BNC : le 20 janvier 1923, le centenaire de cette marque française fut fêté !

Aussi curieux que cela puisse paraître, la création de la marque BNC (pour Bollack, Netter et Compagnie) demanda trois ans de réflexion. Il était et il est toujours plus facile d’avoir des idées que de les mettre en œuvre sur le plan industriel et commercial. Tout débuta avec la marque JMK implantée au 98 avenue de Lutèce à La Garenne-Colombes, son fondateur étant Jacques Muller.

Les cyclecars JMK et EXAU

Le cyclecar JMK fit son apparition sur le marché au début de l’année 1920. La première motorisation envisagée était un V2 muni de soupapes latérales de marque Train refroidi par eau d’une cylindrée de 995cm³. D’une puissance de 10ch à 2300tr/mn, ce moteur était accouplé à une boîte à vitesses 2 rapports. La vitesse maximale atteinte était de 65km/h. Son châssis avait un empattement de 2,3m.

En 1922, la production en série fut enfin envisagée. Un moteur complémentaire était disponible, un 4 cylindres en ligne muni de soupapes latérales de marque SCAP refroidi par eau d’une cylindrée de 893cm³. D’une puissance de 10ch à 2600tr/mn, ce moteur était accouplé à une boîte à vitesses 3 rapports. La vitesse maximale atteinte était de 70km/h. L’empattement de son châssis conservait la même dimension. Un certain Monsieur Kolbac s’intéressa à cette dernière version et la fabriqua au 16 rue Vézelay à Paris entre 1922 et 1924. Il distribua ce cyclecar sous la marque commerciale EXAU.

Lucien Bollack s’intéressa également à cette dernière version. Avec le soutien financier de René Netter, BNC fut créée le 20 janvier 1923, rue des Frères Herbert à Levallois-Perret. Jacques Muller devint alors le directeur technique de la toute jeune marque.

BNC : des cyclecars aux voitures de sport

Le cyclecar BNC DZ était équipé de ressorts semi-cantilevers pour ses suspensions avant et arrière. Le cyclecar BNC FZ était muni de ressorts semi-elliptiques à l’avant et de ressorts semi-cantilevers obliques à l’arrière. Une variante dénommée BNC GZ fut ajoutée et reprenait le châssis du modèle FZ avec un empattement porté à 2,5m. La gamme qui comprenait également une camionnette, reçut pour ses versions sportives, un 4 cylindres Ruby muni de soupapes en tête. Ces voitures de sport s’appelèrent BNC FBS et GBS. La camionnette fut dénommée BNC HX entre 1924 et 1926. Elle fut également proposée avec une carrosserie de type fourgonnette et en tant que taxi léger. Entre 1924 et 1927, une nouvelle gamme fut disponible, équipée d’un 4 cylindres de 1094cm³ de marque Chapuis Dornier muni de soupapes en tête. Enfin, la barre des 100km/h était atteinte. Les freins à tambours avant devinrent disponibles à partir de 1925.

Avant son départ de la société, Jacques Muller étudia les nouvelles automobiles présentées en 1926, les sportives devenant disponibles avec un compresseur Cozette et adoptant la calandre inclinée, les classiques recevant toujours une calandre verticale. L’absence de différentiel n’encouragea malheureusement pas les ventes. Bien entendu, les BNC se distinguèrent dans de nombreuses courses en se hissant sur le podium. En 1925, elles gagnèrent le Grand Prix de Picardie, le Grand Prix de Comminges, la Course de côte du Col de Peyresourde. Aux 24 Heures du Mans 1928, l’unique BNC engagée finit 7ème toute catégorie confondue.

Mais la plus belle des victoires fut celle remportée en 1927 au Bol d’Or par l’énigmatique Violette Morris (1893-1944). Après une adolescence passée au couvent de l’Assomption de Huy, cette dame devint ambulancière sur le front lors de la Bataille de la Somme, puis estafette sur le front de Verdun. Ensuite, elle se consacra au sport. Spécialiste du lancer de poids, de javelots et de disques, licenciée Femina Sports de 1917 à 1919, puis à l’Olympique de Paris de 1920 à 1926, elle joua au football (sélectionnée en Equipe de France féminine), au water-polo (sélectionnée en équipe de France mixte en 1925 et 1926), devint boxeuse occasionnelle pour affronter ses homologues masculins. Elle s’adonna en tant qu’amatrice, à l’équitation, au tennis, au tir à l’arc, au plongeon de haut vol, à l’haltérophilie et à la lutte gréco-romaine. Elle gagna de nombreuses victoires en courses automobiles en exploitant des cyclecars Benjamin. En 1927, elle remporta le Bol d’Or avec une BNC. L’année suivante, elle subit une double mastectomie pour pouvoir conduire aisément ses voitures de course et elle dirigea un magasin d’accessoires automobiles parisien, Porte de Champerret. Peu avant les Jeux olympiques d’été 1928, les premiers où étaient programmées des épreuves féminines en athlétisme, grande favorite dans plusieurs épreuves, son renouvellement de licence fut refusé par la Fédération française sportive féminine car elle n’était pas un bon exemple pour les jeunes filles. Lors du procès de février 1930, Yvonne Netter, avocate de ladite fédération, évoqua l’ordonnance de la Préfecture de Police de Paris du 16 brumaire an IX (7 novembre 1800) qui interdisait aux femmes de porter le pantalon, ordonnance annulée seulement en mars 2013 ! Le tribunal condamna Violette Morris à payer 10000 francs de dommages et intérêts à la Fédération. En 1934, elle rapporta le Rallye des Dolomites également avec une BNC. Le 26 avril 1944, au volant de sa voiture, elle fut abattue par des maquisards du groupe normand Surcouf avec trois adultes et deux adolescents. En 2011, l’historienne Marie-Josèphe Bonnet, mit en doute toutes les accusations de collaboration avec les Allemands car, même s’il existe des témoignages sur ses fréquentations assidues des milieux collaborationnistes, il n’y a pas de preuves ayant trait à des activités d’espionnage, de dénonciation et de torture…

Lucien Bollack quitta la société en 1928. Il devint importateur des moteurs américains Lycoming du groupe CORD. Au salon de l’automobile de Paris de 1929, il présenta une voiture constituée par les meilleurs équipements mécaniques d’outre-Atlantique. La crise de 1929 ruina tout espoir de développement commercial.

Les BNC de Charles de Ricou

En 1928, Charles de Ricou prit la direction de BNC, puis de Lombard et enfin de Rolland-Pilain. Les BNC 527 et 527C (munie d’un compresseur) de 1,1 litre de cylindrée, lancées en 1926, furent réalisées jusqu’en 1930. En 1929, fut assemblée une éphémère BNC Meadows équipée d’un 4 cylindres OHV de 1,5 litre sans compresseur de marque Meadows. Avec sa calandre verticale, elle ne connut pas de réussite en compétition (abandon au 8ème tour aux 24 Heures du Mans 1929), ni de succès commercial. La LOMBARD AL3 devint BNC AL3 pour perpétuer l’image de marque de la société. Entre 1929 et 1931, furent réalisées deux voitures exceptionnelles : la BNC Vedette AER et la BNC Aigle.

La BNC Vedette AER était un véritable concentré technologique : 6 cylindres de 1991cm³ Rolland-Pilain muni d’un arbre à cames en tête, modifié pour être équipé de 18 soupapes (3 par cylindre), boîte à vitesses 4 rapports accolée au pont et différentiel, 4 roues indépendantes, suspension pneumatique sous licence Messier en option, 4 freins à tambours assistés hydrauliquement sous licence Lockheed, 2,75m d’empattement.

La BNC Aigle présentait aussi des caractéristiques exceptionnelles : 8 cylindres SV de 4043cm³ (moteur américain de marque Continental ou Lycoming selon les sources, de cotes communes 2 pouces 7/8 x 4 pouces 3/4) ou de 4894cm³ Lycoming (3 pouces 1/4 x 4 pouces 1/2), boîte à vitesses 4 rapports et différentiel, châssis Delaunay-Belleville modifié pour obtenir 4 roues indépendantes, suspension pneumatique sous licence Messier en option, 4 freins à tambours et servofrein mécanique, 3,64m d’empattement.

Ces deux voitures étaient extrêmement onéreuses. Sur 2545 automobiles assemblées par BNC, elles ne représentèrent qu’un volume de vente d’environ 40 exemplaires. Ruiné, Charles de Ricou stoppa la production en 1931 et se recentra sur la maintenance des véhicules vendus. Par la suite, André Sirejols, concessionnaire de la marque depuis le début des années 30, se porta acquéreur du stock de pièces restantes. Son garage, situé rue Anatole France à Levallois-Perret, assura la maintenance des voitures BNC jusqu’au milieu des années cinquante, quitte à monter des 4 cylindres d’origine Ford.

Article co-écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’Archives


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