activité automobile reprit en 1948. De 1952 à 1954, Fiat fabriqua le coupé Fiat 8V équipé d’un V8 OHV de 2 litres. Siata désira exploiter ce moteur grâce à un spider carrossé par Rocco Motto et dessiné par Giovanni Michelotti. Le modèle concerné se dénommait Siata 208S. En parallèle, recevant ce même V8, fut produite la Siata 208CS avec un design Pinin Farina ou Balbo ou Bertone, cette dernière version ayant été dessinée par Giovanni Michelotti.

siata 208cs 22 bertone
SIATA 208CS 2+2 Bertone (1952) – Bonhams 2019

L’aventure Giovanni Michelotti – Alpine – Matra

Diplômé de HEC et le plus jeune concessionnaire de la régie Renault (dès décembre 1946 à Dieppe), Jean Rédélé (1922-2007) débuta la compétition en 1950 et demanda, en 1953, à la Carrozzeria Allemano de lui réaliser des coachs et coupés sur la base de la Renault 4CV, selon les principes retenus pour les Panhard Allemano. Bien entendu ces voitures furent dessinées par Giovanni Michelotti qui accompagna la nouvelle enseigne Alpine jusqu’à l’avènement de l’Alpine A110 berlinette, très inspirée de l’Alpine A108 berlinette.

Industriel réputé dans le milieu de la défense, Jean-Luc Lagardère (1928-2003) présenta, en mars 1967, au Salon de l’Automobile de Genève, la Matra 530, qui fut commercialisée en août 1967. Targa 2+2 construite chez Carrier à Alençon, elle était équipée d’un moteur central longitudinal arrière, celui de la Ford Taunus 17M, de phares escamotables, d’une carrosserie en panneaux de résine époxy. Relativement chère, elle n’arriva pas à convaincre. En 1969, la production fut transférée à Romorantin et la distribution déléguée à Simca-Chrysler. En 1970, son restyling fut confié à Giovanni Michelotti : double version LX avec toit fixe ou amovible, entourage chromé de la calandre et pare-chocs épaissis, pare-choc central tubulaire remplacé par deux butoirs avec caoutchouc, baguettes chromées complémentaires, lunette arrière plexiglas remplacée par le verre, panneaux de carrosserie en polyester armé de fibres de verre, variante économique SX avec phares fixes, toit fixe et abandon des places arrières lancée en 1971. La même année, Giovanni Michelotti proposa un concept-car dénommé Matra Laser 2 places, conçu sur la base de la Matra 530. En 1973, la Matra 530 fut remplacée par la MATRA-SIMCA Bagheera 3 places frontales qui connut le succès, 47 796 exemplaires au lieu de 9 609.

La suite, demain !

Article écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’Archives

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