Les Alfa Romeo du film Mille Milliards de dollars

Alfa Romeo a toujours eu un lien spécial avec le cinéma. Le film Mille milliards de dollars en ait l’exemple. Ce film français sortit le 10 février 1982. Il est toujours d’actualité et n’a pas vieilli : un acteur extraordinaire, Patrick Dewaere, un réalisateur qui l’est tout autant, Henri Verneuil, une intrigue magnifique qui rend les 130 minutes de la durée du film extrêmement courtes et pour finir deux sublimes voitures : l’Alfa Romeo Alfa 6 2.5 et l’Alfa Romeo GTV 6 2.5. A l’occasion des 40 ans de ce monument du cinéma français, ABSOLUTELY CARS vous propose d’explorer tous les thèmes de ce film : de célèbres Alfa Romeo de Paul Kerjean et de Michel Saint-Claude, en passant par l’aventure des marques soviétiques KIM, Moskvitch et ISH dont l’histoire semble étrangement ressembler à cette œuvre de fiction !

Le film Mille milliards de dollars

Le réalisateur et scénariste de cinéma français d’origine arménienne Henri Verneuil (1920-2002) est tout simplement un géant. Cela fait vingt ans qu’il nous a quitté. Ses films à succès qui ont dépassé les 3 millions d’entrées, sont nombreux.  Tout d’abord, il y eut ceux qui eurent comme acteur principal Fernandel : La Table-aux-crevés (1952), Le Fruit défendu (1952), Le Boulanger de Valorgue (1953), L’Ennemi public nº1 (1954), Le Mouton à cinq pattes (1954) ou La Vache et le Prisonnier (1959). Ensuite, vinrent des films ô combien célèbres :  Mélodie en sous-sol (1963, avec Jean Gabin et Alain Delon), Cent Mille Dollars au soleil (1964, avec Jean-Paul Belmondo et Lino Ventura), Week-end à Zuydcoote (1964, avec Jean-Paul Belmondo), Le Clan des Siciliens (1969, avec Jean Gabin et Alain Delon), Le Casse (1971, avec Jean-Paul Belmondo et Omar Sharif), Peur sur la ville (1975, avec Jean-Paul Belmondo) et Les Morfalous (1984, avec Jean-Paul Belmondo et Michel Constantin). Henri Verneuil réalisa également les pépites du cinéma français : Le Président (1961, avec Jean Gabin et Bernard Blier, 2 784 241 d’entrées), I… comme Icare (1979, avec Yves Montant, 1 829 220 d’entrées), film bien supérieur à celui de 1991 dénommé JFK avec, comme acteur principal, Kevin Costner, et Mille milliards de dollars (1 190 673 d’entrées). Henri Verneuil aurait pu revendiquer plus de 90 millions d’entrées !

Patrick Dewaere (1947-1982), de son vrai nom Patrick Bourdeaux, fit ses débuts en 1950 sur les planches du théâtre national de Chaillot. Il conserva le pseudonyme de Patrick Maurin jusqu’en 1967. Il participa à une trentaine de pièces de théâtre et de téléfilms à succès pour l’ORTF. En 1964, le nom de Patrick de Waëre apparait au générique de la mini-série Les Hauts de Hurlevent. Par la suite, il adopta la graphie définitive sous laquelle il devint célèbre. En 1974, il fut révélé au grand public grâce au film Les Valseuses de Bertrand Blier. Il interpréta le rôle de l’inspecteur Lefèvre dans Adieu poulet de Pierre Granier-Deferre en 1975, celui du juge Jean-Marie Fayard dans Le Juge Fayard dit « le Shériff » d’Yves Boisset en 1977, celui de François Perrin dans Coup de tête de Jean-Jacques Annaud en 1979, celui de Bruno Calgagni dans Un mauvais fils de Claude Sautet en 1980, celui de Paul Kerjean dans Mille milliards de dollars en 1982 et celui d’Alain Durieux dans Paradis pour tous d’Alain Jessua en 1982. Patrick Dewaere se suicida le 16 juillet 1982 à l’âge de 35 ans.

Le 12 octobre 1980, Patrick Dewaere donna un coup de poing au journaliste Patrice de Nussac, ce qui lui valut un véritable boycott de la part de la presse et des médias. Malgré cela, Henri Verneuil, le considérant comme un des meilleurs acteurs de moment, lui donna dans Mille milliards de dollars, le premier rôle sans partager l’affiche avec les acteurs de renom qui l’entourait. Caroline Cellier (1945-2020) jouait le rôle de Hélène Kerjean, son épouse, Mel Ferrer (1917-2008), celui de Cornelius “Nell” Abel Woeagen, président de la multinationale GTI, Michel Auclair (1922-1988), celui de Michel Saint-Claude, directeur de GTI-Europe et Jean Mercure (1909-1998), celui de Joachim Holstein, ex-directeur de GTI-Autriche.

Le synopsis du film est le suivant : Paul Kerjean révèle dans les colonnes du journal La Tribune pour lequel il travaille, la corruption d’un homme politique par la multinationale GTI. Ne supportant pas ces accusations, le politicien Jacques Benoît-Lambert, dit « JBL », innocent, se suicide. Paul Kerjean, pris de remords, approfondit ses recherches et découvre que JBL fût assassiné. Le journaliste acquit le dossier sulfureux de JBL auprès de Joachim Holstein apportant les preuves que la multinationale américaine fournissait des armes et bombardiers à l’Allemagne nazie. Mille milliards de dollars représente le chiffre d’affaires de la multinationale GTI, obtenu en jouant sur les taxes et impôts pratiqués dans les divers pays. C’était également le PIB de la France !

Les phrases mythiques du film sont :

  • « l’entretien avait commencé par « mon cher Michel » et s’est terminé par « Monsieur Saint-Claude » ce qui, en langage GTI, voulait dire que j’étais viré. », de Michel Saint-Claude à Paul Kerjean,
  • « Voyez-vous, de très grandes choses ont souvent été réalisées parce que deux hommes, face à face, se sont regardés et ont su saisir cette seconde indéfinissable qui est la confiance, sans raison et sans logique. », de Paul Kerjean à Joachim Holstein.

Pour parfaire le personnage de grand reporteur sérieux, Paul Kerjean se déplace en Alfa Romeo GTV 6 2.5 de 1981. De même, le directeur de GTI-Europe, Michel Saint-Claude, utilise une Alfa Romeo Alfa 6 2.5 de 1979.

Les Alfa Romeo GTV 6 2.5 et Alfa Romeo Alfa 6 2.5 : plus que des voitures de cinéma, toute une saga !

Lors de son lancement en 1974, le coupé Alfa Romeo Alfetta GT reçut un accueil favorable du public. Il était équipé d’un 4 cylindres de 1779cm3 muni d’un double arbre à cames en tête et de deux carburateurs provenant de la berline Alfa Romeo Alfetta présentée le 17 mai 1972, d’une boîte à vitesses 5 rapports (une constante pour ce modèle) accolée à un pont De Dion, de roues avant indépendantes, de 4 freins à disques, de 4 jolies places grâce à un empattement de 2,4m, d’un hayon donnant sur un coffre de 370 litres et d’un capot s’ouvrant vers l’avant. Sa ligne était agréable : elle était due à Giorgetto Giugiaro (1938-….), fondateur d’Italdesign. Mi 1976, il fut remplacé par l’Alfa Romeo Alfetta GT 1600 et la version originelle fut alors surnommée Alfa Romeo Alfetta GT 1800. Les versions US étaient équipées d’un 1962cm3 et d’une injection. La version Alfa Romeo GTV (Gran Turismo Veloce), introduite sur le marché en 1976, était également équipée du 1962cm3, mais alimenté par deux carburateurs. En 1977, à la demande de l’importateur allemand, Autodelta produisit l’Alfa Romeo Alfetta GT V8 équipée du V8 de l’Alfa Romeo Montreal en seulement 20 exemplaires. Autodelta fabriqua, entre 1979 et 1980, à 400 unités, la version Alfa Romeo 2000 Turbodelta qui, comme sa dénomination l’indique, était équipée d’un turbocompresseur.

En 1980, arriva la deuxième série avec ses nouveaux pare-chocs plus protecteurs. La dénomination « Alfetta » disparut ainsi que la motorisation de 1570cm3. La montée en gamme se traduisit par une nouvelle proposition en matière de motorisation : un V6 de 2492cm3 muni de 2 arbres à cames en tête et de l’injection électronique Bosch L-Jetronic. Les Sud-Africains se virent proposer, entre 1984 et 1985, une magnifique variante munie d’un V6 de 2935cm3. Elle ne fut produite qu’à 200 exemplaires. Ainsi, l’usine d’Arese assembla quelques 136 275 exemplaires sur les 137 543 construits entre 1974 et 1987.

Sortie en avril 1979, l’Alfa Romeo Alfa 6 était une limousine d’un empattement de 2,6m (+ 9cm par rapport à l’Alfa Romeo Alfetta Berlina) et d’une longueur de 4,76m. La solution transaxle n’était pas retenue. La boîte à vitesses était accolée au moteur et non au pont De Dion. D’ailleurs, elle n’était pas munie d’une boîte à vitesses Alfa Romeo, mais d’une boîte manuelle ZF 5 rapports ou d’une boîte automatique 3 rapports du même fournisseur. Le capot s’ouvrait vers l’arrière. Le noble V6 de 2492cm3 était bien présent, mais il était muni de 6 carburateurs Dell’Orto simple corps. Sa consommation dépassait les 14 litres aux 100km, incompatible avec la crise pétrolière générée par le choc de 1979. Sa finition ne souffrit d’aucune critique. En octobre 1983, sa longueur fut ramenée à 4,68m et son alimentation fut remplacée par une injection électronique Bosch L-Jetronic. Cependant, la nouvelle version V6 de 1997cm3 demeura équipée des 6 carburateurs Dell’Orto simple corps. Elle fut secondée par une variante turbo diesel 5 cylindres provenant du fournisseur VM Motori. L’Alfa Romeo Alfa 6 fut retirée du marché en décembre 1986 après avoir été assemblée à 12 070 exemplaires dans l’usine d’Arese. Cette limousine resta dans nos mémoires, plus par son positionnement statutaire que par l’harmonie de ses formes.

Du film Mille milliards de dollars à la réalité, il n’y a qu’un pas

La dernière partie du film raconte l’histoire de la multinationale américaine GTI durant la Seconde Guerre mondiale qui œuvra avec le parti nazi au travers de ses filiales. Les cinéphiles firent le rapprochement avec IBM (3 lettres également) qui détenait Dehomag, une filiale allemande. Les passionnés d’automobiles anciennes font l’association avec General Motors qui détenait Opel. En effet, les usines et les actifs américains devaient être épargnés par les bombardements alliés. Les principaux sites de production de la filiale allemande étaient celui de Rüsselsheim et celui de Brandebourg, non loin de Berlin, inauguré le 18 novembre 1935. En 1944, l’usine de Brandebourg avait produit plus de 130 000 camions de moyenne capacité. Par ailleurs, l’usine de Rüsselsheim assemblait également des avions tels que le bombardier Junkers Ju 88. L’Armée rouge récupéra les plans et l’outillage des deux usines pour produire à Moscou, notamment des automobiles Moskvitch. Les contribuables américains financèrent tous les dommages subis par General Motors en Allemagne sous la forme de crédits d’impôts.

Les usines de Moscou fabriquèrent la Nami-1 entre 1927 et 1930. En novembre 1930, elles furent rebaptisées « Usine d’assemblage automobile d’État du nom de KIM à Moscou », KIM signifiant organisation internationale des jeunes communistes (Kommunisticheskiy Internatsional Molodyozhi). Elles assemblèrent des voitures et des camions Ford, puis NAZ, puis GAZ. En février 1939, l’entreprise étatique devint indépendante et assembla, dès 1940, des automobiles KIM équipées de 4 freins à tambours. En octobre 1941, les moyens de production furent déplacés dans l’Oural, bien loin du front, pour se consacrer à l’effort de guerre.

L’Opel Kadett fut présentée en décembre 1936. Sa particularité était d’être ultra-moderne : roues avant indépendantes, carrosserie autoporteuse disponible en 2 portes, 4 portes et cabriolet, 4 freins à tambours assistés hydrauliquement. Elle fut exportée en U.R.S.S. et entra frontalement en concurrence avec les automobiles KIM. En 1938, elle fut restylisée, sa face avant notamment, et une variante économique devint disponible : l’Opel Kadett KJ38, J pour Junior. Elle se présentait sous la forme d’une découvrable 2 places. Entre 1936 et 1940, l’Opel Kadett fut assemblée à Rüsselsheim à 107 618 unités, chiffre à rapprocher de celui de la KIM, 500 exemplaires environ.

L’Opel Kadett 4 portes devint la Moskvitch 400 en 1946. En complément, les usines de Moscou produisirent les variantes fourgonnette et découvrable 4 portes respectivement entre 1948 et 1956 et entre 1949 et 1953. La Moskvitch 400 fut dénommée Moskvitch 401 entre 1954 et 1956. Cette première série représenta un volume de 114 000 exemplaires. En 1956, l’empattement fut porté de 2,34m à 2,37m et la carrosserie ponton fut adoptée. Quant au moteur Opel, il fut continuellement amélioré, alésage porté de 67,5mm à 72mm en 1956, de 72mm à 76mm en 1958, soupapes en tête adoptées également en 1958… Les versions les plus recherchées par les passionnés et les collectionneurs sont les Moskvitch 410 4 portes et Moskvitch 411 break 5 portes, car elles furent équipées de la transmission intégrale. L’usine belge Renault de Haren-Vilvoorde assembla quelques Moskvitch 411 break 5 portes 4×4. Cette seconde série représenta un volume d’un demi-million d’exemplaires.

En 1964, apparut la troisième génération techniquement similaire : la Moskvitch 408. Son empattement était de 2,4m. Sa carrosserie reçut des lignes tendues et des ailerons arrière extrêmement discrets. Entre 1967 et 1969, elle fut assemblée également dans l’usine belge Renault de Haren-Vilvoorde. Fin 1967, la variante complémentaire Moskvitch 412 fut lancée. Elle était équipée d’un 4 cylindres de 1479cm3 en alliage léger muni d’un arbre à cames en tête. Elle fixa ainsi un nouveau standard : une voiture européenne équipée d’un moteur dépourvu d’un arbre à cames en tête était, somme toute, en retrait et en retard au niveau de ses motorisations. Le succès fut tel qu’elle fut également fabriquée dans l’usine d’armes IZH (Izhevsky mekhanichesky Zavod) située à Ijevsk dans l’Oural et dans l’usine bulgare Balkan implantée à Lovetch. Ces dernières étaient désignées avec un qualificatif complémentaire, « Rila ». En 1976, les versions munies du 1479cm3 reçurent des freins à disques avant.

La troisième génération de Moskvitch rapportait énormément de devises à l’U.R.S.S., le taux maximal d’exportation étant de 60%. Une quatrième génération fut envisagée. Par l’entremise de Renault, l’entreprise acquit les machines-outils affectées à la Talbot 1510. Le berceau avant fut modifié pour revoir des 4 cylindres en position longitudinale. La suspension arrière à roues indépendantes disparut. Son empattement fut ramené de 2,6m à 2,58m. Sa longueur fut portée de 4,32m à 4,35m. Sa boîte à vitesses manuelle avait 5 rapports. Dénommée Moskvitch 2141, elle fut fabriquée de 1986 à 2002, pendant 16 ans ! Elle fut importée en Europe occidentale.  En France, le réseau Poch la distribua en tant qu’Aleko entre 1990 et 1993. Selon les sources, Aleko serait l’acronyme d’Avtomobil LEninskogo KOmsomola (en français, Automobile des Jeunesses Leninistes) ou ferait référence à l’opéra Aleko en un acte de Sergueï Rachmaninov. Entre 1997 et 2001, une version fut équipée du 4 cylindres muni d’une injection et d’un arbre à cames en tête de fourniture Renault, sa cylindrée étant de 1998cm3. L’usine bulgare Balkan implantée à Lovetch assembla également cette voiture entre 1988 et 1990.

Entre 1997 et 2001, furent produites des automobiles intéressantes, exploitant la plate-forme de la Moskvitch 2141 :

  • la Moskvitch 2141 Yuri Dolgorukiy 5 portes liftback avec un empattement de 2,78m,
  • la Moskvitch 2142 4 portes notchback Knyaz Vladimir avec un empattement de 2,78m,
  • la Moskvitch 2142 4 portes notchback Ivan Kalita avec un empattement de 2,98m,
  • la Moskvitch 2141 Duet-1 et Duet-2, coupés notchback avec un empattement de 2,3m.

Le coupé notchback Moskvitch 2141 Duet-1 et la limousine Moskvitch 2142 4 portes notchback Ivan Kalita pouvaient être équipés du 4 cylindres Renault de 1998cm3 muni d’une injection, d’un double arbre à cames en tête, de 16 soupapes, le moteur référencé F7R de la Renault Clio I Williams. La dernière Moskvitch fut assemblée en 2002. 

L’usine d’armes IZH (Izhevsky Mekhanichesky Zavod) située à Ijevsk dans l’Oural, fut fondée en 1807. Elle devint célèbre grâce au fusil d’assaut AK-47, la Kalashnikov. Entre décembre 1966 et décembre 1967, elle assembla des Moskvitch 408, puis entre décembre 1967 et 1997, des Moskvitch 412. Elle fabriqua également, entre 1973 et 1997, une voiture spécifique : une Moskvitch 412 munie d’un hayon similaire à celui de la SIMCA 1100, dénommée IZH 2125. Entre 1991 et 2005, l’usine réalisa une 5 portes qui reprenait les solutions techniques issues de l’Opel Kadett originelle, une propulsion munie d’un essieu rigide arrière, bien entendu équipée d’une barre stabilisatrice avant puisque celle-ci fut montée dès 1960 sur la Moskvitch 407. La boîte à vitesses offrait 5 rapports. Entre 2001 et 2012, l’usine produisit des AvtoVaz ; entre 2005 et 2009, des KIA Spectra, une traction munie d’un 4 cylindres DOHC 16 soupapes transversal et de 4 roues indépendantes.  Elle assembla également des Škoda Felicia, des KIA Sorento, des Hyundai Accent et Atos. L’activité automobile cessa en avril 2012.

Article co-écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’archives
Photo à la Une : Marc Vorgers

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