Amilcar, des automobiles légères comme le vent

Le constructeur français Amilcar est sans aucun doute l’une des marques préférées des collectionneurs et des passionnés. Célèbre pour des fameux cyclecars et ses voitures de sport légères, Amilcar connut un magnifique succès commercial… mais, hélas, le temps ne lui permit pas de perdurer… Heureusement pour nous, les survivantes sont nombreuses et disséminées dans toute l’Europe. Les données techniques de ces modèles demeurent néanmoins peu disponibles. Pour le centenaire d’Amilcar, ABSOLUTELY CARS vous les a rassemblées afin de vous faire redécouvrir ces merveilleuses automobiles.

La genèse d’Amilcar

La marque française Amilcar naquit presque par hasard. Tout commença quand la société Le Zèbre, implantée à Suresnes, puis à Puteaux, fut fondée en 1909 par Jules Salomon (1873-1963) et Jacques Bizet (1872-1922), le fils du compositeur Georges Bizet. Elle connut un immense succès commercial dès sa création. Émile Akar (1876-1940) s’y intéressa en tant qu’actionnaire, Joseph Lamy (1881-1947) en tant que directeur commercial et actionnaire. Le 14 juillet 1917, Jules Salomon fut embauché par André Citroën. Il travailla par la suite, de 1926 à 1928, chez Peugeot et, de 1928 à 1939, chez Rosengart. Chez Citroën, il fit la connaissance d’un homme talentueux : Edmond Moyet. Ce dernier avait conçu à titre personnel un cyclecar et était à la recherche d’investisseurs. Jules Salomon le présenta à André Morel, pilote et responsable des ventes chez Le Zèbre, qui le présenta son tour à Émile Akar et Joseph Lamy. Très intéressés, ces derniers retirent leurs capitaux de Le Zèbre et les investirent dans une nouvelle société qui allait prendre comme nom Amilcar. La nouvelle société s’installa à Paris, rue du Chemin Vert. Joseph Lamy était le directeur général, Émile Akar, le directeur des ventes et Edmond Moyet, le chef du bureau d’études.

La loi de finances du 30 juillet 1920 définissait une nouvelle réglementation ayant trait à une réduction de la taxe annuelle pour les cyclecars. Ces véhicules légers devaient être munis de 3 ou 4 roues, d’un maximum de 2 places, d’une cylindrée inférieures à 1100cm³ et ne devaient pas excéder un poids de 350kg. Les statuts de « La Société Nouvelle pour l’Automobile Amilcar » furent déposés le 29 septembre 1921 et la production débuta en octobre de la même année. Leur premier modèle fut le cyclecar Amilcar CC équipé d’un 4 cylindres de 903cm³ muni de soupapes latérales développant 17ch à 2300tr/mn, d’une boîte à vitesses 3 rapports, d’amortisseurs avant et arrière à friction et de suspensions constituées par 4 demi-cantilevers. Pour gagner en légèreté, le différentiel était absent. Sa vitesse était de 60km/h à 2000tr/mn. André Morel remporta très rapidement une victoire, le kilomètre lancé dans sa catégorie à Lyon, le 23 octobre 1921 à plus de 90km/h. Une formidable épopée débutait avec des constructeurs qui devinrent prestigieux à l’instar de Rally, BNC, Darmont, Salmson, BUC… L’Amilcar CC fut retirée du marché en 1925, lorsque la loi fut abrogée. Sa production est estimée à 1185 exemplaires.

Deux cyclecars vinrent compléter le modèle initial : l’Amilcar CV et l’Amilcar CS. Au regard de leurs poids, ils furent considérés comme des voiturettes. En effet, leurs moteurs étaient plus généreux, respectivement 970cm³ (18ch à 2500tr/mn) et 1004cm³ (24ch à 3000tr/mn) et ils pouvaient être équipés de démarreurs électriques. Ils furent assemblés à 100 exemplaires. Aux 24 Heures du Mans de 1923, la voiturette Amilcar CS finit 18ème toute catégorie confondue et l’année suivante, 14ème.

Les voiturettes et voitures Amilcar

Dès 1922, Amilcar ajouta une nouvelle gamme : celle de voiturettes. Le modèle Amilcar C4 fut produit pendant 7 ans à 4 950 exemplaires. Forte d’une cylindrée de 1004cm³ et d’une puissance de 22ch à 2800tr/mn, elle reçut un différentiel en 1925 et des freins avant en 1928. Elle fut remplacée tardivement par le trio Amilcar C / C3 / C5 produites à 3000 exemplaires entre 1932 et 1934.

Dès 1924, Amilcar entama sa montée en gamme avec l’Amilcar G produite à 1600 unités entre 1924 et 1927, l’Amilcar L produite à 800 exemplaires entre 1927 et 1928 et le quatuor Amilcar M / M2 / M3 / M4, produit à 5350 unités entre 1928 et 1934. Outre des dimensions plus généreuses, elles offraient une boîte à vitesses 4 rapports, les modèles de moindre cylindrée étant équipés d’une boîte à vitesses 3 rapports. Au milieu des années 1920, la demande était telle que la production fut déplacée à Saint-Denis dans les anciennes installations des Ateliers des Forges et Chaudières de la Fournaise.

Les Amilcar de sport et de compétition

En 1923, apparut l’Amilcar CGS. Son 4 cylindres avait une cylindrée de 1074cm³ et développait 30ch à 3700tr/mn. Elle était équipée de freins sur les 4 roues et d’une boîte à vitesses 3 rapports. Les pilotes amateurs s’empressèrent de monter un compresseur Cozette. Elle fut réalisée à 3000 exemplaires. En 1924, les Amilcar CS et Amilcar CGS remportèrent 102 victoires dans leur catégorie.

En 1926, cette voiture de sport fut remplacée par l’Amilcar CGSS, le dernier « S » signifiant « surbaissée ». Son 4 cylindres avait une cylindrée de 1074cm³ et développait 33ch à 3800tr/mn. En 1928, elle reçut un différentiel. Fin 1928, elle fut munie d’une boîte à vitesses 4 rapports. A partir de février 1929, elle pouvait être équipée d’un 4 cylindres de 1244cm³ développant 37ch à 3800tr/mn. Elle fut assemblée à 1700 exemplaires entre 1926 et 1929. Une d’entre elles gagna le Rallye Monte-Carlo en 1927. Elle était équipée d’un compresseur Cozette.

De 1925 à 1927, fut fabriquée la voiture de course Amilcar CO, dénommée Amilcar MCO en 1928. Son moteur était un 6 cylindres équipé d’un double arbre à cames en tête muni d’un compresseur Roots. Sa cylindrée était comprise entre 1094 et 1271cm³. Sa boîte à vitesses avait 4 rapports. Entre 1926 et 1930, la version route fut assemblée à 85 exemplaires. La puissance de son 6 cylindres était ramenée à 62ch à 5500tr/mn. Le programme course fut fort onéreux et dégrada la situation financière de la société. Émile Akar et Joseph Lamy la quittèrent et furent remplacés par Marcel Sée.

Les voitures de classe supérieure Amilcar

Dès 1923, Amilcar ajouta une nouvelle gamme : les voitures équipées d’un châssis imposant, de freins sur les 4 roues et d’une boîte à vitesses 4 rapports. Le premier modèle est l’Amilcar E, équipée d’un 4 cylindres de 1487/1579cm³ muni de soupapes latérales (empattement de 2,97m) et réalisée jusqu’en 1925 à 500 unités. L’Amilcar J prit la suite. Elle était équipée d’un 4 cylindres de 1875cm³ (empattement de 3m) et fut assemblée entre 1925 et 1928 à 420 exemplaires.

En 1928, en exploitant le châssis de l’Amilcar J, furent proposés les Amilcar C8 et Amilcar CS8, équipées d’un 8 cylindres en ligne d’une cylindrée comprise entre 1811 et 2326cm³, muni d’un arbre à cames en tête. Elles furent assemblées à 350 exemplaires jusqu’en 1933.

Début 1934, l’entreprise passa sous le contrôle de la Société financière pour l’automobile (SOFIA) de Marcel Sée et André Bries. Durant l’été, l’usine de Saint-Denis, trop grande au regard des chiffres de production, fut abandonnée au profit de nouveaux locaux implantés rue de Bellevue à Boulogne-Billancourt. La décision fut prise d’exploiter le châssis de la Delahaye 134N avec un empattement réduit à 2,8m. Cette démarche permettait d’obtenir des roues avant indépendantes. Au Salon de l’automobile de Paris, fut présentée l’Amilcar Pegase équipée d’un 4 cylindres de 2011cm³ (80×100) muni de soupapes en tête développant deux puissances, 50ch et 56ch.

La production de la nouvelle venue débuta au printemps 1935. En plus du châssis, elle reprenait le 4 cylindres OHV de 2151cm³ (80×107) de la DELAHAYE 134N. Il développait deux puissances : 58ch à 4000tr/mn (un carburateur) et 65ch à 4200tr/mn (deux carburateurs). Néanmoins, le moteur initial fut également monté dans cette voiture, avec un alésage plus généreux donnant 2488cm³ (89×100), développant 75ch à 4200tr/mn. L’assistance hydraulique des freins était proposée en option. La version Amilcar Racer Grand Sport, dessinée par Geo Ham (de son vrai nom Georges Hamel), avec sa carrosserie réalisée par Figoni&Falaschi, était réputée pour être l’automobile la plus chère du Salon de l’automobile de Paris de 1935. Elle était équipée d’un simple moteur 4 cylindres ! L’idée consistait à vendre une automobile à un prix très élevé tout en proposant une liste d’options en matière de personnalisation, en exploitant un style et des matériaux de bon goût, en pratiquant une différenciation sociale, concept repris de nos jours par les constructeurs premium pour les voitures électriques. Une Amilcar Pegase spéciale fut préparée pour être conduite aux 24 Heures du Mans de 1938 par Fernande Roux et sa coéquipière Germaine Rouault. L’équipe féminine abandonna après avoir parcouru 101 tours sur problème moteur. L’Amilcar Pegase fut assemblée jusqu’en 1937 à 350 exemplaires.

La traction d’Amilcar

En 1937, Hotchkiss acquit une participation majoritaire chez SOFIA et son directeur général, Henry Mann Ainsworth (1884–1971), contacta Jean Albert Grégoire (1899-1992). Ce dernier, docteur en droit et ingénieur polytechnicien, bénéficiait une aura considérable dans le monde de l’automobile. Il était l’ami de Pierre Fenaille (1888-1937). En janvier 1925, ils participèrent au Rallye Monte-Carlo. La même année, ils créèrent la Société des Garages des Chantiers, dans le quartier des Chantiers à Versailles. Le but de ladite société était de promouvoir la traction et les joints homocinétiques associés dont le brevet fut déposé le 8 décembre 1926. Les voitures furent vendues sous le nom commercial Tracta jusqu’en 1934.

Entre-temps, ce depuis 1931, les firmes allemandes DKW, Stoewer et Adler exploitèrent les joints homocinétiques sur leurs tractions. Elles ne s’acquittèrent d’aucun droit de propriété intellectuelle. Suite à une longue procédure juridique, quelques royalties furent versées. L’armée allemande demanda aux constructeurs d’utiliser ces fameux joints sans verser de sommes compensatrices. A la veille de la guerre, Jean Albert Grégoire et Pierre Fenaille offrirent le brevet au gouvernement français.

En 1932 pour Donnet, Jean Albert Grégoire conçut deux tractions : l’une munie d’un bicylindre deux temps affichant une puissance fiscale de 4cv, l’autre équipée d’un 6 cylindres affichant une puissance fiscale de 11cv. Deux projets restés sans suite…. En 1933, il étudia, pour Chenard & Walcker, la traction Super Aigle 4 dénommée Super Aigle 24 de 1935 à 1936. Pour Henry Mann Ainsworth, il conçut une traction qui exploitait des solutions innovantes :

  • traction associée à une boîte à vitesses 4 rapports,
  • direction à pignon et crémaillère,
  • suspensions à 4 roues indépendantes (double ressorts à lames transversaux à l’avant, double barres de torsion à l’arrière),
  • châssis en aluminium coulé, solution breveté par ses soins et exploitée par la firme allemande Adler pour sa Adler Trumpf Junior.

Le prototype de l’Amilcar Compound fut présenté au Salon de l’automobile de Paris de 1937. Sa production débuta en avril 1938. Son moteur était d’origine britannique : un 4 cylindres Hillman de 1185cm³ muni de soupapes latérales. Son prix était supérieur à celui d’une Citroën Traction Avant de 50%. En juillet 1939, un moteur complémentaire apparut. Amilcar avait augmenté son alésage pour obtenir une cylindrée de 1340cm³ et modifié sa distribution pour y implanter des soupapes en tête. En 1940, l’unique moteur proposé, le 1185cm³, fut accouplé à une boîte à vitesses 3 rapports. Hors de France, cette voiture fut vendue sous les dénominations Hotchkiss Compound ou Hotchkiss Ten. Entre octobre 1940 et 1942, cette automobile fut assemblée en fourgonnette et ambulance. Sa production totale représenta quelque 824 unités. Amilcar disparut après avoir réalisé plus de 24 000 véhicules.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, après l’intégration de l’usine de Nanterre au groupe GFA (Générale française automobile), Jean Albert Grégoire devint le directeur technique de Simca. Il fit réaliser plusieurs prototypes dont l’un fut transformé en Panhard Dyna X. En parallèle, il étudia un cabriolet électrique qui fut vendu entre 1942 et 1944 sous la marque CGE-Tudor, CGE pour Compagnie Générale d’Electricité, Tudor étant le fabricant des batteries. Entre 1951 et 1954, Hotchkiss réalisa la magnifique traction Grégoire. Entre 1956 et 1958, furent assemblés les coupés et cabriolets Grégoire Sport. Ainsi, Jean Albert Grégoire laissa une jolie emprunte dans le monde de l’automobile.

Les Amilcar fabriquées hors de France

L’Automobilfabrik Zella-Mehlis GmbH fut fondée en 1924 à Zella-Mehlis par Heinrich Ehrhardt (1840-1928). Elle fut dirigée par son fils, Gustav Ehrhardt, qui exploita la marque commerciale Pluto, entre 1924 et 1927. Deux Amilcar furent assemblées sous licences. La première était l’Amilcar C4 dénommée Pluto 4/20PS. La seconde était l’Amilcar CGS dénommée Pluto 5/30PS. Une variante, munie d’un compresseur, s‘appelait Pluto 5/30/65PS.

La Grofri-Werke AG fut fondée par Robert Gross et Leopold Friedmann, implantée à Atzgersdorf près de Vienne en Autriche, exerçant son activité dans le domaine de l’automobile entre 1921 et 1931. Elle fabriqua sous licences des 4 cylindres Amilcar entre 1924 et 1928. Les plus sportives furent équipées également d’un compresseur. Des 4 cylindres Amilcar furent assemblées en Italie. Elles étaient désignées sous les termes Amilcar Italiana. A partir de 1925, elles furent construites à Rome par la Compagnia Generale Automobili (CGA). En 1927, la licence fut transférée à la Società Industriale Lombardo Veneta Automobili (SILVA) et les automobiles furent produites à Vérone jusqu’en 1929. Pour assurer la promotion de ces voitures, une Amilcar CGS française remporta la Targa Florio de 1924 dans sa catégorie.

Article co-écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’archives

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