Delahaye est un grand nom de l’automobile qui exista de 1894 à 1954. Fondée par Emile Delahaye, elle fut le symbole du luxe à la française, marquant à jamais les esprits. Du bicylindre horizontal arrière au V12 muni de soupapes en tête, elle a évolué avec son époque. Mieux encore, elle a inspiré les plus grands carrossiers dont Antem, Chapron, Faget Varnet, Gigoni Falaschi ou encore Franay… qui se sont offerts le privilège de créer de magnifiques carrosseries à ces belles dames ! Intimement liée à la compétition où elle a acquis ses lettre de noblesses, elle a été également immortalisée au cinéma. Ainsi, à la demande d’un de nos abonnés qui nous a communiqué les photos de la Delahaye 134N Chapron de 1938 du film L’Été meurtrier, nous nous sommes replongés dans l’histoire de ce célèbre constructeur français et de ce film qui ne le fut pas moins !

Le film L’Été meurtrier
Le film L’Été meurtrier fut réalisé par Jean Becker (1933-….). Il connut un magnifique succès avec 5 137 040 entrées en 1983. Le rôle principal, celui d’Éliane Wieck dite « Elle », était joué par Isabelle Adjani (1955-….), une immense actrice que nous n’avons pas besoin de présenter, ses interprétations dans les films L’Histoire d’Adèle H. (1975), Possession (1981), Camille Claudel (1988), La Reine Margot (1994), La Journée de la jupe (2008) restant à tout jamais gravées dans nos mémoires. Le rôle de Florimond Montechiari était joué par Alain Souchon (1944-….), surprenant dans cette intrusion dans le 7ème art. Celui de Gabriel Devigne, le père d’Eliane, était joué par Michel Galabru (1922-2016), inoubliable beau-père paralytique cachant un secret fatal.


Le synopsis de ce film est le suivant : Éliane, jeune femme d’une sensualité troublante et provocante, emménage dans un village du Vaucluse avec son père adoptif et paralytique, Gabriel. Florimond surnommé « Pin-Pon » travaille dans un garage et comme pompier volontaire. Il vit avec sa mère, sa tante et ses deux frères Mickey et Boubou dans la maison familiale. Il s’intéresse à Éliane. Une romance va naître, mais il s’avère qu’Éliane est le fruit du viol de sa mère par trois hommes, dont le père de Pin-Pon… Florimond possède une Delahaye 134N, une voiture exceptionnelle pour un film exceptionnel avec des acteurs exceptionnels…




Les Delahaye d’avant la Première Guerre mondiale
Émile Delahaye naquit le 16 octobre 1843 à Tours. Diplômé en 1863 de l’École impériale d’Arts et Métiers d’Angers, il entra en tant qu’ingénieur dans l’une des plus prestigieuses sociétés parisiennes : les Ateliers Jean-François Cail & Cie, constructeur de locomotives, de ponts ferroviaires et d’installations industrielles mues par la vapeur. Pendant la guerre franco-prussienne, il fut ingénieur délégué à la « commission régionale d’artillerie du Nord-Ouest ». Après la défaite, il travailla dans la filiale bruxelloise des Ateliers Jean-François Cail & Cie dénommée Cail, Halot & Cie. De retour en France, il prit la direction en 1878 de l’usine tourangelle de Louis-Julien Brethon spécialisée dans les machines agricoles et les outillages pour les tuileries et les briqueteries. Avec son épouse, Olympe Blanchet, il acheta en 1879 l’usine et développa un département consacré aux moteurs à vapeur, à gaz et à pétrole. Ainsi, Émile Delahaye devint motoriste, la marque Delahaye étant déposée en 1894. En 1895, débuta la fabrication d’une voiture à pétrole 100% française : moteur, châssis et carrosserie.
Les premières voitures furent équipées, entre 1895 et 1901, d’un bicylindre horizontal arrière. La modernité résidait dans la distribution avec les soupapes en tête et dans la présence d’une pompe à eau pour le refroidissement. Cette gamme fut complétée par une économique monocylindre. L’ensemble représenta un volume de quelques 900 automobiles. Entre 1901 et 1904, la Delahaye Type 0A fut équipée d’un monocylindre horizontal implanté à l’avant. La Delahaye Type course Paris-Berlin de 1901 était équipée d’un bicylindre horizontal arrière de 3619cm3 (120 x 160) développant 20ch. A partir de 1901, les moteurs des bicylindres furent implantés à l’avant. A partir de la Delahaye Type 10 de 1902, les moteurs adoptèrent une position verticale et des soupapes latérales.
L’un de ses clients, Georges Morane (1874-1938), et son beau-frère, Léon Desmarais (1864-1916), cherchaient à développer de nouvelles activités pour l’entreprise de mécanique dont ils avaient hérité. Ils s’associèrent à Emile Delahaye. En 1898, Charles Weiffenbach (1870-1959) fut embauché par les trois associés, ce dernier œuvrant jusqu’en 1954 en occupant successivement les postes d’ingénieur en chef, de directeur des usines, de directeur général. Entre 1898 et 1901, l’usine Delahaye déménagea dans l’usine des beaux-frères, dans le 13ème arrondissement de Paris. Emile Delahaye abandonna pour des raisons de santé la direction de son entreprise en 1901.
En 1905, débuta la fabrication des camions et autobus et en 1906, celle des véhicules d’incendie. Ces activités représentèrent, en moyenne, la moitié du chiffre d’affaire de la société. Disponible entre 1911 et 1914, la Delahaye Type 44 présentait la particularité d’être équipée d’un V6 muni de soupapes latérales.






Les Delahaye équipées de deux essieux rigides
Des Delahaye relativement classiques furent fabriquées jusqu’en 1954. Elles jouissaient d’une bonne réputation en matière de fiabilité et étaient équipées de deux essieux rigides. Les freins à l’avant firent leurs apparitions en 1922 en tant qu’option. En 1924, les 4 freins à tambours furent adoptés. A la fin des années 1920, Chenard & Walcker fournit à Delahaye des automobiles financièrement plus accessibles, équipées de 4 cylindres munis de soupapes latérales. En contre partie, les Delahaye Type 108 et Type 112 furent respectivement vendues sous les dénominations Chenard & Walcker T8 / Aigle 6 et Chenard & Walcker U8. Ce partenariat ponctuel permit une bonne gestion des deux entreprises au lendemain du krach d’octobre 1929. En 1935, Delahaye prit le contrôle de Delage et transféra sa production au sein de la société mère. Delage disparut en 1953, un an avant Delahaye.
Delahaye et Delage firent toujours partie de la Générale Française Automobile (GFA) créée en 1941. II rassembla les constructeurs complémentaires Laffly, UNIC, La Licorne, Latil, Saurer et Hotchkiss. En 1943, tandis que les quatre dernières firmes citées quittèrent le groupement, arrivèrent les sociétés Bernard et Simca. Cette alliance permit à Delahaye et Delage un approvisionnement en matières premières, notamment pendant l’application du plan Pons.
Les véhicules d’incendie exploitaient ces châssis équipés d’essieux rigides. Ils ravissent aujourd’hui les passionnés. Un véhicule fort intéressant fut fabriqué entre 1949 et 1954 : l’utilitaire Delahaye Type 171 en variantes pick-up une tonne et break 9 passagers. Equipé d’un 6 cylindres de 3558cm3 muni de soupapes en tête, il aurait connu un franc succès sur le marché américain s’il avait été construit et distribué par un constructeur états-unien. Ses freins à tambours étaient équipés d’une assistance hydraulique.



Les Delahaye équipées de roues avant indépendantes
En complément des Delahaye classiques, la firme du 13ème arrondissement de Paris sortit en 1933 une gamme complémentaire équipée de châssis munis de roues avant indépendantes et dépourvus de carrosseries. Ainsi, pendant deux décennies, des carrossiers de renom purent s’exprimer. Cette nouvelle génération allait changer l’image de la marque. Entre 1933 et 1946, furent disponibles des châssis équipés d’un moteur 4 cylindres muni de soupapes en tête. Entre 1933 et 1954, furent proposés des châssis équipés d’un moteur 6 cylindres muni de soupapes en tête, d’un ou de trois carburateurs. Entre 1937 et 1938, furent disponibles des châssis équipés d’un moteur V12 muni de soupapes en tête. Cette dernière proposition semblait et semble irréelle : moteur en alliage léger, 60°entre les 2 bancs du V12, 3 arbres à cames (un au centre du V et deux latéraux), 24 bougies et trois carburateurs double-corps (12 bougies et un carburateur Solex double-corps inversé pour le Type 165). Les boîtes à vitesses avaient 4 rapports. Certains modèles pouvaient être équipés d’une boîte pré-sélective Wilson ou électromagnétique Cotal. Les Delahaye Type 148, 165 et 175/178/180 étaient généralement équipées de freins assistés hydrauliquement. Une des signatures de la marque fut de conserver le volant à droite.




Quand on arrive à un tel niveau de motorisation, la compétition n’est pas loin ! En effet, une Delahaye 135 de 3227cm3 finit 5ème au classement général des 24 Heures du Mans 1935 ! En 1937, les Delahaye 135 de 3558cm3 finirent aux 2ème et 3ème places. En 1938, les Delahaye 135 de 3558cm3 finirent aux 1ère, 2ème et 4ème places. En 1939, les Delahaye 135 de 3558cm3 finirent aux 6ème, 8ème et 11ème places. La fête reprit pour une courte durée après la Seconde Guerre mondiale. En 1949, les Delahaye 135 de 3558cm3 finirent aux 5ème, 9ème et 10ème places. Au Rallye Monte-Carlo, Delahaye remporta 3 épreuves : celles de 1937, 1939 et 1951. La marque française porte haut les couleurs de l’hexagone !















Rétromobile 2020
Cette gamme munie de roues avant indépendantes est extrêmement recherchée par les passionnés et les collectionneurs de part et d’autre de l’océan Atlantique. La quantité de châssis produit ne fut pas négligeable.





Le 4×4 Delahaye, le baroud d’honneur d’une marque
En 1947, la Direction des Etudes et Fabrications d’Armement (D.E.F.A.) établit un cahier des charges pour la fourniture de véhicules tout-terrain. Le développement du Véhicule Léger de Reconnaissance fut entrepris en 1948. La présentation et les essais du prototype eurent lieu au cours de l’été 1950 à Saumur. Les premiers exemplaires du Delahaye 4×4 Type 182 VLR furent livrés à l’Armée fin 1950. La fabrication des caisses fut assurée par la firme Facel-Métallon et l’assemblage final était réalisé dans l’ancienne usine Chaigneau-Brasier à Ivry-Port. Ce véhicule se distinguait par :
- le sens d’ouverture de son capot (vers l’avant),
- son 4 cylindres en alliage léger de 1992cm3 muni de soupapes en tête,
- les suspensions avant indépendantes par barres de torsion réglables transversales,
- les suspensions arrière par barres de torsion réglables transversales et bras tirés longitudinaux,
- ses 2 batteries 12 Volt (une batterie 12 Volt pour la version civile),
- sa boîte manuelle 2 x 4 rapports synchronisée et ses blocages de différentiels,
- son assistance hydraulique des freins à tambours.
D’une longueur de 3,41m, ce véhicule était perforant et est attachant, mais il était onéreux à l’achat et à l’entretien. Les commandes étatiques s’effondrèrent en 1953 et les derniers exemplaires furent diffusés auprès des sapeurs-pompiers et des agriculteurs. Il fut assemblé à 9 630 exemplaires. Somme toute, il constitue le baroud d’honneur de la marque Delahaye qui disparut lorsqu’elle fut absorbée par Hotchkiss le 29 juillet 1954.


Article co-écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’archives
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