Quelle est la première voiture traction au monde ?

Certaines questions sont dignes d’une enquête. C’est le cas de l’une d’entre elles que nous a posé l’un de nos abonnés : “Quelle est la première voiture traction au monde ?” L’attribution de cette création, qui a ô combien révolutionné le monde de l’automobile, est difficile. Mais à cœur vaillant, nul est impossible ! Alors ABSOLUTELY CARS s’est replongé dans l’histoire automobile pour vous apporter une réponse au niveau de l’importance de la question. Notre machine à remonter le temps nous a amené bien avant la Cord 810/812 de 1935, première voiture américaine à traction avant et avec suspension avant indépendante… bien avant la célèbre Citroën Traction Avant de 1934… bien avant les incroyables Rosengart traction de 1930… bien avant les Adler, réputées pour être les premières tractions allemandes… Mais qui alors a inventé la voiture traction ? Certains diront qu’elle est née à Marseille ou à Paris, d’autres en Autriche… Plus besoin de chercher, nous vous disons tout dans cet article !

Le Fardier à vapeur de Cugnot de 1770, la première automobile de l’histoire

Nous avons décidé de lancer notre enquête au commencement de tout, remontant sous le règne de Louis XV ! Le Fardier à vapeur de Cugnot est considéré comme la première automobile de l’histoire. Ce véhicule était désiré par le duc Étienne-François de Choiseul (1719-1785), secrétaire d’Etat à la Guerre entre 1761 et 1770, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères et lieutenant général des armées du roi entre 1766 et 1770. Il demanda à l’ingénieur militaire Nicolas Joseph Cugnot (1724-1804) de concevoir et fabriquer un tracteur d’artillerie pour déplacer les canons sur les champs de bataille. En 1769, fut assemblé un prototype à échelle réduite. Le modèle réel fut essayé à Vanves en novembre 1770. Sa roue avant, motrice et directionnelle, supportait le poids de la chaudière simple effet. Survint alors le premier accident d’automobile, l’inefficacité de son système de freinage entraînant la destruction d’un mur en briques. La disgrâce du duc de Choiseul engendra la mise au rebut de cette invention qui fut stocké pendant trente ans dans les ateliers de l’arsenal de Paris. En 1800, il fut déplacé au Musée des Arts et Métiers de Paris et il y est exposé depuis 1801. La première automobile était une traction !

Mais se contenter que de cette seule réponse aurait été trop simple, car le Fardier à vapeur de Cugnot est un “tricycle” avec une unique roue motrice. La difficulté pour produire une traction fut l’association des deux roues directionnelles avec une transmission aux roues avant. L’avantage d’une telle solution technique est un gain de poids (absence d’arbre de transmission), une meilleure tenue de route dans les virages et sur route glissante. L’inconvénient majeur est son coût de production directement lié à sa cinématique. Était-il plus vendeur de proposer une automobile puissante ou une voiture plus sûre ?

En matière de transmission, il existe une troisième voie : répartir la puissance d’un moteur sur quatre roues, c’est-à-dire la transmission intégrale. Dans ce cas, les coûts de production devenaient prohibitifs, mais des voitures furent ainsi équipées avant la Première Guerre mondiale !

Nous avons repris alors nos recherches pour répondre à la question de notre abonné : “Quelle est la première voiture traction au monde ?” L’attribution de cette création est difficile. Prenons par exemple le tableau périodique des éléments. La rivalité entre l’Allemagne et la France était telle que les découvertes étaient attribuées de part et d’autre à des inventeurs différents. Ainsi en France, le tableau périodique des éléments de 1869 est attribué au chimiste russe Dmitri Ivanovitch Mendeleïev (1834-1907). Historiquement, ce tableau était d’une importance particulière pour la prédiction d’éléments non encore découverts et de leurs propriétés. En Allemagne, cette création est attribuée à Julius Lothar Meyer (1830-1895).

Concernant la transmission aux roues avant, en France, elle est attribuée en 1897 :

  • pour les voitures électriques, à Louis Antoine Kriéger,
  • pour les automobiles thermiques, à Georges Latil, (1878-1961), ingénieur marseillais.

En Allemagne, elle est attribuée en 1897 :

  • pour les voitures électriques, à Ferdinand Porsche,
  • pour les automobiles thermiques, aux frères autrichiens Gräf.

La rivalité franco-allemande aboutit à la Première Guerre mondiale. Ce conflit puisa son origine dans le double assassinat de Sarajevo, le 28 juin 1914. Les victimes étaient l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche-Este (1896-1914), héritier du trône de l’empire austro-hongrois, et son épouse, Sophie Chotek, duchesse de Hohenberg (1868-1914). Ils se déplaçaient à bord d’une Gräf & Stift 18/32PS

Latil, le premier brevet pour la transmission aux roues avant

Quand on pose la question “Quelle est la première voiture traction au monde ?” à des Marseillais, ils vous diront à coup sûr qu’elle est née dans l’esprit d’un enfant du pays ! Il faut savoir qu’Auguste Joseph Frédéric Georges Latil, dit Georges Latil (1878-1961), ingénieur marseillais, breveta en 1897 la transmission aux roues avant qui demeuraient directionnelles. La production de ces voitures ne permettait pas de dégager des marges. Elle fut écartée au profit des camions, puis des tracteurs d’artillerie et des camions militaires équipés de la transmission intégrale. La société, installée à Levallois-Perret, prit plusieurs dénominations au cours des décennies et exerça ses talents jusqu’en 1993. Sa bonne réputation était issue des commandes régulières de l’armée française. Ainsi, plusieurs gammes furent fabriquées :

  • de 1898 à 1899 : l’automobile Avant-Train Latil type E (traction, direction à crémaillère, changement de vitesses au volant, boîte à vitesses 2 rapports, freins sur les 4 roues),
  • de 1899 à 1901 : l’automobile Avant-Train Latil type TA,
  • de 1902 à 1911 : les camions Avant-Train Latil de 1,5 à 5 tonnes,
  • de 1911 à 1943 : les tracteurs d’artillerie et les camions militaires 4×4,
  • de 1919 à 1921 : le tracteur agricole Tourand-Latil,
  • de 1919 à 1969 : les camionnettes et camions Latil équipés de la transmission aux roues arrière,
  • de 1924 à 1993 : les tracteurs civils 4×4 similaires aux tracteurs d’artillerie,
  • de 1935 à 1942 : le 6×6 Latil M2 TZ,
  • de 1937 à 1938 : le 6×4 Latil V3 U6,
  • de 1938 à 1944 : le tracteur agricole Man-Latil,
  • de 1939 à 1940 : le 6×6 Latil M7 Z1,
  • en 1939 : le 8×8 Latil M4 TX muni de 4 roues directrices,
  • de 1945 à 1948 : le tracteur agricole Map-Latil,
  • de 1967 à 1982 : les tracteurs 4×4 articulés forestiers.

Les voitures Avant-Train Latil étaient équipées de monocylindres De Dion-Bouton ou Aster d’une puissance comprise entre 3,5 et 6 chevaux accouplés à une boîte à vitesses 2 rapports. L’empattement du châssis le plus utilisé était de 1,55m.

La Gräf FWD, l’équivalente autrichienne de l’Avant-Train Latil française

Les frères Franz Gräf, Heinrich Gräf et Karl Gräf étaient propriétaire d’une fabrique de bicyclettes à Vienne et réalisèrent une traction en 1897, une première mondiale ! Elle était équipée d’un monocylindre De Dion-Bouton de 402cm³ délivrant 3,5ch, d’une boîte à vitesses 2 rapports et bien évidemment d’un différentiel. Le brevet de cette merveille fut déposé en 1900, tandis que celui de Georges Latil le fut en 1897. Les frères Gräf s’associèrent avec Wilhelm Stift qui, en 1901, construisit de son côté les bicylindres Celeritas. Ainsi, naquit le constructeur Gräf & Stift qui exerça ses talents jusqu’en 1938.

Louis Kriéger et ses tractions électriques et hybrides

Louis Antoine Kriéger (1868-1951), ingénieur centralien, était un des pionniers de l’automobile électrique. Dès 1894, il transforma des fiacres en automobiles électriques. Après avoir créé son entreprise, il réussit en 1897 à construire sa première voiture : une traction équipée de deux moteurs électriques permettant la fonction « frein moteur », complémentaire aux freins traditionnels arrière. Pesant plus d’une tonne, ses deux accumulateurs garantissaient une autonomie de 60km avec une vitesse de pointe de 24km/h. Les tractions électriques furent fabriquées jusqu’en 1919, à Paris puis à Puteaux. Des tractions hybrides, exploitant un moteur thermique Brasier, furent assemblées entre 1903 et 1906.

Ferdinand Porsche et le constructeur autrichien Lohner-Porsche

Ferdinand Porsche (1875-1951) naquit en Bohème. En 1893, il installa une petite génératrice dans la maison familiale qui devint ainsi toute illuminée. A cette époque, à Maffersdorf, une seule autre construction était éclairée, la manufacture de tapis, et son propriétaire proposa à Anton Porsche un emploi pour son fils dans l’usine Egger, constructeur de moteurs électriques implanté à Vienne. Ce dernier passa cinq ans dans cette entité et, en 1897, fut nommé directeur du service de recherche. Ludwig Lohner, le plus réputé carrossier hippomobile de l’Empire austro-hongrois, décida de motoriser ses carrosses et s’adressa à Egger. Ainsi en 1897, apparut la première Egger-Lohner Elektromobil, une traction munie d’un moteur électrique et de roues arrière directrices. Les essais ne furent pas concluants.

En 1898, Ludwig Lohner embaucha Ferdinand Porsche qui créa sa première automobile en 1899, la Lohner-Porsche Elektromobil munie d’un moteur électrique de 2,5ch placé au centre de chaque roue avant. La voiture démarrait toute seule sans manivelle et avait une autonomie de 65km, sa vitesse maximale étant de 40km/h. Les passages de vitesses nécessitaient une coupure momentanée des moteurs électriques, les freins avant résultaient de la mise en court-circuit desdits moteurs, les roues arrière étant munies de freins à ruban. Le seul inconvénient était la durée de la recharge des batteries. La voiture fut présentée à l’Exposition Universelle de Paris de 1900 où elle se fit remarquer du public, mais les voitures à essence exposées étaient plus performantes. Il poursuivit le développement de la société en exploitant une solution technique originale qui donna la Lohner-Porsche Mixte qualifiée aujourd’hui d’hybride. Deux solutions furent envisagées : la première exploitait deux moteurs électriques, un moteur thermique et des batteries, la seconde utilisait deux moteurs électriques, un moteur thermique sans batteries, une petite servant uniquement à lancer ledit moteur thermique. Le démarreur fut ainsi inventé. En 1905, Lohner-Porsche fut en difficulté financière et Ferdinand Porsche entra en 1906 chez Austro-Daimler à Wiener-Neustadt en tant que concepteur en chef.

Spyker et les voitures hollandaise équipées de la transmission intégrale

A partir de la Spijker 36/50, fut développée la Spyker 60pk ou 60hp. Cette voiture hollandaise fut équipée d’un 6 cylindres de 8686cm³ (120×130) muni de soupapes latérales, accouplé à une transmission intégrale et à une boîte à vitesses 3 rapports. Elle était équipée des freins sur les 4 roues. Sa vitesse maximale était de 75km/h. En 1904, sa puissance fut portée à 80ch pour une vitesse maximale de 100km/h. Elle ne connut pas de succès en compétition et elle fut disponible sur le marché jusqu’en 1905. La transmission intégrale fut proposée en option sur les 4 cylindres Spyker 25/36 (7964cm³) et Spyker 32/40 disponibles entre 1904 et 1905.

Walter Christie et ses tractions de compétition états-uniennes

John Walter Christie (1865-1944), ingénieur et inventeur américain, était connu pour avoir mis au point la suspension Christie utilisée sur de nombreux modèles de chars de la Seconde Guerre mondiale. Entre 1904 et 1909, il fabriqua des tractions équipées d’un moteur transversal ! En 1907, il vint défier les constructeurs européens en participant au Grand Prix de France. Il abandonna sur problème moteur.

Article co-écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’archives

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