Focus sur : La Renault 8, un échec ou un succès commercial ?

Lancée en juin 1962, il y a 60 ans, la Renault 8 est magnifiquement reconnaissable. Sa plastique fut dessinée par Philippe Charbonneaux (1917-1998), designer extérieur notamment pour Delahaye, et Gaston Juchet (1930-2007), designer interne. Ses lignes étaient tendues et résolument modernes à l’époque. Son couvercle de coffre, en forme de coquille, s’ouvrait vers l’avant. Son 4 cylindres longitudinal arrière muni de soupapes en tête avait 5 paliers (contre 3 pour la Renault Dauphine). Le radiateur était implanté à l’arrière (et non entre l’habitacle et le moteur comme sur la Renault Dauphine). Son empattement de 2,27m était le même que celui de sa devancière. Elle était équipée de 4 freins à disques, la première Française dans sa catégorie. Bien née, allait-elle connaître le succès commercial de la Renault Dauphine ?

Retour sur le contexte historique

Au début des années 1960, les succès et les déceptions se suivaient à une fréquence insoupçonnée. La Renault 4CV était la première voiture française à être produite à plus d’un million d’exemplaires (1 105 547 unités exactement). Sa descendance était assurée en 1961 par un futur best seller : la Renault R4 dite 4L. La Renault Dauphine franchit, en 1960, le seuil du million d’exemplaires réalisés pour atteindre une production totale de 2 150 738 exemplaires en 1967. Les coupé et cabriolet Renault Floride, dénommés Renault Caravelle en Amérique du Nord, se vendaient bien. La propulsion Renault Frégate et ses breaks associés Domaine et Manoir furent retirés du marché en 1960 après une production totale de 180 463 unités, une première déception pour la Régie. La version luxueuse de la Renault Dauphine, la Renault Ondine, ne rencontra pas son public.

Espérant connaître le succès de la Volkswagen Coccinelle / Käfer / Beetle et des coupé/cabriolet Karmann-Ghia Typ 14 aux Etats-Unis, la Régie investit massivement. Le 5 septembre 1956, elle créa l’évènement en lançant l’Etoile Filante sur le lac salé de Bonneville à 309 km/h. En 1957, elle fonda la Compagnie d’Affrètement et de Transport (CAT) pour acheminer ses automobiles en Floride et en Californie. En 1958, Renault était en tête des constructeurs français qui exportait en Amérique : 56 700 voitures contre 23 685 Simca, 7000 Peugeot et 3000 Citroën. Fin 1959, Brigitte Bardot fut mise à contribution pour promouvoir la Renault Caravelle aux Etats-Unis. Mais au début 1960, les ventes s’effondrèrent. La fiabilité des voitures fut mise en doute : rouille galopante pour les exemplaires en bord de mer ou en régions humides, démarrage difficile par grand froid dans les régions du Nord, poussières envahissant les intérieurs dans les régions désertiques, réseau pauvre en pièces détachées… La confiance initiale fut vite perdue ce qui entraîna une déroute financière. La Renault R8 devait à tout prix se vendre pour combler le coût de cette aventure américaine. En plus d’une concurrence interne avec la pimpante Renault R4L et la Renault Dauphine non retirée du marché, la Renault 8 rencontra sur son chemin la nouvelle Simca 1000.

Lors de sa présentation, le 16 juin 1962, la nouvelle Renault R8 était proposée avec 3 boîtes à vitesses, manuelle 3 rapports synchronisés, manuelle 4 rapports avec première non synchronisée et semi-automatique 3 rapports avec système Jaeger à coupleur électromagnétique. Sa longueur était de 4m. Le coffre avait un volume de 240 litres contre 200 litres pour sa devancière et 180 litres pour la Simca 1000.

Les évolutions de la Renault 8

La Régie ne fut pas satisfaite des résultats commerciaux de la Renault R8 uniquement disponible avec un 4 cylindres de 956cm3. En mars 1964, la boîte à vitesses 4 rapports devint totalement synchronisée. Le 1108cm3 fut également lancé sous la dénomination initiale Renault R8 Major. En octobre 1964, apparut enfin la Renault R8 Gordini, une automobile sportive grandement améliorée par Amédée Gordini (1899-1979). Son 1108cm3 développait 77ch DIN à 6500tr/mn (95ch SAE à 6500tr/mn) ! Sa vitesse maximale grimpait de 134km/h à 170km/h ! Son alimentation était assurée par 2 carburateurs Solex 40 PHH2. Mais la montée originelle des pneus restait inchangée : 135 x 15. En juin 1966, elle devint magnifique. Sa couleur bleue et ses deux bandes blanches étaient conservées, mais deux phares furent ajoutés. Les pneus étaient des 135 x 15 ou 155/70R15 (monte Dunlop en Coupe Gordini). Sa cylindrée était portée à 1255cm3. Sa puissance grimpait à 88ch DIN à 6750tr/mn (103ch SAE à 6750tr/mn). Sa vitesse maximale était de 175km/h. Son alimentation était assurée par 2 carburateurs Weber 40 DCOE. Sa boîte à vitesses avait 5 rapports. Entre octobre 1964 et mai 1970, elle fut assemblée à 11 607 exemplaires. Robert Mieusset, François Laccareau, Rolland Trollé, Bernard Lagier et Bernard Mangé remportèrent successivement la Coupe de France Renault entre 1966 et 1970. Jean Vinatier gagna le Tour de Corse en 1964, Pierre Orsini en 1965 et Jean-François Piot en 1966 !

Pendant l’été 1965, la Renault 8 Major fut remplacée par la Renault 10. Le 1108cm3 continua à être exploité dans la cadette. Officiellement, elle s’insérait entre la Renault 8 et la Renault 16. Officieusement, elle exploita la cellule centrale de la Renault R8 pour un meilleur amortissement et une diffusion améliorée. Son avant fut allongé de 13cm pour porter le volume du coffre à 315 litres, l’arrière étant allongée de 7cm pour équilibrer la ligne. Cette dernière était plus fluide et plus classique par le retrait du capot en forme de coquille. En septembre 1967, elle reçut des phares rectangulaires. En octobre 1969, la version munie d’une boîte à vitesses manuelle fut équipée d’une cylindrée plus généreuse portée à 1289cm3.

Enfin, la Renault 8 fut déclinée dans une version très intéressante entre août 1968 et le milieu de l’année 1972 : la Renault 8 1100 S. Son 1108cm3 était équipé d’un carburateur double-corps. Il développait 53ch DIN à 5500tr/mn. Sa vitesse maximale était de 146km/h. Sa face avant était avenante avec ses quatre phares.

Les Renault 8 et Renault 10 assemblées à l’étranger

American Motors Corporation (AMC), né le 1er mai 1954 de la fusion entre Nash et Hudson, distribua en Amérique du Nord des Renault 8 entre la fin de l’année 1962 et septembre 1966, puis des Renault 10 jusqu’en 1971. La longueur de cette dernière était comprise entre 4,24m et 4,26m. Pour le marché canadien, ces voitures furent également assemblées dans l’usine SOMA (Société de Montage Automobile) implantée à Saint-Bruno de Montarville, au Québec. Des Renault 8 furent aussi réalisées à Heidelberg, en Australie.

En Afrique du Sud, furent assemblées des Renault 8 entre 1963 et 1970. En décembre 1966, elle fut épaulée par la Renault 10. Les versions sportives se distinguèrent sous l’appellation Renault Alconi. Sur le circuit du Kyalami, situé à Midrand, les résultats furent époustouflants aux épreuves d’endurance annuelles de 9 heures : 4ème au général en 1963, 4ème en 1964, 9ème en 1965, 5ème en 1966, 9ème en 1967, 9ème en 1968 et 4ème en 1969.

Entre 1965 et 1976, à Valladolid en Espagne, fut produite la Fasa-Renault 8 à 257 787 unités. Elle fut complétée, de 1966 à 1970, par la Fasa-Renault 10. Ces voitures étaient équipées de freins à disques seulement à l’avant. Dans les pays hispaniques, la Renault 8 fut réalisée à Mariara au Venezuela et à Sahagún au Mexique.

Entre 1966 et 1971, les Renault 8 et Renault 10 équipées respectivement du 956cm3 et du 1108cm3, furent assemblées à Plovdiv en Bulgarie sous les dénominations Bulgarrenault 8 et Bulgarrenault 10 à 6 540 exemplaires, 1773 étant exportées notamment en Autriche contrairement aux accords prévus entre les deux parties. Ainsi s’arrêta l’aventure bulgare.

La Dacia 1100, clone de la Renault 8 1100, fut fabriquée à Mioveni, entre 1968 et 1972, à 37 546 exemplaires. Elle fut la première voiture produite par la marque roumaine. Les 4 freins à disques étaient bien présents. La Dacia 1100 S fut réalisée à 100 exemplaires environ entre 1970 et 1972.

La Renault 8 et Renault 10 : un échec ou un succès commercial ?

Entre 1962 et 1976, la Renault 8 fut fabriquée à 1 318 134 exemplaires. La production fut assurée en France à Flins et en Belgique à Haren-Vilvoorde. Elle fut épaulée par la Renault 10 qui fut réalisée à 699 410 unités entre 1965 et 1971. En ajoutant les Bulgarrenault et les Dacia, le seuil des 2 millions fut dépassé, soit 2 061 730 voitures. Toutefois, beaucoup d’efforts furent dépensés sans pour autant surpasser le score de la Renault Dauphine avec ses 2 150 738 exemplaires.

La Renault Dauphine fut remplacée par la Renault 6, puis par la Renault 5 5 portes, puis par la Renault Supercinq, puis par la longue lignée des Renault Clio. Le duo Renault Floride / Caravelle, assemblé à 117 039 unités, fut remplacé par le duo Renault 15 / 17. La Renault 10 fut remplacée par la Renault 12. La Renault 8, positionnée entre la Renault Dauphine et la Renault 10, fut remplacée par la Renault 14, puis par le duo Renault 9 / 11 équipé d’un capot en forme de coquille, qui connut un réel succès commercial.

Au début des années 1970, tout au moins en province, les Renault 10 étaient plus nombreuses que les Renault 8. Ces voitures auraient pu tomber dans l’oubli, mais il existe la mythique Renault 8 Gordini. Une autre automobile est oubliée : le concept-car commandé au carrossier italien Ghia par la Régie répondant au nom de coupé Renault 8 Ghia de 1964.

Article co-écrit par : ABSOLUTELY CARS & CARDO
Crédit Photos : ABSOLUTELY CARS & Photos d’archives

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