Studebaker (partie 2/2), « Detroit, ton univers impitoyable… »

Après la Seconde Guerre mondiale, la croissance économique soutenue par le plan Marshall et les accords de Bretton Woods pouvait laisser espérer une préservation du nombre de constructeurs. Mais Detroit est Detroit avec ses « Big Three ». Pour les 120 ans de Studebaker, ABSOLUTELY CARS vous invite à redécouvrir les automobiles assemblées après la guerre dans l’usine de South Bend dans l’Indiana, celles réalisées dans l’usine de Hamilton au Canada et les célèbres Avanti.

Les Studebaker produites après la Seconde Guerre mondiale

Si Ford fut le premier à exploiter l’autorisation gouvernementale pour reprendre la production civile le 3 juillet 1945, la firme de South Bend continua à produire les engins amphibies à chenilles Weasel, en prévision du débarquement au Japon. Ainsi, la Studebaker Champion Skyway reprenant les codes stylistiques d’avant guerre, ne fut réalisée qu’à 651 exemplaires en 1945, 19926 l’année suivante. Elle était disponible avec trois carrosseries, berline 2/4 portes et coupé. Son empattement était de 2,79m, sa longueur de 5,02m, sa hauteur de 1,7m.

Tableau n°6 Studebaker

En 1946, le nombre de constructeurs états-uniens s’était considérablement amoindri pour un marché de 140 millions d’habitants ; dans l’ordre d’importance :

  • General Motors avec Chevrolet, Buick, Pontiac, Oldsmobile et Cadillac,
  • le groupe Ford avec Ford, Mercury et Lincoln,
  • le groupe Chrysler avec Plymouth, Dodge, Chrysler et DeSoto,
  • Nash,
  • Hudson,
  • Packard,
  • Studebaker,
  • Crosley.

Cependant, Studebaker avait investi dans la Recherche et Développement pendant la guerre et l’équipe de Raymond Loewy avait œuvré. Pour l’année-modèle 1947, Studebaker présenta trois gammes avec une ligne commune stupéfiante de type ponton et une hauteur de toit de seulement 1,56m :

  • le modèle Champion d’un empattement de 2,84m, en berline 4 portes, en coupé sans glaces de custode, en coupé avec glaces de custode, en coupé avec vitres panoramiques arrière dénommé Starlight, en cabriolet,
  • le modèle Commander d’un empattement de 3,02m, en berline 4 portes, en coupé sans glaces de custode, en coupé avec glaces de custode, en coupé avec vitres panoramiques arrière dénommé Starlight, en cabriolet,
  • le modèle Commander Land Cruiser d’un empattement de 3,12m en berline 4 portes.

Ces voitures permirent à la firme de South Bend de reprendre sa 8ème place en termes de volume de production (7ème place en 1948 et 8ème place en 1950, dernière année où Studebaker finit dans le top huit). Bien entendu, chaque année, ces voitures furent restylisées, leur production s’arrêtant en 1952. L’option overdrive devint rapidement disponible et permettait un gain en vitesse maximale de 5mph (8km/h).

Pour l’année modèle 1950, Robert Bourke qui œuvra chez Loewy & Associates, restylisa les 3 modèles en introduisant une face avant dénommée « bullet nose » ou « nez de balle ». Les suspensions avant, munies de ressorts hélicoïdaux, furent équipées d’une barre stabilisatrice. La climatisation optionnelle, implantée sous la banquette avant, bénéficia d’un contrôle thermostatique ! Les empattements furent portés respectivement à 2,87m, 3,05m et 3,15m pour les gammes Champion, Commander et Commander Land Cruiser. Le résultat ne se fit pas attendre : 343 164 exemplaires assemblés (en incluant les utilitaires) à South Bend (Indiana), Mansfield (Ohio), Hamilton (Canada), Inde, Afrique du Sud, Brésil, Belgique, Danemark, Mexique, Suède, Egypte et Irlande. Ce chiffre n’avait jamais été vu auparavant et ne sera jamais plus atteint. Pour l’année modèle 1951, le 6 cylindres de 2780cm3 muni de soupapes latérales fut conservé sur le modèle Champion, le 6 cylindres de 4025cm3 muni de soupapes latérales fut remplacé par un V8 de 3812cm3 muni de soupapes en tête. La boîte à vitesses automatique 2 rapports devint disponible. Les empattements furent portés à 2,92m pour les gammes Champion et Commander, 3,02m pour le modèle Commander Land Cruiser. Pour l’année modèle 1952, un restyling eut lieu, moins séduisant, les portes suicides arrière étant toujours présentes sur les berlines.

Pour l’année-modèle 1953, Studebaker sortit trois gammes munies d’une carrosserie extrêmement gracieuse due à Robert Bourke :

  • les modèles Champion (6 cylindres) et Commander (V8) : berline 2/4 portes d’un empattement de 2,96m pour une longueur de 5,04m, coupés Starlight et Starliner (ce dernier étant équipé d’un hard-top) d’un empattement de 3,06m pour une longueur de 5,13m,
  • le modèle Land Cruiser : berline 4 portes d’un empattement de 3,06m pour une longueur de 5,15m.

Les berlines avaient une hauteur de 1,54m ; les coupés, de 1,43m. Les récompenses ne se firent pas attendre et la boîte à vitesses automatique 3 rapports devint disponible.

Pour l’année-modèle 1954, les changements furent mineurs, un centimètre de plus en longueur pour les berlines (hormis la Studebaker Land Cruiser) et les coupés. Les nouveaux breaks Studebaker Champion Conestoga et Commander Conestoga arboraient seulement 2 portes latérales et une longueur de 4,97m. Pour l’année-modèle 1955, les changements furent plus importants : nouvelle calandre se confondant avec le pare-choc et redéploiement des gammes :

  • les modèles Champion (6 cylindres) et Commander (V8) : berline 2/4 portes d’un empattement de 2,96m pour une longueur de 5,14m, coupés Starlight et Starliner d’un empattement de 3,06m pour une longueur de 5,19m, break d’un empattement de 2,96m pour une longueur de 5,02m,
  • le modèle President : berline 2/4 portes d’un empattement de 3,06m pour une longueur de 5,24m, coupés Starlight et Starliner d’un empattement de 3,06m pour une longueur de 5,19m,
  • le modèle President Speedster : coupé hard-top d’un empattement de 3,06m pour une longueur de 5,19m.

Pour l’année-modèle 1956, les Studebaker Champion, Commander et President changèrent de carrosseries. L’ancienne gamme poursuivit son chemin uniquement en coupés jusqu’en décembre 1963, en tant que Studebaker Hawk series (empattement de 3,06m et longueur de 5,18m) :

  • année-modèle 1956 : Flight (6 cylindres) en coupé, Power (V8) en coupé, Sky (V8) en hard-top et Golden (V8) en hard-top avec ailerons arrière,
  • année-modèle 1957 et 1958 : Silver (6 cylindres et V8) en coupé, Golden (V8) en hard-top, tous munis d’immenses ailerons,
  • année-modèle 1959 : Silver (6 cylindres et V8) en coupé muni d’immenses ailerons arrière,
  • année-modèle 1960 et 1961 : Hawk (V8) en coupé muni d’immenses ailerons,
  • année-modèle 1962 à 1964 : Gran Turismo Hawk (V8) en coupé sans aileron.

Pour l’année-modèle 1962, la boîte à vitesses manuelle 4 rapports devint disponible, mais uniquement associée aux plus puissantes motorisations.

Entre temps, en octobre 1954, la Studebaker-Packard Corporation fut créée grâce à la fusion entre la Studebaker Corporation de South Bend et la Packard Motor Car Company de Detroit. Connaissant la réelle situation financière de Studebaker, Harold Sines Vance (1889-1959) démissionna immédiatement. La dernière Packard sortit de la chaîne de montage de Detroit le 25 juin 1956. Pour l’année-modèle 1958, les Packard 58L series (berline, station wagon et coupé hard-top) et Hawk (coupé hard-top) reprenaient le code stylistique de la Studebaker Hawk. Elles furent désignées par le public sous le sobriquet de « Packardbaker ». Cette noble marque disparut en 1958. Un effort fut néanmoins réalisé envers les concessionnaires et agents, en leur proposant de vendre des Mercedes-Benz. La firme de Stuttgart voyant une opportunité pour augmenter sa diffusion en Amérique du Nord, un accord entre les parties fut scellé en 1957. En 1964, Daimler-Benz acheta les droits de distribution à Studebaker pour 3,5 millions de dollars et forma Mercedes-Benz North America. Ce tremplin permit à la firme de Stuttgart d’être le constructeur étranger premium le plus important sur ce marché.

Pour l’année-modèle 1956, les gammes classiques Studebaker Champion / Commander / President adoptèrent une carrosserie généreuse et classique, munie d’ailerons. Ces voitures étaient disponibles en 2 et 4 portes. Les boîtes à vitesses disponibles étaient une manuelle 3 rapports (option overdrive possible) et une automatique 3 rapports. Les breaks étaient dénommés Studebaker Pelham / Parkview / Pinehurstr. Pour l’année-modèle 1957, fut ajoutée la Studebaker Scotsman disponible en 2/4 portes et break, similaire à la Studebaker Champion. Le break Studebaker Pelham pouvait être équipé de 2 portières arrière supplémentaires. Le break Studebaker Parkview fut complété par le break Studebaker Provincial muni de 2 portières arrière supplémentaires. Le break Studebaker Pinehurstr fut remplacé par le break Studebaker Broadmoor muni de 2 portières arrière supplémentaires. Enfin, pour l’année-modèle 1958, les 2 portes équipées d’un V8 furent remplacés par des coupés hard-top.

Pour l’année-modèle 1959, un nouveau concept fut introduit, la Studebaker Lark. Originellement, cette voiture équipée d’un 6 cylindres et d’un V8, devait offrir une habitabilité similaire à celle d’une automobile d’une longueur plus imposante, avec 2 banquettes de 3 passagers pour un empattement de 2,76m et une longueur de 4,45m. Les boîtes à vitesses disponibles étaient une manuelle 3 rapports (option overdrive possible) et une automatique 3 rapports. Les carrosseries étaient au nombre de quatre : berline 2/4 portes, coupé hard-top et break d’un empattement de 2,87m pour une longueur de 4,69m. 131 078 exemplaires furent vendus la première année, le seuil de rentabilité se situant à 300 000 unités. Pour l’année-modèle 1960, fut ajouté un cabriolet. Les deux portières arrière supplémentaires pour le break devinrent disponibles. 127 715 exemplaires furent distribués. Pour l’année-modèle 1961, furent ajoutées l’éphémère Studebaker Lark HD uniquement équipée d’un 6 cylindres et la Studebaker Lark Cruiser. Ces deux berlines 4 portes avaient un châssis de 2,87m d’empattement emprunté au break. 66 969 unités trouvèrent acquéreurs. Pour l’année-modèle 1962, les voitures 2 portes et les berlines 4 portes adoptèrent respectivement un châssis d’un empattement de 2,77m et de 2,87m. Le break démuni des deux portières arrière fut retiré du marché. Une nouvelle finition qualifiée de sportive fut lancée, la Studebaker Lark Daytona, disponible en coupé hard-top et en cabriolet. La boîte à vitesses manuelle 4 rapports devint disponible, mais uniquement associée aux plus puissantes motorisations. L’augmentation des longueurs permit d’améliorer l’esthétisme et 93 004 exemplaires furent vendus. Les big three exercèrent une telle pression sur les tarifs que l’usine de South Bend ferma ses portes le 20 décembre 1963.

Le dernier directeur de Studebaker fut Sherwood Harry Egbert (1920–1969). Il voulut rajeunir l’image de la firme de South Bend. Pour cela, il fit appel au styliste Raymond Loewy (1893–1986) qui n’avait plus été sollicité depuis 1956. Ce dernier dessina un magnifique coupé 2+2 muni d’une carrosserie en fibre de verre reposant sur un châssis de Studebaker Lark 2 portes d’un empattement de 2,77m. La Studebaker Avanti avait une longueur de 4,89m et son capot s’ouvrait vers l’avant. Les freins à disques à l’avant étaient présents. Le choix en matière de transmission était constituée par une boîte à vitesses manuelle 3 ou 4 rapports et par une boîte à vitesses automatique 3 rapports. Il fut présenté en juin 1962. Il était équipé d’un V8 OHV de 4737cm3 délivrant 225ch SAE gross à 4500tr/mn. Un compresseur Paxton permettait d’obtenir 275ch SAE gross à 5200tr/mn. Pendant l’été 1962, 29 records furent glanés en 12 heures dans la catégorie « voiture de série américaine ». La vitesse maximale était de 168,24mph, soit plus de 270km/h. Cependant, le test réalisé par la presse spécialisée en octobre 1962 faisait état d’une vitesse maximale de 117mph (188km/h) à 6000tr/mn, avec le V8 de 275 chevaux accouplé à une boîte à vitesses manuelle 4 rapports. Le 0 à 60mph (97km/h) était franchi en 7,3 secondes et le 0 à 100km/h en 7,5 secondes. Les amateurs retinrent ces dernières performances. Pour l’année-modèle 1964 et avant la fermeture de l’usine de South Bend le 20 décembre 1963, le V8 OHV de 4737cm3 vit sa puissance grippée, 240ch SAE gross à 5000tr/mn sans compresseur, 289ch SAE gross à 4800tr/mn avec le compresseur Paxton. Un V8 OHV de 4990cm3 vit également le jour, 280ch SAE gross à 5000tr/mn sans compresseur, 335ch SAE gross à 5350tr/mn avec le compresseur Paxton. Le concept car Studebaker Avanti R5 fut, pour sa part, équipé d’un V8 OHV de 4990cm3 muni de deux compresseurs Paxton.

Studebaker of Canada Limited, une suite éphémère des activités de Studebaker dans le domaine de l’automobile

Studebaker assembla ses voitures sur le territoire canadien pendant des décennies. Cependant, une opportunité se présenta lorsque le gouvernement canadien voulut se séparer de son usine de canons antiaériens implantée à Hamilton dans l’Ontario. La firme de South Bend investit dans ladite usine et la production débuta le 18 août 1948. Fin 1963, le nouvel objectif de l’usine canadienne était de préserver l’emploi en poursuivant la fabrication des Studebaker. La gamme fut simplifiée. Les modèles Gran Turismo Hawk, Avanti et Lark cabriolet importées n’eurent point de descendances. Les éphémères Challenger, Daytona 4 portes et Daytona Wagonaire furent retirées ainsi que les moteurs d’une puissance supérieure à 225 chevaux et la boîte à vitesses manuelle 4 rapports. A partir de 1964, pour l’année-modèle 1965, les moteurs provenaient de McKinnon Industries, une filiale de General Motors implantée à proximité de Saint Catharines. Les freins à disques furent montés à l’avant. L’overdrive, la boîte à vitesses automatique 3 rapports, les vitres teintées, la radio Hi-Fi, la climatisation figuraient sur la liste des options. Le 6 cylindres OHV de 3479cm3 de marque Chevrolet ne fut disponible qu’avec la boîte à vitesses Flightomatic. Hélas, la dernière voiture sortit de l’usine le 16 mars 1966.

Mais le coupé Avanti ne pouvait disparaître…

Suite à la fermeture de l’usine de South Bend, le nom du modèle « Avanti », l’outillage, les droits de production des camions et des pièces détachées, l’usine furent achetés par des concessionnaires locaux, Nathan et Arnold Altman et Leo Newman. Ils créèrent l’Avanti Motor Corporation en 1964 et la production débuta en 1965 en exploitant des motorisations General Motors. L’entreprise fut reprise le 1er octobre 1982 par le promoteur immobilier Stephen H. Blake. Elle fut momentanément détenue, entre 1986 et 1988, par Michael Eugene Kelly (1949–2013), puis par John J. Cafaro jusqu’en 1991. La production fut transférée de South Bend à Youngstown dans l’Etat de l’Ohio en 1988 et l’entreprise fut renommée Avanti Automotive Corporation. L’empattement originel de 2,77m fut toujours conservé. Entre 1984 et 1991, furent également assemblés des cabriolets dénommés « convertible ». Entre 1989 et 1991, 90 berlines 4 portes furent réalisées, l’empattement étant alors de 2,95m. En 26 ans, 3485 voitures furent produite contre 4643 entre juin 1962 et décembre 1963.

Michael Eugene Kelly racheta l’entreprise en 1999 pour produire une nouvelle Avanti en versions cabriolet dit « convertible » muni d’une capote en toile électrique et coupé T-top 3 portes, tout en conservant les codes stylistiques de ses devancières. L’empattement retenu était de 2,57m. Concernant, le freinage, l’ABS était présent, mais la documentation communiquée à la presse ne faisait pas mention de freins à disques à l’arrière. La production débuta à Villa Rica dans l’Etat de Géorgie en 2000 avant d’être transférée à Cancún au Mexique début 2006. Le dernier exemplaire vit le jour en mars 2006. L’originalité résida dans le fait que leurs capots s’ouvraient vers l’avant en emportant les phares, comme celui d’une Renault Dauphine. Aujourd’hui, le bruit court qu’Anthony Gordon Bennett, président et directeur d’Avanti Motors, pourrait relancer la marque avec des motorisations électriques…

Article co-écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’Archives

https://absolutelycars.fr/culture-automobile/studebaker-partie-1-2/


Laisser un commentaire