Les voitures électriques aux Etats-Unis au début du XXème siècle

Une automobile est sur toutes les bouches et dans tous les médias. Critiquée ou adulée, elle divise, elle rassemble, elle fait débattre. Ce véhicule n’est d’autre que la voiture électrique. Si elle semble bien actuelle, savez-vous que la voiture électrique est aussi ancienne que l’histoire même de l’automobile ? Il faut savoir que la première voiture électrique date de 1834, bien à avant le premier moteur à explosion, apparu en 1861 ! Mais c’est aux Etats-Unis qu’elle connut un incroyable essor au début du XXème siècle, si bien que de nos jours, beaucoup de sites internet émettent le souhait que la voiture électrique d’aujourd’hui représente au plus tôt une part de marché de 38% comme en 1900 aux Etats-Unis ! Est-ce possible ? Est-ce notre avenir ? ABSOLUTELY CARS vous propose un voyage dans le temps pour revenir 120 ans en arrière pour découvrir les voitures électriques aux Etats-Unis au début du XXème siècle. Dans cet article pas comme les autres, nous vous proposons d’analyser la situation actuelle en observant le passé pour peut-être ouvrir une fenêtre sur notre futur !

Le marché automobile américain en 1900

En 1900 aux Etats-Unis, il existait, bien entendu, les classes laborieuses avec des enfants qui travaillaient au lieu de s’instruire, les classes aisés et les classes fortunées. Les moyens financiers étaient disponibles pour de nouveaux investissements dans l’industrie et les infrastructures, les dépenses publiques ne représentant que 8% avant la Première Guerre mondiale.

Tout naturellement en ce début de siècle, les investisseurs s’intéressèrent à cette nouvelle industrie consacrée à l’automobile. Pour les charrons, cette manne financière disponible leur permit de reconvertir une partie de leurs outils de production afin de réaliser des voitures destinées aux ménages fortunés tout en continuant la fabrication des véhicules hippomobiles. Les deux plus importants choisirent des axes stratégiques différents.

William Crapo Durant (1861-1947), associé avec Josiah Dallas Dort (1861-1925), fit fortune grâce à la Flint Road-Cart Company, fondée en 1886, rebaptisée Durant-Dort Carriage Company, en novembre 1895. Pour lui, au regard de son prix d’acquisition, de son bruit et de ses odeurs nauséabondes, l’automobile n’avait aucun avenir. Cependant en 1900, la population se révolta épisodiquement contre toute réglementation gouvernementale ayant trait aux voitures sans chevaux à essence, que ce soit en matière de fiscalité et de taxation qu’en matière de sécurité. Observant ces levées de boucliers, William Crapo Durant s’interrogea : comment une population ne possédant pas de voitures pouvait émettre son désaccord à leur sujet ? Elle en avait tout simplement envie et besoin en tant qu’objet de loisir et de travail, pour développer ou créer de nouvelles activités lucratives. La production états-unienne de 1900 ne représentait que 4192 automobiles (1575 électriques, 936 à essence, 1681 à vapeur). William Crapo Durant acheta, le 1er novembre 1904, la marque Buick et fonda, le 16 septembre 1908, General Motors. Il fallait augmenter la production et les moteurs disponibles utilisés étaient thermiques. Au début, William Crapo Durant continua son rôle de vendeur. Lorsqu’un client se présentait, il lui confiait le véhicule d’exposition sans y monter dedans. Devant tant de confiance et de sérénité, le client lui achetait la voiture. Ainsi, il fut un vendeur hors pair de voitures sans jamais en avoir conduite une…

Les cinq frères Studebaker, Henry Studebaker (1826–1895), Clement Studebaker (1831–1901), John Mohler Studebaker (1833–1917), Peter Everst Studebaker (1836–1897) et Jacob Franklin Studebaker (1844–1887) revendiquaient également le fait qu’ils étaient le plus important constructeur de véhicules hippomobiles au monde. En 1902, leurs fils et gendres décidèrent de fabriquer des automobiles électriques. Cette solution présentait un avantage majeur : un faible investissement. Les moteurs électriques, les batteries au plomb ou nickel-fer Edison, les organes mécaniques (boîtes à vitesses, différentiels, transmissions) provenaient des sous-traitants. L’inconvénient résidait dans le fait que les coûts de production n’étaient pas maîtrisables et dépendaient des tarifs pratiqués par les sous-traitants. La communication était également aisée : silence de fonctionnement, facilité de conduite sans devoir utiliser une manivelle, entretien réduit vu le nombre de pièces utilisées… Néanmoins, la société Studebaker se méfia d’une telle facilité de mise en œuvre. Le réseau commercial distribua des voitures thermiques Garford de 1904 à 1911 et EMF pour Everitt-Metzger-Flanders de 1909 à 1912, dénommées communément « Studebaker-Garford » et « Studebaker–Flanders ». En 1911, Studebaker devint constructeur de véhicules thermiques et abandonna la fabrication des automobiles électriques en 1912. Son réseau commercial était habitué à vendre des véhicules thermiques, les voitures électriques étant considérées comme des véhicules urbains. Les stations-services s’étaient entre temps multipliées. Cadillac adoptait le démarreur en 1912. Les constructeurs de voitures électriques cessèrent leurs activités, car la demande devenait dérisoire. Certaines marques disparurent également, mais resteront néanmoins connues jusqu’à nos jours à l’image de Baker, Detroit Electric, Rauch & Lang et Woods.

tableau liste marques voiture electrique

Les plus célèbres constructeurs américains de voitures électriques

Baker et Rauch & Lang

Baker, ou plus précisément Baker Motor Vehicle Company, fut créée en 1899, à Cleveland, par Walter C. Baker (1868-1955) qui présenta sa première voiture électrique, en 1893, à la World Columbian Exposition de Chicago. En 1914, sa société fusionna avec Rauch & Lang, un autre constructeur de voitures électriques implanté à Cleveland de 1905 à 1922, fondé par Jacob Rauch et Charles E.J. Lang. En 1920, Stevens-Duryea acheta Rauch & Lang qui, en 1922, déménagea à Chicopee Falls. Baker et Rauch & Lang disparurent respectivement en 1916 et en 1932, l’activité entre 1929 et 1932 étant consacrée à la fabrication des autobus et des camions.

Le repreneur de RAUCH & LANG, STEVENS-DURYEA, un constructeur d’automobiles thermiques implanté à Chicopee Falls, fut fondé en 1901 par James Frank Duryea (1869-1967). Il est considéré comme le premier constructeur états-unien de voitures thermiques sous la marque DURYEA.

STEVENS-DURYEA Model C vendue par RM Auctions
STEVENS-DURYEA Model C vendue par RM Auctions

L’hybride Owen Magnetic

Raymond Owen and Ralph Owen fabriquèrent à Detroit, de 1910 à 1911, leur propre voiture thermique. Ils se rapprochèrent de Walter C. Baker qui avait acquis, en 1912, le brevet de Justus Bulkley Entz (1867-1947). Ce talentueux ingénieur électricien travailla de 1887 à 1890 avec Thomas Edison (1847-1931) et déposa 75 brevets dans le domaine de l’automobile. En 1897, tout en œuvrant pour l’Electric Storage Battery Company, à Philadelphie, en Pennsylvanie, il fit construire par la Pope Manufacturing Company, sa première voiture hybride qui disparut dans un incendie, une étincelle d’origine électrique ayant enflammé le réservoir d’essence. Au cours des années, il améliora son système d’hybridation.

L’Owen Magnetic, construite selon le brevet de Justus Bulkley Entz, fut présentée au Salon de l’automobile de New York en 1915. Les premiers exemplaires furent assemblés dans une usine située à Manhattan, plus précisément dans la 5e avenue. Le moteur thermique était équipé d’un démarreur, mais également d’une manivelle de secours. Il n’était pas couplé à l’arbre de transmission et, malgré la présence d’une boîte à vitesses 6 rapports, il n’y avait pas d’embrayage. Le moteur thermique était accouplé à des bobines pour créer un champ magnétique. La dynamo et le moteur étaient mécaniquement liés à l’arbre de transmission ce qui signifiait que la dynamo jouait également un rôle de moteur. La batterie ne récupérait pas de l’énergie en décélération. Elle fut fabriquée en 974 exemplaires entre 1915 et 1921, dans l’usine de Rauch & Lang de Cleveland entre 1916 et 1919 et dans une usine située à Wilkes-Barre en Pennsylvanie entre 1920 et 1921. Elle est considérée comme la première voiture hybride états-unienne produite en série.

Woods

Woods, ou plus précisément Woods Motor Vehicle Company, fut créée en 1899, à Chicago et fabriqua des véhicules électriques. Entre 1905 et 1907, la société réalisa des voitures thermiques. Les dernières automobiles électriques étaient équipées d’une boîte à vitesses 5 rapports. La production des voitures électriques cessa en 1916 pour laisser place à une voiture hybride, la Woods Dual Power, disponible de 1916 à 1918. Sa simplicité de conduite était son principal argument de vente :

  • marche avant et marche arrière en exploitant le moteur électrique,
  • moteur électrique permettant une vitesse maximale de 24km/h,
  • moteur thermique lié à l’arbre de transmission au travers d’un accouplement magnétique permettant une vitesse maximale de 56km/h,
  • moteur thermique aidé par le moteur électrique pour gravir les côtes,
  • moteur thermique freiné par le moteur électrique pour descendre les côtes, ce dernier se comportant alors comme une dynamo pour recharger les batteries Exide.
  • performance assurée par la présence d’une carrosserie en aluminium,
  • absence de boîte à vitesses,
  • instrumentation comprenant un ampèremètre et un indicateur de charge combinés, un compteur de vitesse et un odomètre.

Son concepteur fut Roland S. Fend qui travaillait également pour Baker et Rauch & Lang.

Comparatif des différentes solutions techniques

L’année 1918 peut être retenue pour un comparatif. En effet, deux voitures thermiques furent des symboles de la croissance et de la toute puissance des Etats-Unis : la Ford T en tant que voiture suffisamment vaste pour accueillir une famille, fiable pour envisager de long parcours, accessible financièrement, et la Cadillac Serie 57 de General Motors présentant les mêmes qualités dans le haut de gamme en étant « la voiture économique des ménages fortunés ». La troisième automobile est une voiture électrique de Detroit Electric, marque affectionnée par Clara Ford, l’épouse d’Henry Ford. Les deux dernières sont les fameuses Woods Dual Power et Owen Magnetic, les hybrides.

Il est difficile de se faire une idée des montants demandés pour l’acquisition d’une de ces voitures en 1918. Une réactualisation des tarifs étant nécessaire.

Concernant les automobiles, nous ne pouvons distinguer le pouvoir d’achat des américains de 1918 de celui des Français de 2020, voire des Européens. Seule la Peugeot e-208 demande un moindre effort financier que celui demandé pour une Detroit Electric. Bien entendu, si nous tenons compte de l’évolution du pouvoir d’achat à l’intérieur d’un seul pays, la multiplication des voitures sur nos routes tend à prouver le contraire. La déflation a touché les équipements électroménagers et les appareils photos / vidéos / numériques, mais pas l’automobile. Certes, leurs performances furent améliorées, mais il est inutile d’espérer qu’elles deviennent plus abordables dans les années à venir.

La voiture est un objet de passion pour leurs acquéreurs, car elles demandèrent et demandent des efforts financiers non négligeables.

La voiture électrique : le présent et l’avenir

Le présent et l’avenir se confondent quelque part vu les augmentations précipitées et appliquées aux malus des voitures thermiques. Nous sommes déjà dans le futur… La taxe carbone, qui a pour objectif la diminution des émissions de dioxyde de carbone, s’applique aussi bien aux sites industriels qu’aux automobiles. Les offres des constructeurs peuvent être rapidement et largement réduites et les consommateurs asphyxiés par les malus et les prix des carburants pratiqués. La voiture hybride a toujours été présentée comme le meilleur des deux mondes, mais l’évolution de son tarif n’a jamais engendré une quelconque démocratisation.

Le tarif d’une voiture électrique est moindre qu’il y a 102 ans, mais demeure élevé. Son taux de pénétration sur le marché est soutenu artificiellement par des aides. Et à ce jour, peu de sites ou de revues évoquent sa valeur résiduelle au bout de 7 ans. Par expérience, les batteries d’un onduleur industriel haut de gamme ont une durée de vie de 7 ans. Donc, au bout de 7 ans, la valeur résiduelle d’une voiture électrique est tout simplement nulle. Cette valeur est à rapprocher de l’âge moyen du parc automobile en France communiqué en février 2020, soit 10,6 ans. Donc, il faut acquérir au minimum deux voitures électriques pour couvrir la durée de vie d’une voiture thermique. Des progrès sont sans cesse annoncés notamment en matière de coûts des batteries : ils pourraient voir le jour, sans démocratisation des tarifs, car les investissements à consentir et les frais de Recherche et Développement doivent être amortis. De plus, la mise en place de bornes de recharges, que ce soit dans les immeubles ou au bord de nos routes, semble problématique.

Se déplacer professionnellement ou pour ses loisirs va coûter de plus en plus cher. La solution : prolonger la vie de nos actuelles et de nos anciennes. Pour cela, les réseaux au service de l’automobiliste doivent se faire connaître, où trouver :

  • un sellier de grand talent,
  • un tapissier pour nos ciels de toit,
  • un mécanicien sans qu’il salisse les montants de nos pare-brises,
  • un carrossier qui respecte la mise en peinture originelle de nos baguettes de toit,
  • un imprimeur 3D pour nos pièces légères,
  • un distributeur de pièces refabriquées,
  • un électricien
  • un électronicien,
  • un expert pour nous accompagner lors d’un achat,
  • un assureur pour des voitures d’un grand âge,
  • un vendeur ?

Il ne faut pas oublier que beaucoup de voitures furent ou sont capables de dépasser 500 000 kilomètres… Est ce que ce sera le cas d’une voiture électrique ? La passion, la beauté de la mécanique et le design, seront-ils au rendez-vous ?

Article co-écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’Archives

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