Parmi les chefs d’œuvre du design automobile français, une marque bien connue des collectionneurs est souvent citée : Facel Vega. La beauté de leurs lignes, leurs designs atypiques – dirons-nous uniques -, leurs gabarits impressionnants et leur confection ” fait main” en font désormais le symbole du luxe à la française d’après-guerre. Mais l’héritage de Jean Daninos, créateur de la marque et designer de renom, va bien au-delà. Citroën 7C Cabriolet, Simca Plein Ciel, Bentley Cresta II… elles sont toutes passées entre les mains de ce créateur talentueux ! ABSOLUTELY CARS vous propose, pour ce nouveau volet de “Designers”, de découvrir toutes les facettes de l’histoire de Jean Clément Daninos, de ces premiers pas chez Citroën à son œuvre ultime !
Les premiers pas de Jean Daninos dans le design

Jean Clément Daninos (1906-2001) fut embauché, en 1928, chez Citroën. Il dessina les cabriolets Traction Avant dits « roadster » et les coupés dénommés « faux-cabriolets ». La difficulté était de garder un maximum de pièces issues des berlines dessinées par Flaminio Bertoni (1903-1964) tout en conservant la rigidité originelle de la caisse autoporteuse. Pour cela, un spider pour des enfants fut intégré dans la poupe des deux variantes.
En 1935, Jean Clément Daninos rejoignit le constructeur d’avions Morane-Saulnier où il travailla sur les ailes de l’avion de chasse MS 405. En 1937, en tant qu’ingénieur conseil indépendant, il collabora avec différentes sociétés aéronautiques comme Farman, Fairey et Bronzavia. Il fut chargé par cette dernière de réorganiser le département de chaudronnerie aéronautique. Le 20 décembre 1939, Bronzavia créa une filiale à Dreux : la société des Forges et Ateliers de Constructions d’Eure-et-Loir, donnant l’acronyme “FACEL”. En 1941, il partit aux États-Unis pour diriger une usine de sous-traitance pour l’aviation militaire exploitant les brevets Bronzavia, la General Aircraft Equipment Inc. De retour en France, il fut nommé PDG de FACEL, en août 1945, qui devint alors une société indépendante sous la dénomination “Facel-Métallon” qui détint trois secteurs d’activités :
- aviation et équipement en acier inoxydable, à Amboise,
- emboutissage et tôlerie, à Amboise,
- construction automobile, à Colombes et à Dreux.


Jean Clément Daninos et les années Facel-Métallon
Les débuts de Facel-Métallon
L’activité de Facel-Métallon dans le domaine de l’automobile débuta en octobre 1947, en construisant des carrosseries en aluminium destinées à être posées sur des châssis en acier Panhard Dyna X. Cette voiture étant distribuée jusqu’en 1954, cela représenta quelque 47 049 carrosseries. De 1951 à 1954, les usines construisirent également 9 632 4×4 Delahaye VLR, la “Jeep” française. Dans le domaine des utilitaires, elles produisirent des camionnettes et des cabines de camions pour le compte de Simca, Delahaye et Somua. Dans le domaine des scooters, pour Vespa, les usines fabriquèrent les pièces de 220 000 coques, puis les pièces embouties et soudées pour la citadine Vespa 400, assemblée en 30 976 exemplaires uniquement en France par les Ateliers de Construction de Motocycles et d’Automobiles implantés à Fourchambault dans la Nièvre. Cette voiture était équipée d’une caisse autoporteuse découvrable 4 places, de roues avants indépendantes, d’un triangle déformable arrière supportant un bicylindre longitudinal 2 temps refroidi par air.


Les Simca fabriquées chez Facel-Métallon


Simca (Société Industrielle de Mécanique et Carrosserie Automobile) vendit, de 1935 à 1938, des Simca-Fiat, puis sous la dénomination de “Simca”, le site de production étant situé à Nanterre, dans l’ancienne usine DONNET et dirigé par Enrico Teodoro Pigozzi (1898-1964). Ce dernier fut séduit par un prototype Pinin Farina proposé à Fiat. Il en fit fabriquer un exemplaire avec une calandre légèrement modifiée et le présenta sous la dénomination Simca 8 Sport au Salon de l’automobile de Paris 1948. Facel-Métallon fut retenue pour la production et la fabrication en série de ce cabriolet 2+2 et de sa variante coupé qui débuta en 1950. Les roues avant étaient indépendantes. La carrosserie en aluminium disparut en 1952 avec l’adoption des glaces latérales arrières.
Les remplaçantes furent la Simca 9 Sport, uniquement proposée en coupé, puis la Simca Coupé de Ville, complétée par le cabriolet Simca Week-End. Le design était signé “Jean Clément Daninos” tout comme la nouvelle série lancée en 1956 : la Simca Plein Ciel en tant que coupé et la Simca Océane en tant que cabriolet. La collaboration entre Simca et Facel-Métallon s’arrêta en 1962 avec une production toutes générations confondues de 23 500 exemplaires.








Les Ford fabriquées chez Facel-Métallon
Facel-Métallon fabriqua 3 064 Ford Comète dessinée par Pinin Farina. Fin 1954, Simca acheta l’usine de Poissy et Ford SAF (Ford Société Anonyme Française) disparut. Le coupé 4 places le plus performant, la version Ford Comète Monte Carlo, revêtit l’écusson orné de l’hirondelle pendant quelques mois.



Les Bentley fabriquées chez Facel-Métallon
Facel-Métallon fabriqua treize Bentley Cresta, dont trois prototypes pouvait circuler librement, deux en 1948 et un en 1951. La première série de douze exemplaires fut dessinée par Pinin Farina. Celui de 1951, réalisé en un unique exemplaire, dénommé communément “Bentley Cesta II“, car son appellation n’est pas officielle, fut dessiné par Jean Clément Daninos et était annonciateur des fabuleuses Facel Vega.




Le design automobile par Jean Daninos : les légendaires Facel Vega
Un rêve : être un constructeur à part entière
Jean Clément Daninos désira être un constructeur à part entière pour exploiter ses talents de designer. Il demanda à son frère, Pierre Daninos (1913-2005), écrivain et humoriste, un nom pour son enseigne, entreprise qui aura en charge la production et la diffusion de son nouveau coupé 4 places. Ce dernier proposa comme dénomination “Vega”, une des plus brillante étoile de la constellation de la Lyre. Par la suite et très rapidement, la marque prit le nom de “Facel Vega“.
Cette première série, réceptionnée par le service des Mines, en février 1955, était équipée d’un V8 provenant du Groupe Chrysler, d’une boîte à vitesses 4 rapports Pont-à-Mousson ou d’une boîte à vitesses automatique 3 rapports Chrysler.




Le modèle FV fut réalisé en 13 exemplaires, la FV1, en 33 dont 7 cabriolets, la FV2, en 31 dont un cabriolet, la FV2B, en 74 dont deux cabriolets, les FV3 / FV3B / FV4, en 205 dont un cabriolet, la HK500, en 490, la Facel Vega II, en 184, la limousine Excellence, en 153 dont 134 avec le moteur de 5907cm³, soit un total de 1 183 V8, toutes d’une hauteur de 1,36m hormis le coupé Facel Vega II (1,28m) et la limousine Excellence (1,38m).
Les principaux équipements des coupés furent :
- la console centrale pour la première fois sur une voiture française
- la planche de bord recouverte de cuir assorti à la sellerie
- le tableau de bord métallique et peint imitation bois à partir du modèle FV2
- le pare-brise panoramique depuis le modèle FV2 jusqu’au modèle HK500
- les doubles phares ronds verticaux à partir du modèle FV3
- les options direction assistée, vitres teintées, air conditionné à partir du modèle HK500
- les 4 freins à disque à partir de 1960
- les phares Marchal Mégalux sur le modèle Facel Vega II
La limousine Excellence bénéficia des 4 freins à disque en option fin 1959, ils devinrent un équipement de série en juillet 1961. Le pare-brise panoramique fut abandonné la même année.












La Facel Vega Facellia, une petite merveille



En 1959, le constructeur français introduisit un petit cabriolet : la Facel Vega Facellia. Cette voiture était équipée de 4 freins à disque, d’une boîte à vitesses et d’un moteur Pont-à-Mousson double arbre à cames en tête. Il connut des problèmes de jeunesse ce qui entacha la renommée de ce modèle. Très rapidement furent ajoutés deux coupés offrant deux ou quatre places, cette dernière variante étant munie de glaces latérales complémentaires.
En 1961, les phares Marchal Mégalux furent montés en série. Prévue pour une diffusion annuelle de 2 500 exemplaires, cette voiture ne trouva pas son public. La société fut mise sous tutelle par le Ministère des Finances et se vit imposer des nouveaux actionnaires. Jean Daninos fut contraint de démissionner en août 1961. Il conserva, néanmoins, le titre de vice-président et de directeur technique.
En 1963, la Facellia devint la Facel Vega III, en adoptant une boîte à vitesses et une motorisation Volvo, perdant ses feux arrières en arrête d’aile. En 1964, un 6 cylindres Austin-Healey fut proposé avec un alésage légèrement réduit par rapport à la version BMC pour des raisons fiscales. Le 31 octobre 1964, la société ferma ses portes. Jean Clément Daninos travailla ensuite pour le constructeur portugais UMM qui produisit un dérivé du Cournil français.
La Facel Vega Facellia fut réalisée en 1 045 exemplaires, ses variantes, la Facel Vega III et la Facel Vega 6, en 625 et 44 exemplaires, soit une production totale de 1 714 exemplaires.





L’héritage de Jean Clément Daninos


Jean Tastevin (1919-2016) déplora la disparition de Facel Vega et s’attela, dès 1967, à introduire une voiture de prestige française. Auparavant, en 1964, il prit la tête de la « Compagnie Française de Produits Métallurgiques » (C.F.P.M.), spécialisée dans la construction des wagons, originellement acquise par son père, Arnaud Tastevin, en 1936, en tant qu’« Ateliers et Chantiers de Balbigny ». Son épouse se prénommant Monique, la branche automobile se dénommait “Monica“.
Après plusieurs essais en matière de motorisations, comme Jean Clément Daninos, Jean Tastevin adopta un V8 Chrysler. Présentée en 1972, la Monica 560 fut produite de 1973 à 1975 en 28 exemplaires, le premier choc pétrolier ayant compromis toute chance de réussite. L’activité de l’usine de Balbigny cessa en 1988. Cette voiture, produite malheureusement en toute petite série, fut la dernière tentative française dans le domaine des voitures de grand luxe.

Article écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’archives
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