Symbole du haut de gamme “made in USA”, marque des Présidents américains… la fabuleuse marque Lincoln est un incontournable de l’histoire automobile outre-atlantique ! Elle a été créée à Détroit en 1917 dans un but purement lucratif, plus que d’habitude. En effet, Henry Martyn Leland (1843-1932), directeur général de Cadillac, voulut produire le moteur d’avions Liberty L-12, approuvé en août 1917 par le ministère de la Guerre qui décida d’en faire réaliser 22 500 exemplaires. Par la suite, des variantes furent également fabriquées ; si le moteur Liberty L-12 était un V12, le Liberty L-6 était un 6 cylindres en ligne et le Liberty L-8 était un V8. William Crapo Durant (1861-1947), président de General Motors, pacifiste convaincu et déterminé, refusa que la filiale Cadillac produisît du matériel militaire. Par la suite, il fut obligé de céder : deux filiales fabriquèrent finalement ce moteur V12, Cadillac et Buick. Il fut remercié en 1920 et fonda en 1921 son groupe qui réalisa également des automobiles. Ainsi commença la grande aventure Lincoln , qui débuta, voici, 100 ans ! Et quelle aventure !

Les débuts de Lincoln

Henry Martyn Leland et son fils Wilfred Chester Leland (1869-1958) quittèrent Cadillac pour fonder Lincoln le 29 août 1917. Forts d’une commande de 6 000 moteurs, ils empruntèrent 10 millions de dollars pour construire une nouvelle usine et embauchèrent 6 000 collaborateurs. En mars 1918, ils livrèrent leur premier moteur, 2 000 au bout de 12 mois. Si la Première Guerre mondiale avait duré six mois de plus, ils auraient remboursé l’intégralité du prêt. Ce fameux moteur V12 fut construit en 13 574 exemplaires par les différentes sociétés au moment de l’armistice, 20 478 exemplaires entre le 4 juillet 1917 et 1919.
En 1920, Henry Martyn Leland et son fils voulurent reconvertir leur usine pour fabriquer des automobiles. Ils empruntèrent 6 millions de dollars ce qui accrut la dette de la société devenue Lincoln MotorCar Company. Le 20 septembre, la Lincoln L serie, L comme « Leland », fut disponible. Elle ressemblait à une Cadillac et de ce fait, était équipée d’un V8, d’une boîte à vitesses 3 rapports, d’un démarreur, de freins sur les roues arrières. En 1921, Warren Gamaliel Harding, le 29ème président des Etats-Unis, acheta une Lincoln. Devant les difficultés financières, la seule solution qui s’offrit à Henry Martyn Leland fut de trouver un repreneur assez solide pour racheter toutes les actions et assez compréhensif pour le laisser continuer à diriger la marque. Le seul homme qui pouvait se le permettre, était son ami Henry Ford (1863-1947) qui refusa d’acheter la société.
De son côté, Henry Ford (1863-1947) construisit dès 1896 des quadricycles mus par un bicylindre central arrière de 1050cm³ développant 4ch, équipé d’une boîte à vitesses 2 rapports, permettant d’atteindre 32km/h, reposant sur un châssis d’un empattement de 1,2m. En 1899, il fonda la Detroit Automobile Company et un utilitaire fut introduit en 1900. En 1901, la firme devint la Henry Ford Company et Henry Ford la quitta en 1902 pour créer une société sous son nom en 1903. Les investisseurs demandèrent alors à Henry Martyn Leland, constructeur de moteurs et de boîtes à vitesses, d’auditer la Henry Ford Company et celui-ci les convainquit de la conserver, de la rebaptiser Cadillac en hommage au fondateur de la ville de Détroit. En 1909, Cadillac fut achetée par General Motors. Henry Ford connut le succès avec le modèle Ford T qui représenta annuellement la moitié des automobiles produites aux Etats-Unis. En juillet 1919, il racheta l’ensemble des parts sociales de la Ford Motor Company pour un montant de près de 106 millions de dollars, qu’il partagea avec les membres de sa famille.
Son fidèle compagnon, Childe Harold Wills (1878-1940) qui travailla à temps partiel au sein de la Detroit Automobile Company, puis de la Henry Ford Company, enfin à temps plein au sein de la Ford Motor Company, qui contribua fortement à la conception de la Ford T, se retrouva fort riche. Il devint à son tour constructeur d’automobiles avec les voitures Wills Sainte Claire. Les frères Dodge, John Francis (1864–1920) et Horace Elgin (1868–1920), en tant que sous-traitants d’Henry Ford et détenteurs de parts sociales, perçurent 25 millions de dollars et investirent dans l’amélioration de leur nouvelle chaîne de production d’automobiles.

Devant l’insistance de son épouse Carla (1866-1950) et de son fils unique Edsel (1893-1943), le 4 février 1922, Henry Ford épongea la dette de Lincoln à hauteur de 8 millions de dollars et nomma son fils vice-président de sa nouvelle acquisition. Le 13 juin 1922, il offrit 635 000 dollars à Henry Martyn Leland et 325 000 dollars à son fils pour qu’Edsel devînt maître de la destinée de Lincoln. En 1924, John Calvin Coolidge, le 30ème président des Etats-Unis, acheta une Lincoln. En 1926, les Lincoln adoptèrent les freins sur les 4 roues. En 1932, fut introduit le moteur V12 qui fut généralisé à l’ensemble de la gamme en 1933. Le 4 novembre 1938, Edsel Ford inséra la marque Mercury entre Ford et Lincoln. En 1939, les freins reçurent une assistance hydraulique et Lincoln devint le fournisseur officiel de la Maison-Blanche. Les Lincoln L serie et Lincoln K serie furent fabriquées respectivement en 65 120 et 15 697 exemplaires.

Les Aventures de Tintin et les Lincoln
Les Lincoln furent peu diffusées en Europe, mais Hergé (1907-1983) nous les fit connaître au travers des Aventures de Tintin, à travers de quelques albums !




La merveille des merveilles, la Lincoln Zephyr
Pour faire face à la crise qui sévit depuis 1929, Edsel Ford voulut une seconde lignée de produits disponibles en berline, coupé, cabriolet, torpédo. A l’instar d’André Citroën qui embaucha le designer Flaminio Bertoni et de Jean-Pierre Peugeot qui fit de même en la personne d’Henri Thomas, il fit appel au designer néerlandais John Tjaarda van Sterkenburg (1897-1962) pour qu’il lui dessinât une ligne fluide tout en l’adaptant à une caisse autoporteuse. Côté motorisation, le moteur V12 se devait d’intégrer un maximum de pièces de la banque d’organes de la maison mère. Le but était de vendre une automobile beaucoup moins chère que la concurrence tout en réalisant des bénéfices. Présentée le 2 novembre 1935, les premières livraisons eurent lieu début 1936.

De février 1942 à octobre 1945, aucune voiture américaine ne fut fabriquée, l’acier devant être utilisé dans l’effort de guerre. Lincoln suspendit sa production le 2 février 1942 pour la reprendre début 1946. A partir du 11 février 1942, la firme se consacra à la production de 145 000 caisses de Jeep, 25 332 moteurs de chars, 24 929 berceaux moteurs pour les bombardiers B-24 Liberator. Le 26 mai 1943, Edsel Ford décéda prématurément d’un cancer de l’estomac. Henry Ford reprit du service et Henry Ford Junior (1917-1987), lieutenant dans la Navy, fut libéré de ses obligations militaires pour œuvrer auprès de son grand-père. Le 21 septembre 1945, à 28 ans, il devint le président de la compagnie. Le 7 avril 1947, son grand-père décéda, il avait 83 ans. Henry Ford Junior fit face à ses obligations et responsabilités jusqu’au 1er octobre 1982.
Les Lincoln V12 furent produites jusqu’en avril 1948. Celles d’après guerre furent équipées du 4787cm³ comme les Lincoln Zephyr produites entre 1940 et 1941, le 4998cm³ de 1942 ayant été écarté pour des problèmes de surchauffe. L’option commande électro-hydraulique de la capote demeura, les commandes électro-hydrauliques des glaces latérales étant dorénavant montées en série. La retouche principale en matière d’esthétisme porta sur la calandre. Tout modèle confondu, Lincoln réalisa quelque 200 000 voitures équipées d’un moteur V12, un succès dû à des hommes qui s’étaient investis.


Les Lincoln des années 1950
Entre avril 1948 et septembre 1960, Lincoln fabriqua quelque 440 000 voitures. La première série adopta la carrosserie ponton, les roues avant indépendantes, un V8 muni de soupapes latérales. Elle pouvait porter comme dénomination complémentaire “Cosmopolitan” ou “Lido”. La nouvelle série introduite en février 1952 adopta un V8 muni de soupapes en tête et la direction assistée, les dénominations employées étant “Cosmopolitan”, “Capri”, “Custom”. La climatisation fut proposée en option à partir de novembre 1954. La 3ème série fut lancée en septembre 1955, les dénominations utilisées étant “Premiere” et “Capri”. L’année-modèle 1957 offrit une esthétique très avenante. La 4ème série fut introduite en novembre 1957. Elle adopta un V8 Ford muni de soupapes en tête. Elle fut seulement proposée en limousine et coupé, le cabriolet étant absent. Elle pouvait porter comme dénomination complémentaire “Premiere” ou “Capri”. En novembre 1958, la climatisation devint un équipement standard.
En parallèle, Lincoln fabriqua, pour sa filiale Continental, des voitures entre octobre 1955 et septembre 1960. La première série dénommée Lincoln Continental Mark II, équipée de la climatisation en série, fut proposée au prix de 9695$, plus de deux fois celui d’un modèle équivalent chez Lincoln ou Cadillac, une folie… Ce coupé fut néanmoins produit en 1 769 exemplaires. Quelques unités furent réalisées en cabriolet. Les Lincoln Continental Mark III, IV, V étaient disponibles en limousine, coupé et cabriolet. Au cours des années, leur esthétisme demeura similaire. La climatisation originellement optionnelle devint standard en novembre 1958. Les tarifs étaient supérieurs de 12% à ceux pratiqués par Lincoln.
En septembre 1960, des deux gammes furent remplacées par une unique voiture, la Lincoln Continental étudiée par la nouvelle filiale de Ford, Thunderbird.





Les Lincoln Continental
La seconde génération de Lincoln Continental fut disponible en berline de 1960 à 1969, en torpédo (cabriolet 4 portes) de 1960 à 1967, en limousine de 1964 à 1969, en coupé de 1965 à 1969. Elle était équipée d’une boîte à vitesses automatique 3 rapports. Elle demeure la plus célèbre des Lincoln. Sa silhouette fut maintes fois vue et revue en images, car ce fut dans un modèle torpédo spécial que fut assassiné à Dallas le 22 novembre 1963, John Fitzgerald Kennedy, 35ème président des Etats-Unis. Cette génération était par la suite surnommée Lincoln Continental JFK. Elle reçut des freins à disques à l’avant en septembre 1964.


La troisième génération de Lincoln Continental fut disponible en limousine et coupé de 1969 à 1979. Ses chances de se vendre en Europe furent réduites à néant :
- puissance de son moteur exprimée en chevaux SAE net à partir de 1971, proche des valeurs qui auraient pu être exprimés en chevaux DIN, mais moindre et dévalorisant par rapport à une puissance exprimée antérieurement en chevaux SAE gross.
- dispositif anti-pollution de plus en plus performant, mais énergivore en matière de puissance disponible.
- 1er choc pétrolier de 1973 et 2ème choc pétrolier de 1979.
Les rendements spécifiques des moteurs étaient ridicules et les consommations en essence importantes. Aujourd’hui, ces défauts avec un usage régulier et modéré, disparaissent aux yeux des collectionneurs et des passionnés qui apprécient son très haut niveau de qualité de finition et de confort.

La quatrième génération de Lincoln Continental fut disponible en limousine et coupé de 1979 à 1980. Elle adopta la boîte à vitesses automatique 4 rapports. La cinquième génération disponible qu’en limousine de 1981 à 1987, adopta les freins à disques arrières en série. La sixième génération disponible qu’en limousine de 1988 à 1994, adopta la traction, le moteur transversal, les 4 roues indépendantes. La septième génération disponible qu’en limousine de 1994 à 2002, reprit la plate-forme de la série précédente, sa silhouette perdant les vitres de custode. Après 14 ans d’absence, la huitième génération disponible qu’en limousine de 2016 à 2020, adopta la boîte automatique 6 rapports, les versions de 305ch et 335ch étant disponible en traction et 4 roues motrices, la version de 400ch uniquement en 4 roues motrices.







Les 3 séries de Lincoln complémentaires

Lincoln voulut donner une descendance à la Lincoln Continental Mark II tout en ignorant les Lincoln Continental Mark III à Lincoln Continental Mark V. En avril 1968, fut lancé le coupé Lincoln Continental Mark III avec sa signature arrière, un bosselage censé enfermer la roue de secours. En septembre 1971, le nouveau coupé Lincoln Continental Mark IV arbora des vitres de custode ovale. En octobre 1976, le coupé Lincoln Continental Mark V fut équipé de grilles latérales contre les ailes avant. En 1979, le coupé Lincoln Continental Mark VI reçut une boîte à vitesses automatique 4 rapports, en remplacement de celle à 3 rapports, et fut accompagné d’une variante 4 portes. En novembre 1983, le coupé Lincoln Mark VII perdit sa variante 4 portes et sa dénomination Continental. De 1992 à 1998, le coupé Lincoln Mark VIII était équipé de 4 roues indépendantes. Le prix était de 20% supérieur à son modèle équivalent de la gamme Continental classique.









En mars 1977, apparut une gamme complémentaire, tout d’abord la limousine Lincoln Versailles disponible jusqu’en 1980, équipée d’une boîte automatique 3 rapports, de 4 freins à disques, d’un bosselage censé enfermer la roue de secours. Son prix était de 20% supérieur à son modèle équivalent de la gamme Continental classique. En octobre 1980, elle fut remplacée par la Lincoln Town Car dite « 1st generation » qui perdit les freins à disques arrières et son bosselage arrière, sa boîte automatique gagnant un rapport supplémentaire. Une variante 2 portes fut disponible jusqu’en septembre 1981. En 1989, elle fut remplacée par la Lincoln Town Car 2nd génération qui fut rééquipée de freins à disques à l’arrière en 1990. De 1995 à 1997, elle fut assemblée par le constructeur chinois Hongqi sous l’appellation Hongqi CA7465 C8. En 1997, elle fut remplacée par la Lincoln Town Car 3rd generation qui reçut des roues arrières indépendantes en 2000. De 1998 à 2006, elle fut assemblée par le constructeur chinois Hongqi sous l’appellation Hongqi CA7460. La dernière série, construite jusqu’en 2011, connut un énorme succès, de nombreuses limousines munies d’un empattement XXL étant réalisées par différents carrossiers. De 1999 à 2006, elle fut complétée par la limousine Lincoln LS dont l’esthétique de sa face avant était proche de celle des Jaguar X-Type et XJ, Jaguar appartenant au groupe Ford de 1989 à 2008. Sa boîte à vitesses automatique avait 5 rapports, la boîte manuelle 5 rapports étant disponible jusqu’en 2002 sur la version V6.







Pendant l’automne 2005, fut lancée une nouvelle gamme de produits, la première de cette série se dénommant Lincoln Zephyr. Les caractéristiques principales étant le moteur transversal, la traction pour les modèles d’accès, les 4 roues indépendantes. En 2014, Lincoln entra officiellement sur le marché chinois. Le 1er juillet 2020, la firme annonça l’arrêt de la production des berlines et des limousines.



L’avenir de Lincoln

L’avenir de Lincoln se dessine au travers des SUV. Le premier SUV, le Lincoln Navigator, fut lancé en 1997. Il fut rapidement rejoint par le pick-up Lincoln Blackwood (2001-2003), le SUV Lincoln Aviator (2002-2005), le pick-up Lincoln Blackwood (2005-08 et 2010-14).
Tous ces véhicules furent munis de moteurs longitudinaux. Les deux SUV reçurent les 4 roues indépendantes en 2002. Le Lincoln Navigator est toujours en production et est encore équipé de moteurs longitudinaux.

A partir de 2006, furent ajoutés des nouveaux SUV et le break Lincoln MKT (2009-2019). Ils furent équipés de moteurs transversaux et de 4 roues indépendantes. Le haut niveau de finition est toujours présent, leurs principaux marchés étant l’Amérique du Nord et la Chine.


Article co-écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’archives
Cet article vous a plu ? Retrouvez un autre article à lire ici : Innocenti, des voitures britanniques fabriquées sous le soleil de Milan