Focus sur : La Mercedes-Benz CLK GTR, la rage de vaincre

Dans les années 1990, Mercedes-Benz domine son sujet en régnant sans partage sur le Championnat ITC (International Touring Car Championship), anciennement DTM (Deutsche Tourenwagen Meisterschaft). Faute de concurrence, après le retrait successif d’Opel et d’Alfa Romeo, cette compétition disparaît, en 1996. En 1997, pour toujours exister en sport mécanique, le constructeur allemand doit donc rejoindre tout nouveau Championnat FIA GT, reposant sur les bases de l’ancien Championnat BPR. La seule chose qui leur manquait, était une voiture. En 6 mois, en partenariat avec le préparateur sportif AMG, ils développeront l’une des plus belles hypercars : la Mercedes-Benz CLK GTR ! A l’occasion des 24 Heures du Mans 2021, ABSOLUTELY CARS vous propose de revenir sur cette grande épopée du sport automobile !

La Mercedes-Benz CLK GTR, un programme compétition homologué route

La voiture de course Mercedes-Benz CLK GTR, le véhicule de tous les défis

A la fin de l’année 1996, suite aux retraits des principaux autres concurrents, Mercedes-Benz se trouve seul dans sa catégorie, menant à la disparition du Championnat ITC. Il faut savoir que la particularité de cette compétition était de mettre en concurrence des voitures de série sur circuit. Ainsi, pour la saison 1997, le constructeur allemand doit rejoindre le Championnat FIA GT. Mais qui dit changement de compétition, dit changement de règles. En effet, pour participer, le prototype de courses doit faire l’objet d’une voiture de série produite au minimum à 20 exemplaires. Hors, la marque à l’étoile ne dispose pas d’une telle automobile. De plus, ils ne leur restent que six mois avant la première course et le même laps de temps pour homologuer la version route ! Mais il en fallait plus pour décourager la firme de Stuttgart qui fait appel au préparateur sportif AMG pour réussir l’imaginable.

L’équipe de Gerhardt Hunga s’inspire de la Mercedes-Benz CLK pour le design de la future voiture de courses. Si elle en reprend les phares avants et arrières ainsi qu’une partie de la planche de bord, la Mercedes-Benz CLK GTR n’a finalement rien avoir avec ce coupé. En effet, un soin particulier fut porté à l’aérodynamisme, créant une silhouette hors-norme, notamment quand se déploient ses portières en élytre dont héritera sa version route. Côté mécanique, elle est équipée du plus gros moteur dont dispose le constructeur allemand : le V12 M120 6L boosté à 600ch ! Ainsi armée, elle intègre facilement la catégorie GT1 du Championnat FIA GT.

La Mercedes-Benz CLK GTR participe à sa première course, en avril 1997, sur le circuit d’Hockenheim, en Allemagne. Hélas, ce premier saut dans le grand bain n’est pas concluant : la première voiture engagée doit abandonner au bout de 5 tours tandis que la seconde se trouve au fond du classement. Fiabilisée, elles reviennent sur piste, un mois plus tard, à Silverstone, au Royaume-Uni. L’une d’entre elles finira à la deuxième place. Mercedes-Benz était lancé. Le constructeur allemand gagnera, par la suite, cinq courses sur les sept restantes, devenant ainsi Champion du Monde Constructeur 1997 et Champion du Monde Pilote 1997 !

La Mercedes-Benz CLK GTR de série, la voiture la plus chère du monde

Si Mercedes-Benz réussit un tour de force magistral en compétition avec sa version course, le constructeur allemand n’est pas en reste avec sa version de série, dénommée Mercedes-Benz CLK GTR. Pour son homologation sur route, quelques modifications ont dû être réalisées. Elle est moins basse. Les prises d’air sont omniprésentes : sur le capot, sur le toit, sur les ailes avants et arrières et sur le capot moteur. Migrant sur les ailes, les rétroviseurs sont placés le plus loin possible du cockpit afin d’optimiser la vision latérale. L’aileron arrière est intégré à la carrosserie et à la jupe arrière, renforçant l’appui de la voiture, notamment à grande vitesse. Les passage de roues sont élargies pour accueillir les pneus de 18 pouces. Ils intègrent des freins à disques surdimensionnés, ventilés et perforés pour pouvoir ralentir son poids de 1545kg.

L’habitacle de la Mercedes-Benz CLR GTR accueille un vrai intérieur digne de la marque. Bien que spartiate, c’est une référence directe à la plus célèbre des voitures allemandes dans les années 1950 : la Mercedes-Benz 300 SL/SLR. La planche de bord est recouverte d’Alacantara (spécialement pour la course) tout comme les arceaux. Les sièges baquet sont soit en cuir noir, soit reprennent le motif écossais de la fameuse Flèche d’argent. L’insonorisation est renforcée. Nous retrouvons également de nombreux équipements dont la climatisation, l’autoradio, le système de freins antiblocage, le vitrage isolant… Si cette supercar ne possède pas de coffre, deux rangements ont été placés sous chaque portière, accompagnés par des valises offertes par la marque. Mais l’intérêt de la Mercedes-Benz CLR-GTR est tout autre !

En effet, c’est la mécanique qui fait, en réalité, rêver. L’accès au moteur est facilité, car le capot s’enlève totalement contrairement à d’autres modèles Mercedes-Benz sur lesquels il faut le soulever. Une fois retiré, nous découvrons le V12 atmosphérique de 612ch avec une cylindrée de 6,9L pour fiabiliser la mécanique. Il est accouplé à une boîte séquentielle de 5 rapports (contre 6 pour la version compétition). Il faut savoir que le poids de la Mercedes-Benz CLK GTR de série a été réduit de 30kg, grâce à l’utilisation de matériaux comme le carbone et le titane. Les performances sont tout simplement ahurissantes : la barre du 0 à 100km/h est abattu en 3,2 secondes et celle du 0 à 200km/h en moins de 10 secondes pour une vitesse maximum de 323 km/h !

La Mercedes-Benz CLK GTR coupé est homologuée sur la route, les premiers modèles voyant le jour fin 1998, pour une production totale de 20 unités. Elles ont été toutes construites chez HWA AG, le département dédié à la compétition du préparateur automobile Mercedes-AMG. De sa conception à son passage sur la route, cette belle supercar représente l’innovation en tout point, mêlant légèreté, rigidité et sécurité. Un tel niveau de finition et un palmarès en compétition ont un prix : 11 millions de francs, soit 1,7 millions d’euros actuels, faisant d’elle la voiture la plus chère du monde des années 1990 ! Mais à ce prix-là, le risque d’avoir des invendus est grand. Afin d’écouler les châssis restants, Mercedes-Benz lance, en 2002, la Mercedes-Benz CLK GTR Roadster. Sans toit, les performances sont moindres : la barre du 0 à 100 km/h est franchi en 3,2 secondes pour une vitesse maximum de 320 km/h. Elle sera produite à seulement 6 exemplaires, dont un étant initialement l’un des deux prototypes de la version coupé. En 2002, Mercedez-Benz transforme aussi deux versions coupés en Mercedes-Benz CLK GTR SuperSport, équipée d’un V12 7,3L de 712ch. Abattant le 0 à 100km/h en 3,2 secondes, elle est bridée pour une vitesse maximum de 340km/h. De ce fait, au total, 26 Mercedes-Benz CLK GTR ont été produites, faisant d’elle l’une des plus rares supercars. En 2018, l’une d’entre elles a été adjugée pour 4 515 000$, aux Etats-Unis !

Les évolutions de la voiture de courses Mercedes-Benz CLK GTR

La Mercedes-Benz CLK LM à la conquête du Mans

En 1998, Mercedes-Benz a l’ambition de s’attaquer aux 24 Heures du Mans. Pour cela, ils font évoluer la version de course de la Mercedes-Benz CLK GTR. En devenant la Mercedes-Benz CLK LM, son design évolue pour accroître son aérodynamisme afin de gagner en rapidité, notamment dans les lignes droites du circuit manceau. La transformation la plus notable est au niveau des portières qui deviennent des “gullwing”. Elle perd également son moteur V12 pour un V8 de 600ch d’une cylindrée de 5L qui se veut plus adapté pour les courses d’endurance tout en restant aussi performant.

Le constructeur allemand engagera deux voitures en catégorie GT1 lors de cette édition 1998 : la n°35 confiée au trio Bernd Schneider – Klaus Ludwig – Mark Webber et la n°36 confiée au trio Christophe Bouchut – Ricardo Zonta – Jean-Marc Gounon. Le début de la course se passe bien et la n°35 prend même la tête lors de la qualification tandis que la n°36 est troisième ! Mais coup de théâtre : la n°35 est obligée d’abandonner après quelques heures, suivie par son homologue pour défaillance mécanique. Si elles échouent au Mans, elles remporteront tout de même dix courses du Championnat FIA GT. Mercedes-Benz est sacré une nouvelle fois Champion du Monde des Constructeurs 1998 et Champion du Monde des Pilotes 1998 ! La légende devint alors mythe et l’aura de la Mercedes-Benz CLK GTR est à son apogée ! Cette suprématie fit, hélas, fuir les autres constructeurs (ainsi que les coûts de développement très élevés) et la catégorie GT1 fut supprimé pour la saison 1999. A noter qu’il existe un seul modèle homologué route de la Mercedes-Benz CLK LM.

La Mercedes-Benz CLR, spectaculaire en tout point

Voulant accrocher les 24 Heures du Mans à son palmarès, Mercedes-Benz s’engage dans la toute nouvelle catégorie LMGTP avec l’ultime évolution de la Mercedes-Benz CLK GTR : la Mercedes-Benz CLR. Cette catégorie est entièrement dédiée aux prototypes, sans les contraintes qu’imposent les catégories avec production en série. La voiture est donc allongée et abaissée. Grâce à sa structure en fibre de carbone et aluminium, elle perd du poids pour arriver au minimum autorisé (soit 900 kg à vide). Son aérodynamisme étudiée en soufflerie est entièrement revue pour réduire au maximum son appui aérodynamique. Elle est équipée du moteur V8 GT108C atmosphérique de 5,8L d’une puissance de 700ch. Au total, trois exemplaires seront construits.

Mercedes-Benz recrute les meilleurs pilotes de l’époque et les tests commencent dès février 1999, sur différents circuits dans le monde. Au total, les prototypes feront 34 979 km d’essais et ne connaîtront aucun problème de fiabilité. Le constructeur arrive donc sur le circuit manceau, sûr de ses mécaniques bien rodées. Lors des préqualifications, un mois avant la compétition, la meilleure Mercedes-Benz CLR fait le sixième meilleur temps au tour. Elles sont toutes les trois préqualifiées, malgré la sortie de route de Mark Webber au niveau de la seconde chicane de la ligne droite des Hunaudières, due à une suspension cassée. Lors du premier essai qualificatif, les Mercedes-Benz CLR se classent respectivement 5ème, 6ème et 8ème. Mercedes-Benz doit remonter dans le classement, alors dominé par Toyota, afin de prétendre à une victoire. Lors du second essai qualificatif, Mark Webber pousse la voiture. Dans la ligne droite reliant les virages de Mulsanne et Indianapolis, à 300 km/h, la Mercedes-Benz CLR décolle d’une dizaine de mètres alors qu’elle est en plein dépassement. Elle retombe sur le flanc avant de taper le rail de sécurité. Le pilote s’en sort miraculeusement idem. L’équipe de courses pense qu’il s’agit d’un coup de malchance et répare la voiture pour la course du lendemain. Lors de la warm-up, à 280 km/h, l’automobile réparée s’envole à neuf mètres, avant de réattérir violemment sur la piste, complètement détruite. Mark Webber est éjecté de la voiture alors qu’elle glisse sur le toit à près de 150 km/h. Il s’en sort vivant malgré des blessures aux mains et aux bras. Mercedes-Benz annonce le retrait de la Mercedes-Benz CLR n°4.

L’équipe suppose que la Mercedes-Benz CLR n°4 était défectueuse. Avec l’ensemble des pilotes, elle décide de participer quand même aux 24 Heures du Mans 1999. Dans le doute, deux petites ailettes de chaque côté sont rajoutées sur les deux modèles participants qui voient leurs suspensions arrières raffermies. Les pilotes reçoivent même l’ordre de se décaler systématiquement du sillage des autres voitures ! Le lendemain, la course est lancée et les deux Mercedes-Benz CLR sont dans le peloton de tête. Lors du soixante-quinzième tour, à 20h47, Peter Dumbreck se bat pour la 2ème place et double son concurrent dans la ligne droite reliant les virages de Mulsanne et d’Indianapolis, à plus de 320 km/h. Touchant un vibreur dans le virage, la voiture se soulève et s’envole, réalisant trois loopings arrière à près de 15 mètres. Elle finira sa course au-delà des barrières de sécurité, atterrissant au milieu des arbres ! Le pilote perd connaissance pendant vingt minutes avant de retrouver ses esprits, idem lui-aussi. Mercedes-Benz rappelle la dernière Mercedes-Benz CLR en course, signalant son abandon définitif. Une enquête sera ensuite faite sur les réelles raisons des envolées de la Mercedes-Benz CLR. Les porte-à-faux avant et arrière, plus longs que la moyenne, seront mis en cause tout comme le bosselage de la piste du Circuit des 24 Heures du Mans. En 2000, une réglementation sur la longueur des porte-à-faux sera mise en place. Quant à Mercedes-Benz, le constructeur allemand annoncera son retrait de l’endurance.

Crash de la Mercedes-Benz CLR de Peter Dumbreck lors des 24 Heures du Mans 1999

Article écrit par : ABSOLUTELY CARS
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’Archives

Cet article vous a plu ? Retrouvez un autre article à lire ici : Jaguar et les 24 Heures du Mans


Laisser un commentaire