Focus sur : Les Mercedes-Benz Heckflosse, un film, une déchirure, une époque

Le 17 septembre 1959 au Salon Automobile de Francfort, le constructeur Mercedes-Benz fait sensation avec son nouveau modèle : la Mercedes-Benz Heckflosse. En rupture avec ses devancières, elle s’éloigne des Mercedes-Benz “type Ponton” par ses dimensions plus généreuses, sa finition haut de gamme et sa sobriété stylistique. La plus connue de cette saga n’est autre que la Mercedes-Benz W110, portée en égérie par le film La déchirure. En effet, pour pouvoir se déplacer en pleine guerre civile du Cambodge, une équipe de journalistes achète leur liberté de mouvement à l’aide, bien entendu d’argent liquide, mais également en offrant des mascottes Mercedes, « la meilleure » selon un échange entre Dith Pran et son protagoniste. Absolutely Cars vous invite à redécouvrir les autoroutières de la firme de Stuttgart fabriquées entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et la fin de la production de la Mercedez-Benz surnommée « Ailerons ».

Le film La Déchirure et la Mercedes-Benz W110, la meilleure

Le film britannique La Déchirure de 1984, le titre original étant The Killing Fields (Les camps de la mort), est un film exceptionnel. Le nombre de récompenses fut phénoménal. Il fut réalisé par Roland Joffé (1945-….) et relate une histoire vraie qui s’est déroulée au Cambodge. Le lieu de tournage fut néanmoins la Thaïlande. Sydney Schanberg (1934-2016), journaliste pour The New York Times, reçut par deux fois le prix George-Polk en 1971 et 1974, mais également le prix Pulitzer en 1976. Il débarqua au Cambodge en 1973 en pleine guerre civile. Son personnage était joué par l’acteur américain Sam Waterston (1940-….). Il rejoignit le photographe Al Rockoff, rôle joué par l’acteur américain John Malkovich (1953-….). Ils avaient comme guide et interprète Dith Pran (1942-2008), rôle joué par l’acteur américano-cambodgien Haing Somnang Ngor (1940-1996). En avril 1975, le gouvernement républicain du Cambodge fut renversé par les Khmers rouges. Nos trois protagonistes réussirent à faire évacuer aux Etats-Unis la famille de Dith Pran, mais ce dernier resta sur le sol cambodgien et fut déporté dans un camp de travail. Pol Pot (1925-1998) fut le chef des Khmers rouges et du Parti communiste du Kampuchéa. Comme tout dirigeant politique totalitaire, il porta atteinte à son peuple par les travaux forcés, la famine, le non-traitement des maladies, la destruction de la cellule familiale, la propagande et la rééducation selon une pensée unique entraînant de nombreux traumatismes psycho-sociaux. Ses agissements et ceux de ses complices, engendrèrent le décès de 1,7 million de Cambodgiens, soit 21% de la population. Sydney Schanberg fit tout son possible pour localiser Dith Pran. Le 9 octobre 1979, il le retrouva dans un camp de réfugiés de la Croix-Rouge près de la frontière thaïlandais. Il réussit à s’évader. Il devint par la suite photojournaliste pour The New York Times. La chanson Imagine de John Lennon accompagne les dernières images du film. Les récompenses furent nombreuses.

Les premières Mercedes-Benz d’après-guerre

La Mercedes-Benz W136, la première automobile d’après guerre

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, le groupe Daimler-Benz était propriétaire de cinq usines : le site historique de Benz, Mannheim, le site acheté par Benz en 1910, Gaggenau, le site acquis par Daimler en 1902, Berlin-Marienfelde, le site créé par Daimler en 1904, Stuttgart-Untertürkheim et le site conçu par Daimler en 1915, Sindelfingen. Leurs capacités de production étaient réduites de 20 à 80% selon l’étendue des dégâts engendrés par les bombardements alliés. Mai 1945, les premiers travaux de reconstruction débutèrent. Juin 1945, la production du camion L701 3 tonnes (l’Opel “Blitz” sous licence) redémarra à Mannheim. Août 1945, la fabrication du camion L 500 reprit à Gaggenau. Novembre 1945, l’usine Stuttgart-Untertürkheim débuta les missions d’entretien et de réparation des véhicules militaires américains et la production de la Mercedes-Benz W136 sous la forme de pick-up, de fourgon, d’ambulances. Fin 1946, 214 exemplaires avaient été assemblés. Juillet 1947, la fabrication de la voiture de tourisme Mercedes-Benz W136 4 portes fut reprise. En effet, elle fut, entre 1936 et 1942, réalisée à 75006 unités.

Le moteur de la Mercedes-Benz W136 était fort classique : un 4 cylindres de 1,7 litre muni de soupapes latérales. Sa boîte à vitesses 4 rapports avait évolué. Initialement, seuls les deux rapports supérieurs étaient synchronisés. A partir de 1938, il était possible d’obtenir tous les rapports synchronisés. En 1940, la boîte à vitesses devint totalement synchronisée en série. Les freins à tambours étaient assistés hydrauliquement. Le châssis de cette propulsion, d’un empattement de 2,84m, était constitué par des tubes de forme ovale, en forme de X. Les suspensions étaient à 4 roues indépendantes, parfaitement en adéquation avec l’état des routes. En 1949 fut ajoutée la version diesel : un 4 cylindres de 1,8 litre muni de soupapes en tête. En 1950, différentes options devinrent disponibles : la radio et les sièges avant inclinables. Entre 1952 et 1953, elle fut complétée par la variante Mercedes-Benz W191 4 portes, somme toute similaire. Entre juillet 1951 et août 1955, une variante luxueuse vint compléter la gamme, la Mercedes-Benz W187 : portes avant suicide, marchepieds et empattement conservés, phares encastrés dans les ailes et 6 cylindres de 2,2 litres muni d’un arbre à cames en tête. La production totale représenta 230 000 exemplaires dont 9,2% de W191 et 8,1% de W187. A partir de 1951, Mercedes-Benz exportait ses automobiles dans 65 pays !

La Mercedes-Benz W186, la première limousine d’après guerre

Présentée en avril 1951, la première limousine d’après guerre de la firme de Stuttgart, la Mercedes-Benz W186 dite « Adenauer », devint disponible sur le marché en novembre 1951. Konrad Adenauer (1876-1967) était un grand amateur de cette voiture, d’où son surnom. Il fut maire de Cologne entre 1917 et 1933, président du Conseil d’Etat prussien entre 1922 et 1933 et Chancelier d’Allemagne entre 1949 et 1963. Il s’intéressait à l’industrie automobile et aux emplois générés par cette activité. Ainsi, le 2 octobre 1930, avec Henry Ford (1863-1947), il posa la première pierre de l’usine Ford Cologne. En mars 1952, apparut une carrosserie complémentaire : le cabriolet 4 portes. La Mercedes-Benz W186 reprenait les solutions techniques de la Mercedes-Benz W187 (hormis les portes avant suicide), mais son empattement était porté à 3,05m pour une longueur de 4,95m, puis de 5,06m à partir de mars 1954. Son 6 cylindres muni d’un arbre à cames en tête avait une cylindrée de 3 litres et était équipé de deux carburateurs. Il était accouplé à une boîte manuelle 4 rapports ou une boîte automatique Borg Warner 3 rapports disponible à partir de décembre 1955. Les tarifs étaient élevés, cette automobile ne s’adressant qu’à l’élite mondiale. Entre novembre 1951 et juin 1957, elle fut assemblée à 12 190 exemplaires.

Entre juin et septembre 1952, apparurent trois carrosseries supplémentaires sous la dénomination Mercedes-Benz W188, à savoir chronologiquement, un cabriolet, un coupé 2+2 et un roadster. Leurs empattements étaient de 2,9m pour une longueur comprise entre 4,7m et 4,73m. Le 6 cylindres de 3 litres était équipé de 3 carburateurs. A partir de décembre 1955 pour le coupé 2+2, puis à partir de janvier 1956 pour le cabriolet et le roadster, le 6 cylindres de 3 litres reçut une injection mécanique directe de marque Bosch, une particularité de la firme de Stuttgart. Cette gamme coiffant pécuniairement l’ensemble de la production, ne fut réalisée qu’en 760 unités.

En novembre 1957, la limousine Mercedes-Benz W186 fut restylisée et prit comme dénomination Mercedes-Benz W189. Le 6 cylindres fut équipé d’une injection mécanique directe. Son empattement fut porté à 3,15m et sa longueur à 5,19m. Le grand changement concerna la poupe. Les options étaient constituées de la direction assistée, des vitres électriques et de la climatisation. Les 4 freins à tambours assistés hydrauliquement étaient conservés. Le cabriolet 4 portes devint disponible à partir de juin 1985. 3 142 exemplaires complémentaires furent assemblés jusqu’en mars 1962.

Studebaker-Packard Corporation, un tremplin inouï

Le constructeur Studebaker Corporation de South Bend (Indiana) fusionna en 1954 avec la Packard Motor Car Company de Detroit (Michigan). Malheureusement, Studebaker-Packard Corporation redevint Studebaker Corporation au printemps 1962. L’usine de South Bend ferma l’année suivante et celle de Hamilton, en Ontario (Canada), cessa son activité en 1966. Ces constructeurs américains désiraient conserver et conforter leurs concessionnaires et agents en leur proposant d’augmenter leurs chiffres d’affaires en vendant des Mercedes-Benz. La firme de Stuttgart vit une opportunité pour augmenter sa diffusion en Amérique du Nord. Un accord entre les parties fut scellé en 1957. En 1964, la quantité de voitures allemandes vendues dépassait largement celle des automobiles nord-américaines. Aussi, Daimler-Benz acheta les droits de distribution à Studebaker pour 3,5 millions de dollars et forma Mercedes-Benz North America. Ce tremplin permit à la firme de Stuttgart d’être le constructeur étranger premium le plus important sur ce marché.

La Mercedes-Benz W120, la première autoroutière à arborer le style « ponton »

Pour savoir ce qui rend si spécial les Mercedes-Benz Heckflosse, il faut d’abord s’intéresser aux Mercedes-Benz type Ponton. En juillet 1953, fut mise sur le marché la Mercedes-Benz W120, première autoroutière à arborer ce style. Elle arborait une carrosserie gracieuse de style « ponton », d’où son surnom. Sa carrosserie monocoque était autoporteuse et munie de 4 roues indépendantes. Elle ne fut disponible qu’en 4 portes, avec un moteur 4 cylindres accouplé à une boîte à vitesses manuelle 4 rapports. Son empattement était de 2,65m. Elle fut assemblée en Allemagne, mais également à Port Melbourne, en Australie et à East London, en Afrique du Sud. Elle fut réalisée jusqu’en octobre 1962 à 271 217 exemplaires. Sa variante plus puissante, dénommée Mercedes-Benz W121, disponible entre mars 1956 et août 1961, fut réalisée à 171 746 unités. Le carrossier Binz GmbH & Co. KG en extrapola des pick-up, des breaks et des ambulances.

La rigueur de sa conception permit d’envisager la production de voitures équipées d’un moteur 6 cylindres de 2195cm3. De juin 1954 à août 1959, la Mercedes-Benz W180 fut réalisée en 4 portes. Entre juillet 1956 et octobre 1959, elle fut disponible en cabriolet. Entre octobre 1956 et octobre 1959, elle fut disponible également en coupé. La version « hydrak » était équipée d’une boîte à vitesses semi-automatique 4 rapports. La production totale représenta quelques 84 645 unités assemblées en Allemagne et à Port Melbourne, en Australie. En adoptant l’injection mécanique indirecte, elle devint Mercedes-Benz W128, les variantes 4 portes, cabriolet / coupé étant disponibles respectivement entre octobre 1958 et août 1959 et entre juillet 1958 et octobre 1960. La production totale représenta 3 916 exemplaires. En parallèle, la version 6 cylindres 4 portes d’entrée de gamme, dénommée Mercedes-Benz W105, fut disponible entre mars 1956 et juillet 1959. Elle fut réalisée à 27 845 unités. Sur 559 369 exemplaires, un exploit pour Daimler-Benz, 20,8% des Mercedes-Benz « ponton » reçurent un 6 cylindres de 2195cm3.

Les Mercedes-Benz Heckflosse, une révolution

La Mercedes-Benz W111, la première autoroutière de la marque à arborer le style « ailerons »

En août 1959, fut mise sur le marché la Mercedes-Benz W111. Elle remplaçait les modèles W180, W128 et W105. Son 6 cylindres était muni de 2 carburateurs ou d’une injection mécanique indirecte. La version « automatic » était équipée d’une boîte à vitesses automatique 4 rapports. Son empattement était de 2,75m pour une longueur de 4,88m. La Mercedes-Benz W111 220SE reçut des freins à disques à l’avant en avril 1962, cette avancée technique étant généralisée à l’ensemble de la gamme en août 1963. Entre 1966 et 1968, elle fut disponible en variante break dénommé Universal d’une longueur de 4,89m. Elle fut assemblée jusqu’en 1968 à 338 003 exemplaires en Allemagne, à Port Melbourne, en Australie et à East London, en Afrique du Sud. En avril 1961, vint la 4 cylindres Mercedes-Benz W110 qui sera immortalisée dans le film La déchirure. Son empattement était de 2,7m pour une longueur de 4,73m. Le break Mercedes-Benz W110 Universal fit une timide apparition en 1965 en versions 190D et 190D automatique. La gamme s’étoffa dès 1966. Sa longueur était de 4,74m. En juillet 1966, apparut la Mercedes-Benz W110 230, équipée d’un 6 cylindres. En 1967 uniquement, furent proposées les limousines 7 places Mercedes-Benz W110 200D et 200D automatique. Leur empattement était de 3,35m pour une longueur de 5,38m. Bien entendu, les performances étaient modestes : 125km/h et le 0 à 100km/h était franchi respectivement en 30 secondes et 36,6 secondes. La Mercedes-Benz W110 fut assemblée jusqu’en 1968 à 628 282 exemplaires à Sindelfingen en Allemagne, à Port Melbourne en Australie et à Barcelona au Venezuela.

La Mercedes-Benz W112, la devancière des élégantes Classe S

Entre avril 1961 et juillet 1965, la gamme « ailerons » fut coiffée par la Mercedes-Benz W112 300SE. Son empattement et sa longueur étaient identiques à ceux de la Mercedes-Benz W111. Elle s’en distinguait par son moteur 6 cylindres de 3 litres muni d’un arbre à cames en tête et d’une injection mécanique indirecte. Le choix en matière de transmission était pléthorique : boîte automatique 4 rapports (avec en option, changement du rapport de pont) ou boîte manuelle 4 rapports (avec en option, changement du rapport de pont) ou boîte manuelle ZF 5 rapports. Ainsi, cette voiture put être championne d’Allemagne sur circuits en 1965 avec Manfred Schiek (1935-1965) à son volant ! Les équipements montés en série étaient : 4 freins à disques, direction assistée, blocage du différentiel et suspension pneumatique arrière. La liste des équipements optionnels était constituée par la peinture métallisée, les vitres teintées, les appuie-têtes en forme de rouleau, la radio Becker, la climatisation et les ceintures de sécurité.

Entre mars 1963 et juillet 1965, elle fut disponible en version Lang, dénommée rétrospectivement SEL. La diversité en matière de choix de transmission était conservée. Son empattement était de 2,85m pour une longueur de 4,98m. Elle avait droit à des options complémentaires : verrouillage centralisé et séparation de l’habitacle avec une glace commandée électriquement. Elle fut assemblée à Stuttgart-Untertürkheim à 6 748 exemplaires dont 1 546 en version Lang. Les Mercedes-Benz « ailerons » représentèrent une production totale de 973 033 unités. Les modèles Mercedes-Benz W111 et Mercedes-Benz W112 furent disponibles en coupé et cabriolet. Les ailerons étaient fortement réduits, ce qui les apparentait stylistiquement aux nouvelles Mercedes-Benz W100/W108/W109. Quant au modèle Mercedes-Benz W110, il fut remplacé par les Mercedes-Benz W114/W115.

Article co-écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’archives

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Une réflexion sur “Focus sur : Les Mercedes-Benz Heckflosse, un film, une déchirure, une époque

  1. Je n’ai pas vu le film La Déchirure, mais la Mercedes-Benz W110 est une voiture que je connais. Vos photos sont superbes, surtout la W186 de 1957 qui a été vendue par Artcurial. Je me demande bien si elle roule toujours.

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