Designers : Henri Thomas, le père des Peugeot Fuseaux

Parmi les plus grands designers français, nous trouvons Henri Thomas, styliste oublié de chez Peugeot, mais ô combien talentueux. Pourtant tout le monde connait sa signature qui marqua durablement tout un pan de l’histoire de la marque au Lion : les “fuseaux Sochaux“. Il faut savoir qu’Henri Thomas fut responsable du département « Études Carrosseries » chez Peugeot de 1932 à 1960, pendant 28 ans. Auparavant, il œuvra pour des carrossiers à l’instar de Charles Weymann sur des châssis Bugatti, Delage, Delahaye, Rolls-Royce ou encore Hispano-Suiza. Il lui est attribué le design de la quatrième carrosserie de la Bugatti Royale châssis 41100, celle de 1929. ABSOLUTELY CARS vous propose de revenir sur les fameuses Peugeot d’Henri Thomas et de revivre 30 ans de l’aventure Peugeot.

Retour sur Peugeot en 1930

En 1930, la gamme Peugeot était constituée par la Peugeot Type 183, une 12CV fiscaux munie d’un 6 cylindres, la Peugeot Type 190S, une 5CV fiscaux et la récente Peugeot 201, une 6CV fiscaux qui se mua en 7CV en 1934, en 8CV en 1936. Cette dernière fut la première Peugeot à inaugurer le 0 central dans sa dénomination, en juillet 1929. Ces voitures étaient classiques : moteur muni de soupapes latérales, châssis en acier équipé de 2 essieux rigides sur lequel reposait une carrosserie bois / acier, freins à tambours sur les 4 roues. Leurs succès étaient dus à leurs positionnements prix et à la fiabilité des moteurs. A noter qu’en 1930, Peugeot produisit 41 189 automobiles, Renault, 46 956 et Citroën, 77 788.

Peugeot en 1932 : l’arrivée d’Henri Thomas

En 1932, fut ajoutée la Peugeot 301. La gamme était maintenant constituée par deux automobiles, les Peugeot 201 et 301, équipées de roues avants indépendantes. La même année, André Citroën embaucha le styliste Flaminio Bertoni. Jean-Pierre Peugeot (1896-1966) fit de même en la personne d’Henri Thomas. Ce dernier prolongea la vie de la Peugeot 201 par des restylings jusqu’en 1937, celle de la Peugeot 301 jusqu’en 1936. Elles furent fabriquées respectivement en 142 309 et 70 497 exemplaires. La Peugeot 301 berline commerciale, introduite en 1934, était équipée d’un hayon mono-pièce comme les compactes hatchback d’aujourd’hui.

Peugeot en 1934 : le lancement de la Peugeot 401 et de la Peugeot 601

Le 18 avril 1934, la Citroën Traction Avant, conçue par André Lefèbvre et Flaminio Bertoni fut présentée… Au Salon de l’automobile de Paris d’octobre 1934, le public entoura la nouveauté d’André Citroën équipée de roues avants motrices et indépendantes, d’une caisse autoporteuse, d’un châssis surbaissé, d’un moteur équipé de soupapes en tête. Le duo Peugeot 401 et Peugeot 601 passa inaperçu. Jean-Pierre Peugeot demanda à ses équipes de remplacer dès l’année prochaine ces nouveautés caduques, néanmoins équipées de roues avants indépendantes. La 4 cylindres fut produite en 13 545 exemplaires, la 6 cylindres en 3 999.

Marcel Pagnol (1895-1974), écrivain, dramaturge, metteur en scène de pièces de théâtre, cinéaste et producteur, réalisa une trilogie Marius (film de 1931), Fanny (film de 1932), César (film de 1936). Cette série mettait en avant les relations intergénérationnelles parsemées de difficultés et de joies. Les films Fanny et César ne furent espacés que de 4 ans, mais dans la narration, de deux décennies. Pour la dernière scène, les voitures présentes devaient refléter ce décalage dans le temps. Fanny, rôle joué par Orane Demazis (1894-1991), roulait en Citroën Traction Avant 7B cabriolet. Marius, rôle joué par Pierre Fresnay (1897-1975), roulait avec celle d’un client, une Peugeot 601 cabriolet. Seule la première eut une carrière de 23 ans. Marcel Pagnol utilisait une Peugeot 601 Eclipse conçue par le trio Émile Darl’mat, Georges Paulin et Marcel Pourtout. Cette automobile fut utilisée dans le film Le Schpountz, rôle principal joué par Fernandel (1903-1971). Elle existe toujours et fait l’objet, aujourd’hui, d’un ambitieux projet de restauration.

Peugeot en 1935 : la naissance de la célèbre Peugeot 402

L’équipe technique étudia un 4 cylindres muni de soupapes en tête et il fallait un bel écrin pour ce nouveau moteur. En 1933, apparut l’aérodynamique Chrysler Airflow. Lors de sa présentation, le public fut enthousiaste, mais elle ne se vendit qu’à 29 878 exemplaires en 4 ans. Quant à la De Soto Airflow, équipée d’un 6 cylindres au lieu d’un 8, elle fut retirée du marché un an plus tôt. Henri Thomas s’en inspira pour réaliser une maquette en plâtre, le fait le plus marquant étant le retrait des marchepieds.

Au Salon de l’automobile de Paris d’octobre 1935, la Peugeot 402 fit sensation : style « fuseau Sochaux » créé par Henri Thomas, carrosserie aérodynamique monocoque tout acier reposant sur un châssis, roues avant indépendantes, phares dissimulés derrière la calandre, passages de roues arrières recouverts, 4 cylindres munis de soupapes en tête. Elle fut réalisée à 75 068 exemplaires. Cette production fut complétée par deux cent Berliet Dauphine construites entre 1938 et 1940, exploitant la carrosserie de la Peugeot 402. En 1936, fut ajoutée la Peugeot 302 qui reprenait le même style, produite en 2 ans en 25 132 exemplaires et en 1938, la Peugeot 202, assemblée jusqu’en 1949 en 139 718 exemplaires.

Les utilitaires eurent droit au style Fuseau Sochaux grâce à une gamme très complète (Peugeot 202 limousine commerciale, Peugeot 202 fourgon tôlé et Peugeot 202 camionnette bâchée) disponible de 1946 à 1949. A noter que la Peugeot 202 limousine commerciale dite Woody ou Canadienne ou Boulangère n’était pas vraiment économique. Son prix en 1946 était de 237 500 francs contre 147 100 pour la berline ou 165 300 pour le cabriolet.

Le trio infernal : Émile Darl’mat, Georges Paulin et Marcel Pourtout

Le début d’une fructueuse collaboration

Déçu par l’étanchéité des toiles souples des cabriolets, Georges Paulin (1902-1942), dentiste de son métier, déposa un brevet en 1931 ayant trait au toit rigide rétractable, manœuvrée électriquement. Il baptisa son invention du doux nom d’Eclipse. Marcel Pourtout (1894-1979), grand carrossier depuis 1925 à Bougival, construisit pour un de ses clients, une Hotchkiss Eclipse en 1933. Fin 1934, fut également réalisée une Panhard & Levassor Eclipse. Réalisées en Italie de 1933 à 1936 à 17 217 exemplaires et à Bonneuil-sur-Marne en France de 1934 à 1937 en 3 000 exemplaires sous la dénomination Lancia Belna, des Lancia Augusta furent également équipées du dispositif Eclipse de 1934 à 1935.

Émile Darl’mat (1892-1970), concessionnaire Peugeot sur la rue de l’Université à Paris, s’intéressa aux chefs d’œuvre réalisés par Georges Paulin et Marcel Pourtout. Il leur confia une Peugeot 301. Fin 1933, la voiture roula. Ainsi furent fabriqués des Peugeot 301 Eclipse, mais également des Peugeot 401 Eclipse et des Peugeot 601 Eclipse, distribuées rue de l’Université. La production confondue des trois gammes représenta 100 exemplaires environ.

Jean-Pierre Peugeot acheta le brevet Eclipse en 1935 et la nouvelle Peugeot 402 Eclipse fut présentée au Salon de l’automobile de Paris d’octobre 1935. Elle fut produite à Sochaux à partir de 1936. Qu’à cela ne tienne, nos trois complices créèrent un roadster sur le châssis d’une Peugeot 302, équipé d’un moteur d’une Peugeot 402, bien entendu en améliorant le rendement du 4 cylindres. Fin 1936 sur l’anneau de Montlhéry, Charles de Cortanze, Marcel Contet et Jean Pujol testèrent cette nouvelle voiture. Au bout de 24 heures, la moyenne était de 139km/h. Par la suite, Charles de Cortanze poussa la voiture pendant une heure et obtint une moyenne de 145km/h. En 1937, ce roadster fut disponible à la vente.

Les Peugeot 302 Special Sport Darl’Mat coururent aux 24 Heures du Mans 1937. Parmi les 17 voitures présentes à l’arrivée, les trois Peugeot étaient là, aux 7ème, 8ème et 10ème places. Construites en 32 exemplaires, en 1938, elles furent remplacées par les Peugeot 402 Special Sport Darl’Mat. Elles furent fabriquées jusqu’en 1939 : 20 coupés, 32 cabriolets, 53 roadsters. Le 21 mars 1942, Georges Paulin fut fusillé au Mont-Valérien pour acte de résistance.

La merveille des merveilles : la Peugeot 402 Eclipse

Le remarquable travail d’Émile Darl’mat, Georges Paulin et Marcel Pourtout éclipsa quelque peu le talent d’Henri Thomas qui assura la pérennité de l’entreprise. La merveille des merveilles fut la Peugeot 402 Eclipse, fabriquée à Sochaux. Les 80 premières Peugeot 402 Eclipse furent réalisées sur un empattement de 3,15m. La Peugeot 402 Type E4 disposait de 3 places. Son toit rigide était manœuvré à l’aide de moteurs électriques. La roue de secours était de type « Continental ». Elle fut suivie par la Peugeot 402 Type E4Y, produite en 324 exemplaires, son empattement étant de 3,3m. Elle disposait de 5 places. Son toit rigide était manœuvré manuellement. Sa roue de secours était placée dans le coffre. Son pare-brise plat était réalisé en un seule partie. Elle fut suivie par la Peugeot 402 Type E4T, assemblée en 149 exemplaires, d’apparence similaire, sa roue de secours redevenant de type « Continental ». Elle fut suivie par la Peugeot 402 Type E5T, réalisée en seulement 27 exemplaires, la cylindrée de son 4 cylindres passant de 1991cm³ (55ch à 4000tr/mn) à 2143cm³ (63ch à 4000tr/mn). En 1938, la production Peugeot représenta un volume d’environ 50 000 automobiles.

Le renouveau : la Peugeot 203

La Peugeot 203 fut présentée à la presse et aux concessionnaires en octobre 1947 et au public lors du Salon de l’automobile de Paris d’octobre 1948. Le succès fut immédiat : 7CV fiscaux, ligne inspirée de la Lincoln V12 d’après guerre et dessinée par Henri Thomas, caisse monocoque autoporteuse en tant que progrès technique, première voiture française produite en série équipée de sièges couchettes. Elle ne fut commercialisée qu’à partir de janvier 1949.

Au début, l’usine de Sochaux assembla cent automobiles par jour, un niveau insuffisant au regard de la demande, la pénurie d’énergie et de matières premières entraînant de longs délais de livraison pour la clientèle privée, une partie de la production étant réservée aux administrations et à l’exportation. La Peugeot 202 disparut des chaînes en juillet 1949. L’amélioration en matière de disponibilité des matières premières permit l’élargissement de la gamme et la montée des cadences de production. Le 25 février 1960, la dernière et 699 863ème sortit de l’usine de Sochaux. La même année, Paul Bouvot (1922-2000), embauché en 1956, succéda à Henri Thomas. La Peugeot 403, présentée en avril 1955, arborait un style ponton élaboré par le carrossier turinois Pinin Farina ; une nouvelle collaboration débutait. 98% des berlines Peugeot 203 furent équipées d’un toit ouvrant et d’un chauffage-dégivrage. En juillet 1954, la boîte à vitesses avec tous ses rapports synchronisés fut adoptée.

Article co-écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’archives

Cet article vous a plu ? Retrouvez un autre article à lire ici : La Peugeot 203, la lionne du renouveau


Laisser un commentaire