Visionnaire et baroudeur, le Matra-Simca Rancho étonne tant il détonne ! Nous sommes en 1977 et le constructeur Matra, connu spécialement pour ses incroyables résultats en compétition et ses coupés sportifs, sort l’un des premiers SUV de loisir ! Philippe Guédon, ingénieur en chef chez Matra, rompt ainsi avec la monotonie de l’utilitaire “classique” en inventant le véhicule tout-terrain d’aventure à prix raisonnable ! Pourtant, rien ne prévoyait le succès qu’allait rencontrer le Talbot-Matra Rancho alors sur un marché de niche ! Peut-être que le petit coup de pouce qui a propulsé sa carrière se trouve du côté du 7ème art ? Il faut bien reconnaître que les films La Boum connurent un immense succès en Europe et que le Rancho utilisé dans ces deux films donna de la visibilité à ce véhicule de loisir. ABSOLUTELY CARS vous propose de découvrir l’histoire insolite de cette automobile pas comme les autres !

Les films La Boum : la parfaite vitrine pour le Matra-Simca Rancho

Le premier film, La Boum, sortit en salles en décembre 1980 et fit 4,4 millions d’entrées en France ainsi que 15 millions en Europe ! Les parents de Victoire ne sont autres que le talentueux acteur Claude Brasseur (1936-2020) – 35 rôles dans des pièces de théâtre, 110 dans les films (César du meilleur acteur dans un second rôle pour Un éléphant ça trompe énormément en 1977 et César du meilleur acteur pour La Guerre des polices en 1980 ! – et l’immense actrice Brigitte Fossey (1946-…), connue depuis son rôle de Paulette jouée dans le film Jeux interdits de René Clément de 1952.
Et puis, il y a Vic, rôle joué par Sophie Marceau (1966-….) qui restera toujours Vic pour des générations entières même lorsqu’elle interprètera d’autres rôles au cinéma. Réalisé par Claude Pinoteau (1925-2012), ce film raconte les premiers émois de Vic, les relations intergénérationnelles, les difficultés d’un ménage parisien qui exerce des activités chronophages, François Beretton étant dentiste et Françoise Beretton, dessinatrice de bandes dessinées. Le slow Reality – écrit et composé par Vladimir Cosma (1940-….) et interprété par Richard Sanderson (1953-….) – et la complicité de l’arrière-grand-mère Poupette, rôle jouée par Denise Grey (1896-1996), participèrent grandement à la splendeur de ce film devenu culte.
Le second film, La Boum 2, sortit en salles en décembre 1982. Bien entendu, il connut également un immense succès. Le slow Your eyes écrit par Vladimir Cosma, interprété par le groupe Cook da Books et les interprétations de Sheila O’Connor (Pénélope Fontanet) et Alexandra Gonin (Samantha Fontanet), les amies de Vic, participèrent à la réussite de ce second opus qui reconduisit les thèmes abordés dans le premier film. En 1983, Sophie Marceau reçut le César du meilleur espoir féminin pour son interprétation de ce film. Elle demeurera une très grande actrice au juste ton.



Retour sur la création de Matra
Pour comprendre l’histoire du Matra-Simca Rancho, il faut remonter le temps, à la genèse de la marque Matra. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Plan Pons mit à mal les constructeurs d’automobiles de luxe et sportives. Dix ans après, les constructeurs généralistes français fabriquaient des voitures certes attachantes, mais auxquelles il manquait des porte-étendards. Le duo André Lefèbvre / Flaminio Bertoni créa heureusement la fameuse Citroën DS et Jean Daninos, la prestigieuse marque Facel Vega. Dix ans plus tard, la Citroën DS était toujours vaillante et les Alpine de Jean Rédélé remportaient des victoires en rallye. Seulement, entre 1951 et 1971, plus aucune voiture française ne remporta les 24 Heures du Mans et entre 1958 (année de la création du classement en Formule 1 des constructeurs) et 1967, aucun constructeur français ne monta sur le podium en Formule 1. C’est alors qu’en 1968, Matra-Ford se classa troisième. La toute nouvelle revue Echappement, fondée la même année, nous relatait en détail les courses et les automobiles Matra étaient présentes dans les colonnes.
Matra, acronyme de Mécanique Aviation TRAction, fut créée en France en 1941 pour fabriquer de l’armement. Marcel Chassagny en fut à la fois son fondateur, son dirigeant et l’un de ses actionnaires. Par la suite, elle se diversifia dans le domaine aérospatial. Fin 1964, elle absorba René-Bonnet et GAP (Générale d’Application des Plastiques), ce qui entraîna la création de Matra Sports. Cette division nous fit vibrer à la fin des années 1960 et au début des années 1970 !



En 1969, Matra Sports s’associa avec CG et Simca pour mettre en place un programme de compétition automobile dénommé Simca CG Proto MC et destiné à construire un véhicule capable de concurrencer les Alpine-Renault. Equipée d’un 4 cylindres OHC central longitudinal arrière de 2156cm³ (2207/2300cm³ en 1973) délivrant entre 175 et 225ch et accouplé à une boîte à vitesses 5 rapports, la voiture fut fabriquée sous la forme d’un coupé et d’une barquette. Après un immense succès en compétition, le programme s’acheva en 1973. Le moteur fut, par la suite, implanté sous le capot de la Talbot Tagora, de la Talbot-Matra Murena, de la Citroën BX 4TC et de la Peugeot 505 turbo. Naturellement, Matra fabriqua également des coupés : la gamme Djet/Jet de 1965 à 1967 issue de la production René-Bonnet, la Matra 530 de 1967 à 1973, la Matra-Simca Bagheera de 1973 à 1980, la Talbot-Matra Murena de 1980 à 1983 et le coupé monospace Renault Avantime de 2001 à 2003.
Le Matra-Simca Rancho, l’invention du SUV
Le premier choc pétroler mit à mal les finances de Matra. Jean-Luc Lagardère (1928-2003), embauché chez Matra en 1962 et futur PDG de la firme en 1977, demanda à Philippe Guédon (1933-….) de lui trouver une solution. Les études pour un nouveau concept furent lancées en 1975 et le Matra-Simca Rancho fut présenté au Salon de l’automobile de Genève en mars 1977 : le SUV devait d’être inventé. En effet, avec son look de baroudeur, ce véhicule de loisir s’insérait entre les 4×4 fonctionnels européens et le luxueux Land Rover Range Rover. Bien entendu, il étonna le public et il lui fut reproché de ne pas être équipé d’une transmission intégrale. Aujourd’hui, combien de SUV connaissent le succès commercial sans variante 4×4 ? Sont-ils pour autant munis d’une suspension à 4 roues indépendantes ?
La production envisagée était de 25 000 exemplaires. Ce SUV fut réalisé à 56 457 exemplaires dans l’usine de Romorantin en Sologne ! Pour réduire ses coûts de recherche et développement, son soubassement fut emprunté au pick-up Simca 1100 VF2 équipé du moteur transversal et des 4 roues indépendantes. Le moteur provenait de la Simca-Chrysler 1308 GT. Son 4 cylindres de 1442cm³ muni de soupapes en tête offrait une puissance comprise entre 78 et 80ch DIN selon son taux de compression. Il était accouplé à une boîte à vitesses 4 rapports. Les freins à disques étaient présents à l’avant. Son empattement était de 2,52m et sa longueur de 4,32m. Sa garde de sol avant était de 21,7cm, arrière de 26cm. L’avantage du moteur transversal s’exprimait pleinement : un compartiment moteur et un encombrement total réduits, de la place pour les occupants… Son style qui n’a pas pris une ride, était dû au designer Antonis Volanis (1948-….). La partie arrière et le sur-toit sur la partie avant étaient en résine et fibre de verre.

Les évolutions du Matra-Simca Rancho
Le Matra-Simca Rancho fut produit de 1977 à 1983, les derniers exemplaires étant vendus en 1984. Dans l’ensemble, ce modèle n’évolua pas. En 1979, elle prit comme dénomination Talbot-Matra Rancho pour répondre aux desiderata du nouveau propriétaire de Chrysler France. L’équipement de base n’était pas succinct : phares à iode, pare-brise feuilleté et lunette arrière dégivrante. Les options étaient nombreuses : vitres teintées, peinture métallisée, roues en alliage, projecteurs, protection des soubassements, tablette arrière… En septembre 1979, les châssis furent désormais traités par cataphorèse engendrant une garantie de 6 ans anticorrosion et trois nouvelles variantes furent ajoutées : la version Talbot-Matra Rancho X qui intégra les options avec un compte-tours et une sellerie en tweed, la version dépouillée Talbot-Matra Rancho AS (pour Affaire Société) dépourvue de banquette arrière, la version Talbot-Matra Grand Raid avec phares orientables de série, treuil, différentiel à glissement limité, roue de secours sur le toit, cette dernière disparaissant durant l’été 1981.



Deux séries limitées apparurent en 1980, l’une destinée à l’Allemagne dénommée Talbot-Matra Rancho Davos, de couleur blanche avec des strippings latéraux bicolores, l’autre dénommée Talbot-Matra Rancho Loisir de couleur blanche avec des monogrammes bleus. En 1981, fut disponible une éphémère version découvrable. En octobre 1981, la troisième série limitée apparut, de couleur noire avec des filés et des logos rouges. Dénommée Talbot-Matra Rancho Midnight, disponible jusqu’en août 1982, elle était équipée d’’une chaîne avec lecteur de cassettes, ampli-équaliseur et quatre haut-parleurs. La dernière série limitée, celle de 1983, fut dénommé Talbot-Matra Rancho Jubilé.

Le duo Philippe Guédon / Antonis Volanis conçut le monospace Renault Espace. L’usine de Romorantin fabriqua le Renault Espace I à 191 694 exemplaires entre 1984 et 1991, le Renault Espace II à 317 225 entre 1991 et 1996, le Renault Espace III à 365 323 entre 1996 et 2002. Cet exploit industriel et commercial ne mit plus en avant la dénomination Matra. Renault décida de transférer sa production dans une de ses usines, celle de Sandouville. Partageant sa plate-forme avec la Renault Laguna II, la Renault Espace IV adopta alors une carrosserie en acier. Comme lot de consolation, l’usine de Romorantin eut en charge la fabrication du coupé monospace Renault Avantime. Le volume de vente de 8 557 exemplaires entre 2001 et 2003, fut malheureusement jugé insuffisant et le site industriel ferma ses portes.
Au volant du Talbot-Matra Rancho

Beaucoup de personnes considèrent le Talbot-Matra Rancho comme un ludospace. Il exista la Simca 1100 VF2 fourgonnette vitrée, hélas très peu diffusée. Non, ce véhicule de loisir peut être considéré comme un SUV grâce à son image générée par les deux victoires de la marque aux 24 Heures du Mans, sa garde au sol élevé, le confort de ses suspensions, la tenue de route sur les routes de campagne et sur les autoroutes, son usage agréable en ville (jusqu’à maintenant) comme le démontrent les deux films La Boum. L’accès aux places arrière pourrait néanmoins déplaire. Bien entendu, il est inutile d’espérer avoir entre les mains un franchisseur comme en atteste sa participation au Paris-Dakar 1979. Ce véhicule est ludique et le prix demandé pour l’acquisition d’un modèle en parfait état est intéressant. Un modèle Talbot-Matra est préférable pour bénéficier du traitement du châssis par cataphorèse. L’important, avant d’en acheter un, c’est de l’essayer pour juger le ressenti de la direction et de la commande de la boîte à vitesses.


Article co-écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’archives
Cet article vous a plu ? Retrouvez un autre article à lire ici : La Peugeot 403, l’ambassadrice du Lion