La courroie crantée, une innovation démocratisée par la Glas 1004 S

En mai 1962, un coupé entra en production. En août 1962, les premiers exemplaires furent livrés à des clients. Ce coupé 2+2 porte le nom de Glas 1004 S. Il s’agit du premier modèle de la série 04 de la marque de Dingolfing. Il avait une particularité : son 4 cylindres en ligne était équipé d’un arbre à cames en tête entraîné par une courroie crantée. Ainsi, il y a 60 ans, la courroie crantée était associée pour la première fois à l’arbre à cames en têtes ! A l’occasion de ce double anniversaire, ABSOLUTELY CARS vous invite à redécouvrir l’œuvre de Hans Glas (1890-1969) au travers des marques allemandes Goggomobil, Isar et Glas.

L’histoire de l’arbre à cames en tête

Avant la Première Guerre mondiale, de nombreux constructeurs – dont Isotta Fraschini en Italie ou encore Majola en France – s’intéressèrent à une distribution réalisée à l’aide d’un arbre à cames en tête. Pendant l’entre-deux-guerres, pour entraîner ledit arbre depuis le vilebrequin, les technologies mises en œuvre s’appuyaient sur des engrenages hélicoïdaux ou une chaîne. Pendant des décennies, le travail des constructeurs consista à fiabiliser les solutions pressenties et à les démocratiser. Au début des années 1960, seules les voitures exceptionnelles étaient équipées d’un simple arbre à cames en tête (OHC ou SOHC pour Single overhead camshaft) ou un double arbre à cames en tête (DOHC pour double overhead camshaft).

Le coupé Glas 1004 S fut la première voiture équipée d’un 4 cylindres en ligne muni d’un arbre à cames en tête entraîné par une courroie crantée. Il fut le fruit de trois hommes ingénieux : Hans Glas (1890-1969), l’industriel, Karl Dompert (1923-2013), le designer et Leonhard Ischinger (1899-1990), le motoriste. Il ouvrit la voie de la démocratisation de l’arbre à cames en tête pour les compactes, les citadines et les mini-citadines. Ses avantages étaient une juste consommation, une puissance spécifique légèrement plus conséquente et une moindre pollution. Ce fut la solution privilégiée et généralisée pour répondre aux normes environnementales de plus en plus contraignantes. Un seul constructeur important mit plus de temps à adopter cette technologie : Renault avec ses fiables et sobres 4 cylindres OHV, des moteurs équipés de soupapes en tête, de tiges de poussée et de culbuteurs.

Par rapport à une distribution par chaîne, l’entrainement par courroie crantée est beaucoup moins onéreux à mettre en œuvre dans une usine et fiable, même aujourd’hui. Combien de moteurs furent détruits à 60 000km avec une préconisation de remplacement de la courroie crantée à 240 000km, sans recours auprès du constructeur si la garantie est devenue obsolète ? La présence d’une distribution par chaîne ou tiges de poussée est un élément important décisionnel lors d’un achat d’une automobile ancienne, youngtimer, récente ou neuve. Si, par passion, esthétisme, nostalgie, une voiture munie d’une courroie crantée était choisie, réduire de moitié la préconisation constructeur pour préserver sa belle semble un choix judicieux.

Les hommes derrière la Glas 1004 S

Hans Glas, l’industriel

Les premiers pas d’Hans Glas dans le milieu de l’automobile

La famille Glas œuvra principalement dans la mécanique fine des machines agricoles. Successeur de son père, Johann Glas, Maurus Glas transforma l’atelier de réparation en une véritable petite entreprise en 1860. En 1883, elle prit comme dénomination Isaria Maschinen Fabrik, Isaria étant le nom de la rivière longeant la route de Pilsting à Dingolfing. Dans les années 1890, la société était dirigée par le petit-fils, Andreas Glas. L’effectif avait crû de 15 personnes à 300 employés avant que l’entreprise fût déménagée de Pilsting, à Dingolfing. Né en 1890, Hans Glas était l’un des 18 enfants d’Andreas. À 20 ans, il s’installa aux États-Unis pour devenir banquier, mais perdit rapidement toute sa trésorerie dans de mauvais investissements. Il se retrouva dans la misère et dormit sous des cartons sur des bancs publics. Il travailla épisodiquement chez Ford et Harley Davidson où il acquit une précieuse expérience dans la fabrication. Il rentra finalement en Allemagne en 1924 et découvrit que le groupe Gebrüder Stumm GmbH, actionnaire principal de la société familiale, était en difficulté. Hans Glas racheta Isaria Maschinen Fabrik comme il put.

En 1949, Hans Glas créa une holding dénommée Hans Glas GmbH. Trois secteurs d’activités étaient alors présents : machines agricoles, machines-outils et machines à coudre. Son fils, Andreas Glas, ajouta un quatrième secteur en 1951 : la fabrication de scooters sous la marque Goggo, surnom de son fils. En 1954, une automobile fut essayée en tant que prototype. Il offrait théoriquement 4 places. Il était équipé d’un 2 cylindres 2 temps transversal arrière refroidi par air accouplé à une boîte à vitesses 4 rapports, de 4 freins à tambours, de 4 roues indépendantes. Début 1955, la Goggomobil T250 entra en production, mais son unique porte frontale avait été remplacée par deux portes latérales.

Goggomobil et Isar : deux marques, une même histoire

Aussi surprenant que cela puisse paraître, la Goggomobil devint la coqueluche de la presse internationale. Elle était présentée fort détaillée dans de nombreux magasines dont dans l’Auto-Journal en France. Très rapidement, fut ajoutée une version équipée d’un 300cm3 (au lieu de 250cm3) et elle fut exportée vers les Etats-Unis. En 1957, les premières versions furent améliorées : second essuie-glace et glaces coulissantes remplacées par des vitres manipulées à l’aide de manivelles. Il fut ajouté la variante 400cm3, les coupés 2+2 dénommés Goggomobil TS250, TS300 et TS400 ainsi que les utilitaires Goggomobil TL250, TL300 et TL400.

Entre 1959 et 1961, la société Buckle Motors Pty Ltd implantée à Sydney assembla un spyder à 700 exemplaires reposant sur la plate-forme de la Goggomobil, muni d’une carrosserie en fibre de verre. Il fut dénommé Goggomobil Dart. En mars 1964, les berlines 2 portes Goggomobil T250/T300/T400 et les coupés 2+2 Goggomobil TS250/TS300/TS400 abandonnèrent leurs portes « suicide » selon les directives européennes. La production de ces mini-citadines munies d’un empattement de 1,8m, s’acheva en 1969.

En juin 1958, apparut une citadine dénommée Goggomobil T600. Elle fut rapidement complétée par une variante dénommée Goggomobil T700, en août 1958. Son architecture était totalement différente de celle de la mini-citadine : 2 cylindres à plat OHV refroidi par air implanté longitudinalement à l’avant, propulsion et boîte à vitesses 4 rapports, roues avant indépendantes, empattement de 2m, absence de portes « suicide » et carrosserie monocoque autoporteuse. Pour améliorer sa différenciation avec la mini-citadine, sa dénomination changea, en novembre 1959, pour Isar T600, Isar T700, Isar K600 et Isar K700 pour les breaks 3 portes. Le succès commercial fut au rendez-vous : 87 585 exemplaires produits entre 1958 et 1965 dont 16,3% de breaks. A bout de 5 ans, en 1960, le groupe Glas devint un acteur majeur de la production allemande de voitures de tourisme.

Les voitures Glas, le dernier chapitre

En 1962, débuta la carrière de la compacte Glas Série 04, équipée d’un 4 cylindres OHC refroidi par eau implanté longitudinalement à l’avant et d’une boîte à vitesses 4 rapports. Sa structure était relativement proche de celle de la citadine : carrosserie monocoque autoporteuse, capot s’ouvrant également vers l’avant, uniquement disponible en 2 portes, roues avant indépendantes et propulsion. Les freins à disques à l’avant étaient proposés en option, à partir d’août 1963. La gamme devint pléthorique : 3 cylindrées disponibles (993cm3, 1189cm3, 1290cm3), version TS avec freins à disques à l’avant montés en série et présence de deux carburateurs ainsi que 4 carrosseries (coupé, cabriolet, berline 2 portes dite « Limousine », break 3 portes dit « Kombilimousine »). L’introduction de toutes ces variantes permit d’alimenter abondamment la presse spécialisée. La version Glas 1204 fut même produite à Buenos Aires en Argentine sous la marque Isard Argentina SAICF. Les mini-citadines et citadines le furent également, ce qui représenta un volume total de 15 360 exemplaires produits entre 1958 et 1965. La Glas Série 04 ne connut pas le succès : 40 703 unités réalisées entre 1962 et 1967. La présence d’une nouvelle technologie, la fadeur des carrosseries, le ratio défavorable en termes d’esthétisme et la longueur de 3,84m / empattement de 2,1m déroutèrent la clientèle potentielle. Les solutions techniques de cette automobile furent reprises pour réaliser trois autres voitures.

La société à responsabilité limitée Hans Glas GmbH se retrouva rapidement en difficultés financières. Le 10 novembre 1966, elle fut achetée par BMW pour un montant de 9,1 millions de Deutsche Marks. Hans Glas et son fils Andreas s’étaient échinés pour trouver un repreneur afin de préserver l’emploi des 4000 salariés. La critique portée en l’encontre de Hans Glas était d’avoir établi une trop large gamme de produits avec trop de versions et de variantes et d’espérer une croissance importante des ventes sans une assise financière conséquente. A son crédit, il a tenté l’aventure. En 2021, avec 18 000 employés et 800 stagiaires, l’usine de Dingolfing est le principal site de production des voitures les plus huppées de BMW.

Karl Dompert, le designer

Karl Dompert conçut le scooter Goggo, son side-car stylistiquement associé, les gammes Goggomobil et Isar ainsi que les Glas Série 04. Constatant l’échec commercial de ces dernières, Hans Glas et son fils Andreas firent appel au designer italien Pietro Frua (1913-1983) pour dessiner les nouvelles Glas. Trois voitures furent ainsi fabriquées en série :

  • la routière Glas 1700 : boîte automatique 4 rapports disponible entre 1966 et 1967, empattement de 2,5m, longueur de 4,42m, réalisée à 13 792 exemplaires dans l’usine de Dingolfing entre 1964 et 1967, assemblée entre 1968 et 1975 par BMW South Africa (longueur de 4,47m entre 1973 et 1975).
  • les coupés 2+2 et cabriolets Glas 1300GT et Glas 1700GT : empattement de 2,32m, longueur de 4,05m, réalisés à 5 376 unités (dont 363 cabriolets) dans l’usine de Dingolfing entre 1964 et 1967. Cette série devint le coupé BMW 1600GT en adoptant une chaîne de distribution et les 4 roues indépendantes, cette production complémentaire représentant 1 259 unités.
  • le coupé autoroutier Glas 2600 V8 : 4 freins à disques, empattement de 2,5m, longueur de 4,6m, renommé BMW Glas 3000 V8 en 1967, réalisé à 666 exemplaires dans l’usine de Dingolfing entre 1966 et 1968.

Karl Dompert dirigea l’usine de Dingolfing entre 1968 et 1983.

Leonhard Ischinger, le motoriste

Leonhard Ischinger est connu par les passionnés de motocyclettes. Il conçut le fameux BMW flat twin M205/1 qui fut réalisé pendant trois décennies, des années 1930 à 1950. Il devint célèbre quand il conçut le prototype BMW R7, cette célèbre motocyclette de 1934. Sous l’autorité d’Alfred Böning (1907-1984), il conçut tous les moteurs des automobiles BMW jusqu’à l’avènement du 4 cylindres OHC de la berline BMW 1500. Entre temps, il fut recruté par Andreas Glas et Karl Dompert pour concevoir le 2 cylindres à plat OHV refroidi par air, les 4 cylindres OHC refroidi par eau et le V8 2xOHC refroidi par eau.

Une leçon pour beaucoup de constructeurs : l’ingénieur Leonhard Ischinger, avec peu de moyens financiers, conçut un magnifique V8 au milieu des années 1960 !

Vidéo du coupé BMW Glas 3000 V8 – Crédit Vidéo : SuperCarClassics

Article co-écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’Archives

Cet article vous a plu ? Retrouvez un autre article à lire ici : La Goggomobil, la micro-car la plus populaire d’Allemagne


Laisser un commentaire