Buc & Bucciali, cette marque française qui fabriqua des voitures inimaginables

Certaines marques automobiles restent à tout jamais dans la mémoire des passionnés. Audacieuse, démesurée et étonnante, Bucciali est l’une d’entre elles. Née de la passion de deux frères amoureux de la vitesse, les super sportives de ce constructeur français étaient connues pour leur incroyable beauté, mais aussi pour leur avant-gardisme. En effet, sous leur capot avant sans fin, se cachait un moteur avec une transmission de type traction ! Aujourd’hui, ces grandes merveilles sont rarissimes, mais font toujours rêver les collectionneurs du monde entier. A l’occasion du centenaire de Buc & Bucciali, ABSOLUTELY CARS revient sur l’histoire de cette marque française qui fabriqua des voitures inimaginables !

Paul-Albert Bucciali et Angelo Bucciali : le début d’une aventure automobile

Il était une fois deux frères : Paul-Albert Bucciali (1889-1981) et Angelo Bucciali (1887-1946). Leur nom était d’origine italienne, mais ils naquirent à Arras, dans cette magnifique ville du département du Pas-de-Calais. Ils étaient passionnés par la compétition et les solutions techniques innovantes. Paul-Albert Bucciali construisit son propre avion avant la Première Guerre mondiale et obtint sa licence de pilote. Pendant le conflit, il était pilote dans la 26ème escadrille tandis que Georges Guynemer (1894-1917) était dans la 3ème escadrille. Les escadrons avaient comme symbole des cigognes, en référence à l’objectif assigné : libérer l’Alsace-Lorraine de l’occupation. La position des ailes affinait la désignation de l’escadron : ailes baissées pour la 3ème escadrille, ailes déployées, ailes en l’air, ailes en flèche… En 1922, Paul-Albert Bucciali conçut pour son frère une voiture de course exploitant un châssis Bigan équipé de freins sur les 4 roues, dotée d’un moteur Ballot type 4J de trois litres de cylindrée muni de soupapes inclinées. Ils ne connurent pas le succès escompté. Ils ouvrirent alors un atelier à Courbevoie, au 8 de l’avenue Gambetta, pour fabriquer des automobiles. Une nouvelle aventure humaine débutait.

Les Buc, le premier chapitre

La loi de finances du 30 juillet 1920 définissait une nouvelle réglementation ayant trait à une réduction de la taxe annuelle pour les cyclecars. Ces véhicules légers devaient être munis de 3 ou 4 roues, d’un maximum de 2 places, d’une cylindrée inférieure à 1100cm3 et ne devaient pas excéder un poids de 350kg. Les frères Bucciali pensèrent que cette loi était trop contraignante. Pour la motorisation, ils firent appel à Marcel Violet (1886-1973), le pape français du moteur deux temps. Ce dernier réalisa un bicylindre deux temps de 1340cm3, assez performant pour s’adjuger la 3ème place au Grand Prix des Voiturettes au meeting de Boulogne. Fin 1922, cette automobile fut vendue sous la dénomination Buc AB 1, « Buc » étant le surnom de Paul-Albert Bucciali dans l’armée. En 1923, Marcel Violet développa un V4 deux temps muni d’un compresseur d’une cylindrée de 1496cm3. Ce moteur fut terminé à temps pour le Grand Prix des Voiturettes à Boulogne et fut monté sur un nouveau châssis court doté de freins sur les quatre roues. Lors des essais, cette nouvelle motorisation se révéla peu efficace et le bicylindre fut alors monté. Cette décision s’avéra gratifiante puisque la voiture remporta l’épreuve dans la catégorie des moins de 500kg. Elle participa par la suite à de nombreuses épreuves et s’octroya plusieurs podiums.

En 1925, une nouvelle gamme fut lancée, les Buc AB 5-4 et Buc Quatre « Spéciale ». La première utilisait un moteur SCAP (Société de Construction Automobile Parisienne) : un 4 cylindres en ligne de 1616cm3 (70×105) accouplé à une boîte à vitesses 4 rapports. Le motoriste SCAP fut en activité de 1912 à 1929. Le 1616cm3 était disponible en deux variantes : le VD16 muni de soupapes latérales (35ch à 3300tr/mn) et le WD16 équipé de soupapes en tête (38ch à 3300tr/mn). Dans les catalogues Buc, le type de distribution n’était pas indiqué. Cette nouvelle voiture avait un empattement de 2,85m et les freins sur les 4 roues étaient bien présents. Sa vitesse maximale était de 100km/h. Cette automobile connut un succès relativement important pour la marque Buc. Elle fut assemblée à 120 exemplaires. La seconde exploitait un moteur CIME (Compagnie Industrielle des Moteurs à Explosion) : un 4 cylindres muni d’un arbre à cames en tête de 1481cm3 (67×105). Un compresseur Cozette était disponible en option. Son empattement était de 2,48m et sa vitesse maximale était de 150km/h.

La Buc Quatre « Spéciale » ne connut aucun succès en course, son poids s’avérant trop élevé. Les frères firent alors appel à l’ingénieur Némorin Causan (1881-1937). Le nouveau modèle de compétition, dénommé Buc AB 6, était équipé d’un 6 cylindres de 1496cm3 muni d’un arbre à cames en tête et d’un vilebrequin 7 paliers. Le compresseur Cozette fut remplacé par deux carburateurs Solex. Sa puissance de 55ch à 4300tr/mn permettait une vitesse maximale de 170km/h. Le châssis surbaissé et profilé avait un empattement de 2,4m. Malheureusement, le succès dans les compétitions ne fut pas au rendez-vous. L’entreprise Buc fabriqua moins de 200 exemplaires, toutes gammes confondues.

Les Bucciali, une suite audacieuse

La Buc AB 6 présentait sur ses côtés des inscriptions Buc, mais sur sa calandre, un sigle était présent, portant le nom de Bucciali. Il était annonciateur du changement de dénomination. Lors du Salon de l’automobile de Paris d’octobre 1926, fut présenté un châssis dénommé Bucciali TAV (TAV pour Traction AVant), muni d’une boîte à vitesses 4 rapports et de 4 roues indépendantes. Il pourrait être équipé de deux moteurs SCAP muni de soupapes en tête : un 4 cylindres de 1710cm3 (72×105) développant 41ch à 3300tr/mn et un 8 cylindres de 2344cm3 développant de 51ch à 3500tr/mn à 64ch à 4000tr/mn. Lors du Salon de l’automobile de Paris d’octobre 1927, la marque Buc devint Bucciali tandis que le prototype se concrétisa en Bucciali TAV type 2. Cette voiture était proposée finalement qu’avec une seule motorisation : le 4 cylindres SCAP de 1710cm³. Son empattement était de 3,3m.

Lors du Salon de l’automobile de Paris 1928, fut présenté un nouveau modèle dénommé Bucciali TAV type 3 ou Bucciali TAV6 (6 pour 6 cylindres) ou Bucciali TAV15 (15 pour 15 chevaux fiscaux). Le 6 cylindres Continental avait une cylindrée comprise entre 2,6 et 2,786 litres pour entrer dans la catégorie 15cv. Les automobiles de la Durant Motors Incorporated constituaient la vitrine du motoriste Continental. Le seul 6 cylindres qui avait une cylindrée inférieure à 2,786 litres était le moteur muni de soupapes latérales de la Star R Series dénommée par la suite Durant 55 Series. Son alésage était de 69,85mm et sa course de 120,65mm pour donner une cylindrée de 2774cm3. Aux Etats-Unis, sa puissance était de 40ch à 2400tr/mn. Il était accouplé à une boîte à vitesses Bucciali 4 rapports. Des améliorations furent apportées également en 1928 : servofreins électromécaniques et de tampons amortisseurs de vibrations en caoutchouc implantés dans la suspension arrière !

À l’été 1929, apparut un nouveau modèle dénommé Bucciali TAV type 4 ou Bucciali TAV8 (8 pour 8 cylindres). Le 8 cylindres Continental avait une cylindrée de 4402cm3 (76,2×120,65) et était muni de soupapes latérales. Il développait 85ch à 3000tr/mn et permettait une vitesse maximale de 120km/h. Il équipait également la voiture américaine Moon 8-80 et la traction américaine Ruxton. Au cours de l’année 1930, cette voiture fut rebaptisée Bucciali TAV type 6 ou Bucciali TAV8 ou Bucciali TAV30. En complément du châssis de 3,5m d’empattement, un châssis de 3,73m d’empattement devint disponible. Son moteur fut remplacé par un 8 cylindres Lycoming muni également de soupapes latérales. Sa cylindrée était de 5278cm3 (85,725×114,3). Sa puissance était de 120ch à 3200tr/mn permettant une vitesse maximale de 140km/h.

Lors du Salon de l’automobile de Paris 1930, fut présentée la Bucciali TAV type 5 dénommée également Bucciali Double Huit. Sa motorisation était constituée par deux moteurs 8 cylindres en ligne Continental, munis de soupapes latérales, générant une cylindrée totale de 7817cm3 (72×120). La puissante annoncée était de 160ch. Selon les sources, ce moteur était un U16 (deux vilebrequins) ou un V16 (un vilebrequin). Son empattement était de 3,5m, puis de 3,73m. En dépit d’une présentation pluriannuelle lors des salons de l’automobile de Paris, aucun châssis ne prit la route. Dans les faits, malgré l’existence d’affiches signalant la présence de Bucciali 16 et 8 cylindres, la gamme s’était réduite en 1930 à un unique modèle : la Bucciali TAV30.

À l’été 1931, apparut un nouveau modèle dénommé Bucciali TAV type 7 ou Bucciali TAV12 (12 pour 12 cylindres). Le V12 était de marque Avions Voisin, un moteur sans soupapes. Sa cylindrée était de 4886cm3 (72×100). Sa puissance était de 120ch à 3500tr/mn permettant une vitesse maximale de 150km/h. Sa boîte à vitesses avait 4 rapports. Elle était disponible avec deux empattements : 3,73m et 4,09m. En tout et pour tout, 38 châssis de tractions furent réalisés entre 1926 et 1933, année de la disparition de la marque Bucciali.

Bucciali, une marque qui fascine toujours les passionnés et les collectionneurs

Les frères Bucciali furent tentés par une aventure américaine, sous la forme d’une importation distribuée par le réseau d’un constructeur ou d’une cession de licences. Un seul constructeur fut intéressé : Peerless (1900-1932). Malheureusement, les finances de cette société étaient trop exsangues pour que cette association pût exister. La seule trace concrète de ces démarches fut l’adoption des jantes Bucciali sur le prototype Peerless V16 de 1932.

Malheureusement, il existe très peu de Buc ou Bucciali survivantes d’autant plus que la Bucciali Double Huit n’était qu’une maquette à l’échelle 1 exhibée lors des salons de l’automobile de Paris. Aux Etats-Unis, quelques répliques furent réalisées, la plus impressionnante étant celle réalisée à partir d’une Cord L29. Cette traction américaine fut produite entre 1929 et 1932. Son moteur était un 8 cylindres Lycoming muni de soupapes latérales de 4894cm3 (5278cm³ en 1932). Son empattement était de 3,5m. Il fut allongé à 3,73m par l’atelier français Bonnefoy et son châssis fut carrossé en Bucciali TAV30. Elle est surnommée la Bucciali-Cord. Son moteur est un 8 cylindres Lycoming de 4894cm3 (82,55×114,3) développant 115ch à 3300tr/mn. Dans le respect de la grande tradition de la marque Bucciali, sa boîte à vitesses offre 4 rapports.

Outre les amateurs états-uniens et d’Europe centrale de magnifiques Bucciali, les Russes sont passionnés par l’œuvre de Greg Hildebrandt de 2011 dénommée Double vision ou Double vision Jacques Saoutchik / Greg Hildebrandt. Jacques Saoutchik (1880-1957), de son vrai nom Iakov Savtchuk, était né à Doukor, au sud-est de Minsk, en Biélorussie. Il suivit une formation de menuisier et d’ébéniste. Sa famille migra à Paris en 1899. Il créa, en 1906, son entreprise de carrosserie au 46 rue Jacques Dulud à Neuilly-sur-Seine. Quant aux jumeaux états-uniens Greg Hildebrandt (1939-….) et Tim Hildebrandt (1939-2006), ils devinrent célèbres en 1977 grâce à l’affiche Style ‘B’ éditée pour la sortie britannique du film Star Wars. L’œuvre de Greg Hildebrandt dénommée Double vision existe également en tirage limité à 500 exemplaires signés par ses soins.

Article co-écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’archives

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Une réflexion sur “Buc & Bucciali, cette marque française qui fabriqua des voitures inimaginables

  1. J’ai bien connu la Bucciali TAV12-38 sans carrosserie chez Monsieur Serge Pozzoli rue Petit / Passage de Haupoul Paris 19 . Cette voiture rachetée par Dodge car WC51/52+ on une traction avant idem et les frères Bucciali furent spoliés de leurs brevets et bénéfices.
    Coin le plus sombre de cette belle aventure.
    Les Locaux de Ets Saoutchik sont ou est la Chaîne M6 je crois que c’est indiqué.

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