L’influence du Mur de Berlin sur l’automobile allemande (2/2)

La nuit du 09 au 10 novembre 1989 marque l’ouverture des frontières des deux Allemagne symbolisées jusqu’alors par le Mur de Berlin, se concrétisant les jours suivants par la traversée de nombreuses Wartburg et autres Trabant. Cet événement signifie un véritable renouveau social et politique, mais aussi automobile ! A l’occasion des commémorations des 30 ans de la chute du mur de Berlin, ABSOLUTELY CARS vous immerge en pleine période de la Guerre Froide, période ayant eu un fort impact sur l’histoire de l’automobile allemande. Après une première partie entièrement consacrée à la marque Wartburg et BMW, découvrez dès maintenant un chapitre 100% consacré à Audi et à l’une des marques les plus représentatives de la République Démocratique Allemande : Trabant !

Un moment historico-automobile : Le 11 novembre 1989, l’ouverture officielle des frontières au Mur de Berlin

Le 11 novembre 1989, le violoncelliste russe Mstislav Leopoldovitch Rostropovitch (1927-2007), promouvant l’art sans frontière, assis sur une chaise devant un pan de mur de Berlin, joua un extrait d’une des Suites pour violoncelle seul de Jean-Sébastien Bach. Les images et vidéos furent diffusées dans tous les pays.

Cette liberté retrouvée et sans frontière prend tout son sens les jours suivant la chute du mur de Berlin. De nombreuses Wartburg et Trabant passèrent la frontière entre les deux Allemagnes, ces deux voitures entrant dans l’Histoire.

Trabant, héritière d’une longue histoire en Allemagne de l’Est

Trabant est issue de la marque IFA (pour Industrieverband FAhrzeugbau) qui puise son origine dans le groupe Auto Union, le fameux groupement aux 4 anneaux que nous connaissons aujourd’hui sous le nom d’Audi . Cette fédération naquit de la volonté du génial Jörgen Skafte Rasmussen, mais cette idée lui fut fatale pour sa carrière. C’est cette histoire que nous allons vous conter dans cette deuxième partie consacrée à l’histoire automobile allemande durant la Guerre Froide.

Au début des années trente, seule la marque Mercedes-Benz du groupe Daimler-Benz affichait une santé financière florissante, les autres constructeurs allemands étant de petite taille et subissant les conséquences de la crise de 1929. Jörgen Skafte Rasmussen eut alors l’idée de fédérer quatre marques, Audi, DKW, Horch et Wanderer sous une seule entité : Auto Union AG. Cette vision se concrétisa le 29 juin 1932. Et cela se traduisit par un symbole et logo forts : quatre anneaux sur les calandres. Les usines étaient implantées à Berlin-Spandau (DKW), Zschopau (DKW), Chemnitz (Wanderer) et Zwickau (Audi, DKW et Horch). En 1938, sur les 222 600 automobiles allemandes fabriquées, Auto Union en réalisa 23,4%, DKW, 17,9%, Wanderer, 4,4%, Horch, 1% et Audi, 0,1%. Après la Seconde Guerre mondiale, les usines de Zwickau d’Auto Union se retrouvèrent en République Démocratique Allemande. La production ne reprit qu’en 1948 sous la marque IFA. La fabrication des DKW ne reprit qu’en 1950, en République Fédérale Allemande, dans les nouvelles usines d’Ingolstadt et de Düsseldorf. En 1958, DKW fut achetée par Mercedes-Benz qui la revendit, en 1965, à Volkswagen, cette dernière rebaptisant sa nouvelle acquisition Audi.

Jörgen Skafte Rasmussen, génie de l’automobile et père de l’Auto Union

L’histoire d’Auto Union est intimement liée au danois Jörgen Skafte Rasmussen qui fonda, en 1912, à Zschopau, une entreprise dénommée « Zschopauer Maschinenfabrik J. S. Rasmussen », spécialisée dans la construction des accessoires pour machines à vapeur. En 1916, la société devint DKW, le sigle signifiant « Dampf-Kraft-Wagen », véhicules mus par la vapeur, mais les Allemands préférèrent « Das Kleine Wunder », la petite merveille, lorsqu’en 1922, fut introduite la fabrication des motocyclettes en complément de la construction de petits moteurs thermiques.

En 1924, Jörgen Skafte Rasmussen acquit la société Slaby-Beringer (1919-1926), née de l’association de Rudolf Jan Slabý, fils du professeur Adolf Karl Heinrich Slaby (maître de conférences à l’Université de Berlin et co-fondateur de Telefunken) avec Hermann Beringer. Dès 1919, à Berlin, furent ainsi construites des voiturettes électriques pour les invalides de la Grande Guerre (moteur arrière de 2ch alimenté à l’aide de batteries 12V ou 24V ou 36V, 25km/h, 60km d’autonomie, une place ou deux places en tandem, carrosserie en contreplaqué recouvert de skaï). Le nouveau propriétaire remplaça le moteur électrique par un monocylindre 2 temps refroidi par eau implanté à l’arrière (170cm³(60×60), 3ch, 30km/h) et poursuivit la production sous la marque Slaby-Beringer-DKW jusqu’en 1926. Ce quadricycle est considéré comme la première DKW. En 1928, Jörgen Skafte Rasmussen acheta Audi et, pour cette dernière, les brevets et les machines-outils du constructeur américain Rickenbacker (1922-1927).

Remercié en 1933, Jörgen Skafte Rasmussen quitta Auto Union pour œuvrer dans une entité qu’il détenait, créée en 1923, dénommée Metall-Werke GmbH Frankenberg, implantée à Frankenberg en Saxe, constructeur de composants pour DKW et, depuis 1927, d’un triporteur muni d’un monocylindre DKW. En 1934, l’entreprise devint FRAMO (contraction de FRAnkenberg und MOtorenwerke) et déménagea à Hainichen en Saxe. La production de véhicules commerciaux munis de 4 roues débuta en 1938 pour stopper sous l’identité Barkas, en 1991. Jörgen Skafte Rasmussen rentra au Danemark en 1948 et travailla pour le compte de la société DISA, pour concevoir des motocyclettes. 1070 voitures de tourisme FRAMO, équipées de roues indépendantes, furent fabriquées avant la Seconde Guerre mondiale.

august horch

Le premier anneau : Horch

La marque la plus prestigieuse d’Auto Union fut Horch, fondée à Cologne à la fin de l’année 1899, par August Horch, transfuge de la société Benz de Mannheim. Horch déménagea à Reichenbach, en 1902, à Zwickau, en 1904.

En 1909, August Horch quitta la société suite à un désaccord. Cependant, il ne put créer une nouvelle entité sous son nom. Horch signifiant « écoute » en Allemand, il traduisit en latin son nom et la nouvelle société fut baptisée Audi.

La fiscalité allemande fut mise en place en 1905. Avant, un modèle pouvait être désigné par ses puissances minimale et maximale ; après, par sa puissance fiscale et par sa puissance maximale.

En 1926, Horch abandonna les moteurs 4 cylindres en ligne au profit des moteurs 8 cylindres en ligne. Les freins étaient hydrauliques, néanmoins en option sur les Horch 710, Horch 720 et Horch 750.

De 1931 à 1940, Horch proposa des voitures équipées de moteurs en V. Les roues avant indépendantes furent adoptées en 1935. Pendant l’entre-deux-guerres, seuls deux constructeurs allemands fabriquèrent des voitures de tourisme munies d’un V12, Maybach et Horch.

A gauche : HORCH 930S (un des deux exemplaires construits avant la Seconde Guerre mondiale
A droite : HORSCH 930S à la calandre modifiée pour les 7 exemplaires produits après la Seconde Guerre mondiale

Après la Seconde Guerre mondiale, les usines de Zwickau essayèrent de faire revivre la marque Horch.

sachsenring p240
SACHSENRING P240 (1382 exemplaires furent fabriqués sous les deux enseignes, une variante torpédo et un break étant également disponibles)

Le deuxième anneau : Audi

Audi, fondée également par August Horch, entama sa production en 1909. Les freins sur les 4 roues furent introduits sur l’Audi Typ K.

De nouveaux modèles équipés de roues avant indépendantes furent lancés sous l’impulsion d’Auto Union. Cependant, Audi demeura la marque la plus confidentielle du groupement.

Le troisième anneau : Wanderer

Si Horch proposa, au sein d’Auto Union, des voitures prestigieuses, Wanderer déclina des voitures haut de gamme. L’entité Chemnitzer-Velociped-Depot Winklhofer & Jaenicke fut créée à Chemnitz en Saxe, en 1885, par Johann Baptist Winklhofer et Richard Adolf Jaenicke, pour produire des bicyclettes dénommées Wanderer, dès 1887. En 1896, l’entreprise prit le nom de Wanderer Fahrradwerke AG. La fabrication des machines-outils débuta en 1900, celle des motocyclettes, en 1902, celle des machines à écrire vendues sous la marque Continental, en 1904. En 1908, la firme devint Wanderer Werke AG. La première voiture fut la Wanderer 12ps de 1906 (bicylindre de 1884cm³, 12ch à 1200tr/mn, boîte à vitesses à 3 rapports, 40km/h, 2,13m d’empattement, 3,15m de longueur) ; mais la production en série débuta qu’en 1912 avec la Wanderer surnommée « puppchen ou poupée », fabriquée jusqu’en 1926.

A partir de 1921, en complément de la Wanderer Puppchen, la gamme s’étoffa à l’aide de voitures munies d’un 4 cylindres. La Wanderer W15 adopta les freins sur les 4 roues et la Wanderer W24, les roues avant indépendantes.

Prenant le pas sur les 4 cylindres, les 6 cylindres Wanderer sont des voitures bien nobles, bien qu’il semble qu’elles soient quelque peu oubliées.

Seules les Wanderer W17 et Wanderer W20 étaient dépourvues de freins hydrauliques.

tableau 11

Le quatrième anneau : DKW

DKW proposa deux lignes de produits équipés dès l’origine des freins sur les 4 roues :

  • l’une fabriquée à Berlin-Spandau en tant que milieu de gamme exploitant comme transmission : la propulsion
  • l’autre construite à Zwickau en tant qu’entrée de gamme originellement, exploitant comme transmission : la traction.

A gauche : DKW PS 600
Au milieu : DKW P 4=8
A droite : DKW 432 Sonderklasse

Les tractions DKW furent équipées de 4 roues indépendantes, de 1931 à 1935, puis de roues avant indépendantes, de 1935 à 1942, d’un bicylindre 2 temps transversal refroidi par eau, d’une boîte à vitesses 3 rapports. Les solutions techniques mises en œuvre par Jörgen Skafte Rasmussen vont perdurer pendant 60 ans.

L’ensemble des quatre anneaux : l’Auto Union

Les Auto Union de l’Entre-Deux-Guerres étaient des voitures de compétition dénommées communément « Flèches d’argent » comme les Mercedes-Benz de la même époque. Les « Rennwagen » furent étudiées par Ferdinand Porsche (1875-1951), fabriquées à Zwickau, équipées d’un châssis et d’une carrosserie en aluminium, d’un moteur longitudinal central arrière, d’une boîte à vitesses 5 rapports, de roues avant indépendantes, de freins hydrauliques. Seule, l’Auto Union Typ D fut étudiée par Robert Eberan von Eberhorst (1902-1982).

Après la Seconde Guerre mondiale, Auto Union devint IFA

Après la Seconde Guerre mondiale, la DKW F8 devint l’IFA F8 complétée par l’IFA F9. En effet, les usines d’Auto Union furent intégrées dans l’IFA (pour Industrieverband FAhrzeugbau), un conglomérat qui encadra de nombreux constructeurs :

  • les usines de Zwickau qui fabriquèrent les automobiles IFA, AWZ, Trabant, Sachsenring, les camions et les autocars IFA, les motocyclettes MZ, les tracteurs IFA RS,
  • l’usine d’Eisenach qui construisit les automobiles EMW, IFA, Wartburg, les motocyclettes EMW,
  • l’usine de Hainichen qui produisit les camions FRAMO,
  • l’usine de Chemnitz qui fabriqua les camions légers et les minibus BARKAS,
  • l’usine de Waltershausen qui construisit les camions légers MULTICAR,
  • l’usine de Zittau qui produisit les camions et les autocars ROBUR,
  • l’usine de Ludwigsfelde qui fabriqua les motocyclettes IWL,
  • l’usine de Suhl qui construisit des motocyclettes SIMSON. Cette marque produisit des automobiles remarquables de 1911 à 1934.

Les IFA furent également des tractions équipées de roues avant indépendantes, l’IFA F9 adoptant les freins hydrauliques et un moteur 2 temps longitudinal refroidi par eau. En 1953, l’IFA F8 fut équipée de panneaux de carrosserie en Duroplast, un matériau thermodurcissable dérivé de la distillation du charbon, le phénol, appliqué sur des fibres de coton ou de laine, cinq couches de fibres de coton étant nécessaires. Au final, cela ressemble à de la fibre de verre, mais lorsque l’on pose sa main, la chaleur est plus fortement renvoyée.

IFA F9, la version coach fut la plus diffusée.

1955 : IFA devint AWZ / Trabant

En 1955, les usines de Zwickau débutèrent la fabrication de voitures d’entrée de gamme équipées d’une carrosserie en Duroplast. Si l’AWZ P70 fut équipée de roues avant indépendantes et d’une boîte à vitesses 3 rapports, les Trabant furent munies de 4 roues indépendantes et d’une boîte à vitesses 4 rapports, synchronisée à partir d’avril 1962. Depuis 1990, l’usine de Mosel-Zwickau produit des Volkswagen.

En haut, à gauche : AWZ P70 Kombi (1956-59)
En haut, à droite : AWZ P70 (1955-59) – le toit ouvrant était une option
En bas, à droite/au milieu : AWZ P70 Coupé (1957-1959)

trabant p50 universal
TRABANT P60 / 600

Article écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’archives

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